Actualités :: Affaire de Gaoua : Les policiers dealaient avec la victime

Trois morts, des familles endeuillées et une population traumatisée, c’est la conséquence des violences qui ont secoué Gaoua, suite à la bavure policière ayant entrainé la mort du jeune Arnauld Somé. La victime était un orpailleur bien connu des services de police pour y avoir séjourné pour une affaire de drogue. Un séjour au cours duquel bien des choses se seraient passées. On parle de plus en plus d’un deal entre la victime et des policiers ripoux autour de transactions portant sur l’or et la drogue.

Le 30 juin, Arnaud et Yassia sont interpellés sur la route de Gbomblora vers 14 h. Quatre policiers les y attendaient apparemment. Les circonstances de leur arrestation sont controversées mais un fait est certain. Des deux jeunes gens, seul Arnaud était l’objet de l’ire des policiers. Ces derniers se sont acharnés sur lui, le rouant de coups de poings et de pieds mais aussi de coups de crosses au point que le malheureux vomissait du sang. Au commissariat de police où il est amené, on a continué à lui infliger des tortures avant de le jeter en cellule. Quand il est apparu clairement que l’état du jeune homme était inquiétant, il fut conduit à l’hôpital, menottes aux poignets comme un dangereux criminel. Le jeune homme serait même mort dans les menottes et sans soins. Si comme on le dit, de la drogue avait été découverte dans son sac, on s’étonne que ce soit à lui seul qu’on s’en est pris alors qu’ils étaient deux sur la monture. Il y a donc manifestement anguille sous roche.

Deals mafieux impliquant des policiers ripoux

Depuis la mort d’Arnaud, les langues ont commencé à se délier. C’est ainsi qu’on apprend que un des policiers ayant participé à l’interpellation du 30 juin était connu de la famille d’Arnaud pour avoir été le petit ami de sa sœur. L’idylle aurait même donné un enfant dont le policier contesterait aujourd’hui la paternité. Mais pour nombre de personnes que nous avons interrogées, les liens entre Arnaud et le policier allaient au-delà des rapports entre beaux frères. Les deux entretenaient en réalité des relations d’affaires. Dans la zone de Gaoua, les orpailleurs sont réputés riches. On les dit à l’origine du renchérissement du coût de la vie tant ils se préoccupent peu du prix de la marchandise.

Ils achètent à tour de bras et affichent une certaine aisance matérielle. Il est admis que les sites d’or sont un lieu de prédilection de bandits de tous acabits. C’est aussi un espace de circulation de la drogue. Ce sont là autant de conditions qui favorisent la proximité entre policiers et cette population. Au nombre des pratiques policières qui nous ont été rapportées, il y a les rackets. Des policiers se seraient transformés en douaniers, imposant des taxes sur les produits de l’orpaillage. A côté de cela, on y dénombre des comportements de délinquants parmi les policiers eux-mêmes. Certains se transformeraient en braqueurs la nuit. Un policier soupçonné de braquage aurait même été affecté. Arnaud évolue donc dans un environnement mafieux. Pour avoir déjà été un pensionnaire de la police pour infraction à la législation sur les stupéfiants, c’est avec une certaine facilité que ce dernier aurait accepté d’entrer en deal avec des policiers ripoux.

Son rôle aurait consisté à écouler sur les sites d’or de la drogue provenant des saisies policières. La quantité remise par les policiers serait d’une valeur approximative de 500 000FCFA. Cette quantité aurait été écoulée à crédit par Arnaud. Mais les policiers avaient besoin de leur argent qu’Arnaud avait du mal à leur rendre. On en est donc arrivé à des ultimatums. Le 30 juin dernier, les policiers en embuscade avaient donc une cible précise : Arnaud. La correction qui lui a été infligée a certainement dépassé la simple intimidation. A-t-on eu peur que l’on découvre le pot aux roses ? On peut le croire surtout qu’aucune chance n’a été laissée au pauvre Arnaud. Sous le coup des violences policières, il aurait eu les côtes cassées et la rate broyée. Une enquête sérieuse et impartiale permettrait d’en savoir plus et surtout d’aller au-delà des déclarations officielles volontairement générales et évasives.

Les zones d’ombre

Arnaud Somé

Sur les circonstances de l’arrestation des jeunes gens, il y a un flou qui appelle nombre d’interrogations. La première version policière accrédite l’idée d’une tentative de fuite d’Arnaud. Il aurait été vite rattrapé et c’est cela qui serait à la base de l’ire des policiers contre lui. Yassia Nacanabo, l’autre interpellé, ne parle pas de fuite. Il ne reconnaît pas non plus la version de la drogue qui aurait été découvert dans le sac de son ami. Pour lui, s’il y avait eu de la drogue, on aurait dû le leur montrer sur le lieu de l’interpellation. Une autre version de l’arrestation des jeunes gens nous vient d’un fonctionnaire de la santé à qui Arnaud aurait parlé sur son lit d’hôpital. Selon ce dernier, les policiers auraient sommé les deux jeunes de courir. Dans sa course, Arnaud aurait glissé dans un ravin.

