Actualités :: Mme Claudine Damiba, présidente de l’AME de Zorgho : « C’est toujours mieux de (...)

Pendant une pause dans un restaurant au détour d’un reportage dans la province du Ganzourgou, nous avons par hasard entendu une conversation de jeunes gens sur les filles de Zorgho. « La Brigade Rouge » revenait souvent dans les échanges, pour faire allusion à leurs défenseurs. C’est ainsi que nous avons chercher à rencontrer cette « Brigade Rouge » dirigée par Mme Claudine Damiba / Ouédraogo, avec qui nous avons échangé sur la situation des femmes dans la province, précisément sur les difficultés qu’elles rencontrent en matière d’accès à la terre.

Carrefour africain (C.A) : Pourquoi avoir dénommé votre association ‘’la Brigade Rouge’’ ?

Claudine Damiba/ Ouédraogo : Brigade Rouge est un surnom qu’on nous a donné au regard de ce que nous faisons. C’est un collègue qui, un jour a estimé que notre association devrait s’appeler Brigade Rouge parce que nous empêchons les hommes de tourner autour des filles dans la ville. Ce surnom nous a suivi jusqu’aujourd’hui et partout où nous passons à Zorgho, on nous appelle la Brigade Rouge. Quand les groupuscules de garçons et de filles nous voient arriver, ils se dispersent en disant, la brigade rouge est là. Sinon, notre structure est l’Association des Mères Educatrices (AME)

CA : En quoi consiste concrètement votre activité au sein de l’association des mères éducatrices ?

C.D/O : Au sein de notre association des mères éducatrices créée en 1997, notre premier objectif est de promouvoir la scolarisation des filles, leur maintien à l’école de même que leur réussite. Dans ce cadre nous menons des activités chaque année avec la collaboration des parents d’élèves et les filles elles-mêmes. Au cours de ces activités nous expliquons à chacun son rôle dans la société. Aussi c’est pendant ces activités que nous rencontrons des filles qui ont par exemple des problèmes de grossesse dans les établissements.

Notre devoir de mère c’est de les accompagner, d’encourager ses filles à ne pas baisser les bras, à surmonter cette épreuve et à poursuivre leurs études. En général nous nous rendons dans l’établissement où la fille a des difficultés pour rencontre le directeur ensuite nous discutons avec la fille et si nécessaire ses parents. Nous travaillons avec l’Action Sociale pour trouver des solutions afin que la fille puisse terminer ses études.

C.A : Quelle est la situation de la femme aujourd’hui dans le Ganzourgou ?

C.D/O : La situation de la femme au Ganzourgou est la même que partout dans le plateau central. Vous connaissez la conception que le mossi a du statut de la femme dans la société. C’est-à-dire qu’elle doit être soumise, une bonne épouse, une bonne mère… Dans notre province particulièrement nous avons eu des difficultés surtout dans la scolarisation des filles.

Le taux était très faible. Beaucoup de parents estimaient que scolariser une fille était un investissement à perte parce que la fille est considérée comme une étrangère dans sa propre famille. Cette conception est restée dans la mentalité des gens et nous travaillons changer cela. Nous faisons savoir à tout le monde que la femme a sa part jouer dans le développement de la province.

C.A : Une des difficultés que la femme rencontre le plus souvent est relative à l’accès à la terre. Est-ce qu’au niveau du Ganzourgou les femmes connaissent ce problème ?

C.D/O : Bien sûr ! Vous savez que nos sociétés sont régies par le droit coutumier. Et le statut de la femme dans nos sociétés fait qu’il est difficile pour une femme de posséder une terre. Car la terre appartient à l’homme. Elle profite de la terre de son mari pour cultiver. Souvent quand son mari décède elle est dépossédée de sa terre. C’est des cas que nous rencontrons trop souvent.

C.A : Quelle est votre approche pour régler ces genres de situations ?

C.D/O : Dans chaque famille, il y a toujours un patriarche, un ancien. Ce sont ces derniers que nous rencontrons pour discuter et trouver des solutions aux problèmes de litiges que les femmes rencontrent. Nous leur faisons savoir que la femme a aussi besoin de la terre pour survivre et aussi nourrir ses enfants. Et que c’est injuste de lui retirer ce droit. Petit à petit les mentalités changent. Nous avons résolus plusieurs ces cas par ce procéder de négociation.

