Actualités :: Cantines militaires : Le garba doit gagner le combat de la qualité

Du café dès 4 heures du matin, le déjeuner à 11h 30 et le souper à 17 heures. Les militaires du rang s’alimentent trois fois par jour d’un repas préparé dans les conditions habituelles de restauration. Et bien des préjugés colportés sur la cantine militaire s’effritent quand on s’invite derrière les fourneaux des casernes, même si le combat pour une meilleure qualité du garba reste à gagner. A la faveur de la fête de l’Armée nationale, célébrée le 1er novembre de chaque année, nous avons rechauffé pour vous un plat concocté il y a quelque temps de cela et qui n’avait alors pu être consommé.

Quand on s’aventure dans les cuisines militaires, bien des préjugés et d’idées reçues sont battus en brêche. Les cuistots de l’armée n’utilisent pas de pelle en guise de louche, pas plus qu’ils n’ont de barriques à la place des marmites.

Et ils n’ont pas seulement du riz et du couscous comme menu. Mieux, ils ont droit à un dessert au déjeuner. Ceux qui officient dans les cantines militaires sont des soldats en situation régulière, si on peut le dire, et non des militaires en punition ou autres désœuvrés de l’armée.

Que n’a-t-on pas entendu sur le manger des soldats ? Les civils l’appellent « garba », les militaires, eux, l’appellent « ordinaire », ou le « soutien de l’homme ». Elle répond si bien à son nom que l’on imagine mal l’armée sans sa soupe. Il était 10 heures quand nous arrivions à la cuisine du camp Guillaume-Ouédraogo, de loin le plus important du Burkina. A la porte, un tableau noir tient lieu de carte. Ce sera des spaghettis à midi, du riz à sauce le soir.

Aucune formation de base

Dans la cuisine, des hommes, rien que des hommes ! Vêtus d’une tenue bleue et chaussés de bottes en caoutchouc, ils s’affairaient autour de grosses marmites sur deux fourneaux alimentés au gaz butane. L’atmosphère ? Celle d’une... cuisine mais en plus austère. Celle-ci a pris un coup de vieux : les murs, la toiture et les fenêtres sont noircis par la suie.

On devine à peine que le sol a eu droit à un revêtement et a connu des jours meilleurs. Il est à présent « ciré », tout comme les fourneaux, par les résidus graisseux des cuissons. Un homme accroupi s’attelle à rouler des morceaux de poisson surgelé dans ce que nous avons reconnu comme étant de la farine. Un autre jauge du regard le contenu d’une marmite fumante au couvercle mi-ouvert ; les pâtes y baigneront plus tard.

Trois fois par jour, une équipe de deux militaires du rang qui font office de cuistots et exécutent leur tâche comme toute autre mission que viendrait à leur confier la hiérarchie. Ils « giclent » entre ustensiles de cuisines pour assurer la ration quotidienne des troupes.

Pour cette tâche culinaire, aucune formation de base, si ce n’est sur le tas pour ne pas dire dans les rangs. Seul compte le statut de soldat. Les nouveaux venus apprennent aux côtés des anciens qui leur passeront la main (les cuisiniers peuvent rester à ce poste six mois environ) pour perpétuer la recette militaire.

On y mange du tout… mais on ne fait pas la ripaille !

« Pour maintenir l’homme en bon état de santé et lui permettre de soutenir une activité physique en rapport avec les conditions de son existence et des servitudes militaires, l’alimentation doit être saine, agréable et équilibrée ».

C’est ainsi qu’est énoncé le principe de l’alimentation des troupes dans le décret N°72/224/PM/CPM/MA/MFC portant réorganisation du Service de la Solde dans l’armée nationale, texte sur la base duquel fonctionnent les ordinaires, lesquels ne se contentent donc pas, en principe, de servir un repas aux soldats. Ils ont l’obligation de satisfaire aux exigences sanitaires, de qualité et de quantité des mets ainsi que le suggère le texte.

« Vous pouvez trouver, ici, tout ce qui se prépare dans les familles : du riz, des pâtes, du couscous, de l’igname, du haricot (tous les vendredis), du tô (au moins une fois par mois)… », affirme Malick Togyeni, alors officier d’ordinaire au camp Guillaume. Pour certains mets comme le tô, les beignets ou les galettes, on fait appel à des prestataires extérieurs. Il en est de même pour l’approvisionnement en denrées, produits carnés ou laitiers, légumes et épices.