Malheureusement, la victime n’est plus de ce monde pour témoigner. Des questions se posent cependant. Le lieu d’interpellation qui est l’objet de moult interpellations est aujourd’hui un lieu de curiosité. Nombre de gens s’y sont rendus pour comprendre ce qui a bien pu se passer. Un premier constat se dégage, contradictoire. La police avait laissé croire que dans sa tentative de fuite, Arnaud s’était retrouvé au fond d’un ravin. Constat des populations : il n’y a pas le moindre ravin à cet endroit. Notre visite sur le site confirme leur déclaration.

Autre fait troublant, Arnaud est mort aussi en partie faute de soins. Les seuls médicaments qui ont été achetés pour lui l’ont été sur la base de sous qui auraient été trouvés sur lui. Selon des sources hospitalières, aucun des examens demandés concernant Arnaud n’a été fait. Pourtant, quand le malade est conduit à l’hôpital, il vomissait du sang et se plaignait de violents maux de ventre. Il avait aussi la figure complètement tuméfiée. Voilà quelqu’un qui a subi de mauvais traitements de la police qui du reste n’a pas relâché la garde sur lui et qui semble attendre de la famille de la victime qu’elle assure les soins. L’a-t-on fait intentionnellement pour ne pas laisser la moindre chance à Arnaud ?

Des réactions en cascades

Les brutalités des forces de défense et de sécurité ont engendré un concert de protestations de la part des populations de Gaoua mais aussi des mouvements de défense des droits humains. On lira à cet égard la réaction du MBDHP dans le présent numéro. Sur place, l’antenne locale de Social Alert dénonce les traitements inhumains infligés à Arnaud Somé : "Arnaud SOME au cours de son arrestation a été méchamment bastonné et conduit au poste de Police où son état a empiré …"
De même, la représentation parlementaire nationale a interpellé le gouvernement sur les violences des forces de police. Un des parlementaires a même rappelé les nombreuses bavures accumulées ces dernières années pour s’interroger s’il s’agit d’un problème de formation.
Quoiqu’il en soit, justice doit être rendue aux victimes de Gaoua. Que ce soit les responsables des violences, la piste des policiers ripoux, la démission de l’autorité policière sur la question des soins d’urgence à prodiguer à la victime, toutes les responsabilités doivent être situées afin d’en tirer les conséquences qui s’imposent.

Par Napon Abdoul Razac


Communautés religieuses et à plaisanterie dans la médiation

Face à l’indignation générale suscitée par les violences policières et au regard de la colère des populations mobilisées pour réclamer justice, il y avait des risques sérieux que la situation continue à dégénérer. Les communautés à plaisanterie et les confessions religieuses sont alors entrées dans la danse pour offrir leur médiation. Toutes les confessions religieuses ont sans exception joué la carte de l’apaisement. Elles se sont retrouvées chez le chef de canton de Gaoua en vue de se concerter sur les moyens de ramener la paix. On aura également noté l’intervention des communautés à plaisanterie en particulier les Gwins de Banfora. En effet, dès l’arrivée du corps de la troisième victime, Da Etienne, ils se sont mobilisés pour se rendre à la gare routière et accompagner le corps jusqu’à la concession familiale. Arborant des feuilles de karitié et implorant le pardon de la population, ils étaient à la tête du cortège pour prévenir d’éventuelles dérives. Par moments pourtant, quelques activistes ont tenté sans succès de dévier le cortège de son itinéraire pour le conduire vers le Gouvernorat. Il faut louer la détermination et le savoir faire de ces responsables de la communauté gwin qui a permis d’éviter toute escalade.

Ollo Daniel Palé (danyolpale@yahoo.fr) : Collaborateur


La controverse sur l’usage des balles réelles

Etienne Dah, fauché par les militaires

Nier l’usage de balles réelles est devenu une rengaine à chaque fois qu’on enregistre des bavures de la part des éléments de sécurité. On l’a vu dans le cas de Flavien Nébié, et des événements de Garango notamment. A Gaoua, ministres et responsables de la sécurité tentent également de nier la réalité des balles. Et pourtant, les deux dernières victimes de Gaoua ne sont pas tombées sous l’effet des balles à blanc. C’est une manière de dire que s’il y a eu usage des balles réelles ce n’est pas le fait des forces de sécurité qui selon les propos du ministre Maxime Somé sont des professionnels.

