Il y a des moments dans la vie individuelle comme dans celle des peuples où le sort semble vous prendre comme cible pour un certain temps. Il est vrai, comme le dit Hegel, que les pages de l’Histoire ne sont jamais blanches, elles sont noircies de tragédies et de cataclysmes. Le Niger semble de nos jours en proie à tous ces pathos.
En effet, ce pays ploie aujourd’hui sous le poids d’une crise politique qui est en passe certes d’être résolue, mais qui demeure réelle : Mamadou Tandja a bien été déposé, et la junte a fixé une présidentielle pour janvier 2011, mais avant cette date, il peut se passer beaucoup de choses fortuites ou provoquées à dessein, qui plomberaient le processus.
Alors qu’on en était à résoudre l’équation politique, voilà que l’on constate que le spectre de la famine promène sa silhouette depuis des lustres au Niger.
S’il est vrai que le constat des ventres affamés nigériens ne date pas d’hier, les ex-autorités en avaient fait un sujet tabou, parlant de "délateurs" qui voulaient déstabiliser le pays. Ce qui avait eu l’avantage, pour l’ancien régime, de focaliser l’attention des populations sur des sujets oiseux, alors que les questions vitales restaient en suspens. Une vieille stratégie politique connue pour gagner du répit.
En décrétant le Niger pays en famine, les tombeurs du héros du « Tatcharsé » ont vite tendu la sébile pour nourrir des milliers de bouches. Mais Salou Djibo et compagnie étaient bien loin de s’imaginer que le ciel allait leur tomber sur la tête. En août dernier, des pluies ont créé le déluge à Niamey et dans ses environs, plongeant encore ce pauvre pays sahélien dans la détresse.
Alors que les populations ont toujours les pieds dans l’eau et toutes leurs cultures vivrières et maraîchères englouties, voilà que le ciel se noircit de nouveau de… criquets-pèlerins, qui ont déjà dévoré 1400 ha de champs de mil et de haricots dans l’Est du pays.
Pauvre Niger ! Ou devons-nous dire pauvre Sahel, car des voisins tels le Mali et le Burkina Faso devront s’en inquiéter. La sécheresse et les inondations n’ont épargné aucun d’eux, et comme le dit bien un adage de chez nous, « quand la case du voisin brûle, il faut l’aider et essayer de s’en prémunir ».
Le Burkina Faso a connu son déluge le 1er septembre 2009 et même en 2010, les vannes du ciel ont pris des vies humaines et causé d’immenses dégâts. Il connaîtra sans doute aussi le séjour de ces visiteurs indésirables qui ignorent les frontières.
Ouagadougou est à 350 km de la frontière avec le Niger, autant dire que des régions telles le Nord-Est et le Plateau central pourraient être prises d’assaut par les criquets-pèlerins, qui ne laissent que désolation derrière eux. Espérons que les autorités burkinabè préparent la riposte à cette épidémie d’un tout autre genre qui frappe sans prévenir.
Z. Dieudonné Zoungrana