Tout cela est géré par un officier dit d’ordinaire. Il veille, avec son second, à l’hygiène et répond de la gestion, de la régularité des approvisionnements, de la quantité et de la qualité des mets préparés. Ce dernier aspect incombe au médecin militaire. C’est lui qui recommande les menus selon les circonstances et les occupations du corps d’armée pour lequel fonctionne la cuisine.

Structure militaire à part entière dans les casernes, elle est « mise en place pour nourrir les plus jeunes de la troupe ». A Ouagadougou, on dénombre cinq cantines militaires : celles du Camp Guillaume, du camp Sangoulé, du camp 11/78 (route de Pô), la cantine du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) et enfin celle du Prytanée militaire à Kamboinsin. Toutes ne seraient cependant pas logées à la même enseigne et certaines idées veulent, par exemple, qu’au RSP le benga soit plus gras qu’ailleurs.

Mais d’où vient l’argent ? Eh bien, la cantine est financée (sommes en sus du salaire et destinées à la subsistance des jeunes recrues jusqu’au grade de caporal) à hauteur de 1000 francs CFA par soldat et par jour. Son implantation dans un corps d’armée est motivée par le nombre important de bénéficiaires potentiels. Ce qui a l’avantage, dit-on, de favoriser « une économie d’échelle ».

Quand sonne l’heure de la soupe…

Dans les réfectoires, et contrairement à ce qu’on pourrait croire, ne mange pas qui veut, mais qui y a droit. Le texte réglementaire stipule en effet que seuls les militaires du rang ont droit « au logement, à l’habillement et à la nourriture ». A partir du grade de sergent, le bénéfice de la cantine est perdu dans les principes. Toutefois, « ceux qui sont en servitude sont pris en compte, quel que soit leur grade. Mais leur contribution à la cantine est versée par le commandement ».

Quand sonne l’heure de la soupe, les appelés accourent, réglés comme une horloge. Munis de « bouteillons » (ustensiles typiques de l’armée, tout comme la gamelle), c’est le branle-bas vers la cantine, qui à pied, qui à vélo. En attendant que le service débute, les bouteillons font le rang pendant que leurs propriétaires devisent, perchés sur les murettes qui délimitent la terrasse de la cantine. De temps à autre, certains vérifient du coin de l’œil la présence de leur ustensile pour éviter de se le faire échanger contre un brinquebalant.

Puis c’est enfin prêt. Le cuisinier du jour retire le couvercle pour découvrir le menu fumant et saisit sa louche. On se précipite alors sur les récipients pour les lui tendre à travers les deux battants de la fenêtre. Aidé de son compère, le cuistot de service vérifie la provenance de chacun et sert en fonction du nombre de bénéficiaires au nom desquels il est venu chercher le repas.

Préparés par des « novices » dans le domaine de la restauration, les repas de la soldatesque sont juste bons à nourrir, pas à concourir pour quelque Guide gastronomique. L’officier d’ordinaire fait vite de situer son unité dans le contexte : « C’est vrai que notre cuisine peut quelquefois rebuter, mais il faut savoir que c’est avant tout une cuisine pour militaires… ». Ayant évoqué le terme « saveur » avec les pensionnaires, on nous répondit par un laconique « ça passe ».

Les plus hardis de nos interlocuteurs esquissent des réponses quelque peu biaisées du fait de la notion de réserve qui n’est pas un vain mot dans la Grande Muette. « Si ceux qui préparent goûtent, et quand c’est bon à leur palais, ça l’est également pour nous… ». Plutôt mauvaise... langue, ce troufion.

Au camp Guillaume, les statistiques font actuellement état d’environ cent quarante abonnés au garba. Le gros de la troupe représente les soldats en faction dans les différents postes de garde aux environs du camp. Sur l’ensemble du territoire burkinabè, environ sept mille soldats (le nombre exact ne nous a pas été communiqué car relevant, paraît-il, du secret-défense) passent à table chaque jour. Ce qui fait, au bas mot, une dépense estimée à 7 millions par jour.

Signe des temps, la fameuse « corvée bois » est reléguée dans les poubelles de l’histoire de l’armée burkinabè. Car sauf cas de force majeure, tout se mijote désormais intégralement au gaz. La leçon d’écologie (peut-être d’économie) semble avoir été assimilée.

Mais un autre combat est à peine entamé, celui de la qualité, de l’hygiène « tout court ». Tout aussi bien armés qu’ils soient, le moindre agent pathogène peut décimer tout un régiment, et le premier combat à gagner demeure celui engagé pour rester bien-portant.

Christian Zongo

L’Observateur Paalga

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