C.A : Pourquoi toujours négocier alors que la loi confère les droits d’accès la terre aussi bien à l’homme qu’à la femme ?

C.D/O : L’accès à la terre est un problème délicat. C’est toujours mieux de négocier plutôt que de brandir des textes que plusieurs ne connaissent mêmes pas. Beaucoup de gens ne comprennent pas les textes. Nous négocions d’abord et après, nous profitons faire de la sensibilisation pour faire comprendre qu’il y a des textes qui disent que les femmes ont les mêmes droits que les hommes sur la terre. Généralement ça marche, et les gens avouent qu’ils n’étaient pas informés de l’existence de la loi. Sinon, croyez-moi, si nous partons avec les textes en premier comme pour réclamer, nous allons échouer.

C.A : Avez-vous le soutien des autorités dans la mise en œuvre de vos activités ?

C.D/O : Oui ! Elles nous appuis parfaitement dans nos activités. Lorsque nous avons un cas très sérieux nous allons voir les autorités locales et c’est avec elles que nous trouvons des solutions.

C.A : Que gagnez-vous en retour en vous engageant ainsi dans cette lutte ?

C.D/O : J’ai une satisfaction morale. Parce que les femmes et les filles soufre en silence et il faut des gens pour porter leur cri. Il y a des femmes qui passent la nuit à pleurer ne sachant à quel saint se vouer. Elles viennent nous voir pour raconter ce qu’elles vivent dans leur foyer. Notre rôle, c’est de faire comprendre à la société qu’il faut aider ces femmes et non les non les mettre de côté parce que si nous voulons bâtir ce pays, il faut aller ensemble.

C.A : Avez-vous déjà été victime d’une quelconque violence dans votre foyer ou dans votre entourage pour expliquer votre engagement ?

C.D/O : Non ! Je n’ai jamais été victime d’une quelconque violence. Mais j’observe autour de moi car je suis née et j’ai grandit au Ganzourgou. Je vois beaucoup de souffrances chez la femme et c’est ce qui m’amène à toujours m’investir dans cette lutte.

C.A : Que pensez-vous de l’existence d’un ministère de la promotion de la femme ?

C.D/O : Je remercie le gouvernement d’avoir pensé à créer ce ministère. Il existe pour nous tous. Ce ministère travaille sans relâche pour améliore nos conditions de vie et nous le ressentons au niveau des provinces. Le ministre ne se lasse pas de discuter avec les femmes même dans les localités les plus reculées et de les aider dans la mesure du possible à résoudre leurs problèmes. Cela est encourageant pour nous, et je voudrais en retour encourager ce ministère à continuer ce combat. Avec l’adoption de la politique nationale genre je reste convaincu que petit à petit les gens changerons.

C.A : Pourtant d’aucun disent que la promotion de la femme passe d’abord par la suppression de ce ministère.

C.D/O : Je ne suis pas de cet avis. Ce serait plutôt un recule si on le supprimait. La création de ce ministère n’a pas seulement été voulue par les femmes mais par tout le monde. Je souhaite que l’on renforce plus ses capacités, qu’on lui octroi plus de moyens parce que les femmes représentent plus de la moitié de la population et nous ne pouvons être en marge du développement du pays.

C.A : Bénéficiez-vous des appuis de ce ministère ?

C.D/O : Oui ! Nous bénéficions de formations, des conseils et des appuis de toute sorte.

C.A : Quel est votre entendement de l’égalité des sexes ?

C.D/O : C’est un droit mais il faut que les gens comprennent que l’égalité n’est pas physique, un manque de respect à son partenaire. C’est plutôt une façon de voir ensemble dans la même direction pour construire.

C.A : Qu’est-ce qu’une femme émancipée selon vous ?

C.D/O : C’est une femme qui sait ce qu’elle veut, où elle va et ne se met pas au dessus de son partenaire.

C.A : Comment voyez-vous un monde dominé par la femme ?

C.D/O : Dans mes rêves et mes prières je ne souhaite pas que la femme domine l’homme. Nous essayons dans nos combats de réparer une injustice qui existe déjà et si les femmes doivent un jour dominer les hommes ce sera encore une injustice qu’il faut encore combattre.

Interview réaliser par P. Pauline Yaméogo

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