La réalité est que l’on a pris peur trop vite au lieu d’évaluer froidement la situation. Nombre de personnes s’accordent à dire qu’il n’y avait pas danger au point de faire intervenir l’armée. Or quand on fait venir l’armée c’est qu’il ne s’agit plus de maintien d’ordre mais de guerre où l’objectif est de détruire les cibles. La preuve c’est que c’est suite à l’intervention de l’armée que l’on a déploré les deux derniers morts. Le Gouverneur qui est lui-même un colonel de l’armée a cédé au reflexe en appelant ses frères d’armes qui sont venus montrer leur savoir faire. Pourtant, une autre approche plus pertinente était possible. La situation dans la zone de Gaoua était déjà tendue avant les événements du 30 juin et 1er juillet. Le commissariat de police avait été la cible d’une fronde de paysans venus de Holly, village de la commune de Gaoua.

Ils étaient venus protester contre l’arrestation de trois personnes considérées comme les meneurs d’un mouvement de protestation contre l’installation de sites d’orpaillages dans leurs champs. Leur opposition au projet était bien connu des autorités. Cela n’avait pas empêché qu’un individu se présente un jour dans le village muni d’un permis d’exploiter délivré à Ouagadougou. En dépit du fait que ce dernier est lui-même natif du village, il fut chassé par les populations. Les trois personnes détenues au commissariat de Gaoua sont considérées comme les cerveaux de la résistance villageoise. Il aura fallu beaucoup d’interventions et de négociations pour éviter le pire. Les populations de Holly avaient finalement accepté de s’en remettre à la justice.

Une stratégie sécuritaire peu fiable

Le précédent de Holly aurait du inciter les autorités responsables de la sécurité à plus de vigilance. On s’étonne que dans une situation qui sentait la poudre, on n’ait pas pris des mesures pour sécuriser les casernes, commissariat et gendarmerie notamment. Quand les manifestants ont envahi le commissariat suite au décès de Somé Arnaud, il n’y avait pas le moindre policier dans les environs. Cetten fuite de responsabilité de la part de l’autorité chargée de la sécurité a déclenché la colère de la population qui s’en est prise aux locaux.

L’incendie du commissariat de police serait cause selon le ministre Maxime Somé, des victimes Da Etienne et Kambou Sié Boureima. Pour lui, ce sont les déflagrations sous l’effet des flammes qui ont propulsé les projectiles qui ont atteint les malheureuses victimes. Une interprétation qui transpire un parti pris manifeste selon des observateurs sur place. Sur la question, la coordination locale de Social Alert s’interroge avec pertinence : "Comment ces munitions ont pu perforer le toit en béton du bâtiment de la police pour s’envoler et aller blesser grièvement Etienne DA à près de 800 mètres de là et tuer Sié Brahima KAMBOU à une centaine de mètres de là … " . Il faut se rappeler que les victimes ont été fauchées alors que la population était sur le lieu des obsèques situé à environ 1 km du commissariat. La réalité est que la troupe militaire venue en renfort s’adonnait à un festival de tirs dans un but évident d’intimidation. Des témoignages indiquent même que dans la ville de Gaoua, on a assisté à des scènes de chasse à l’homme à travers les rues, où des militaires armés pourchassaient des jeunes.

La polémique autour de l’usage des balles réelles où les autorités politiques à la suite des sécuritaires tentent de nier la réalité des faits est tout simplement indécente. Et l’on peut même se demander s’il n’y avait une intention de tuer. Car si le but était d’intimider, pourquoi n’a-t-on pas utiliser des munitions à blanc. Et si tel est le cas qui a donné l’ordre de faire usage de balles réelles ? dans cette affaire, beaucoup de gens pensent à Gaoua que le Gouverneur a une responsabilité éminente dans les tueries qui ont eu lieu. Entre les populations et les premiers responsables locaux, il y a désormais un problème de confiance pour ne pas dire de méfiance. S’il ya eu bavures pense t-on, elles ont été favorisées par des instructions peu inspirées. Il faut en tirer toutes les conséquences pour éviter que l’impunité ne fasse le lit de violences encore plus regrettables.

Abdoul Razac Napon


Le MBDHP dénonce une " insécurité pernicieuse "

Le Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP) dénonce les meurtres commis à Gaoua. Le 15 juillet dernier, l’organisation nationale des droits de l’homme a animé une conférence de presse à son siège à Ouagadougou. Dans sa déclaration liminaire, le président Chryzogone Zougmoré a d’abord salué les récentes " actions salutaires de composantes de nos forces de sécurité dans des arrestations de bandits, des démantèlements de réseaux de trafiquants ".

Le président ajoutait que " ces actions fort saluées sont la preuve que nos forces de sécurité lorsqu’elles le veulent, malgré le peu de moyens généralement, peuvent assurer la sécurité du citoyen ". Mais le reste de la déclaration n’est pas reluisant pour les forces de sécurité. Le président du MBDHP qui avait à ses côtés le président de la section du Mouvement à Gaoua se dit inquiet et choqué des récentes et récurrentes dérives qui sont le fait de composantes de forces de sécurité. Et pour illustrer ses propos, il cite nommément deux cas de disparition. Il s’agit de la mort suspecte de Ignace Ouédraogo et de Lamine Ouédraogo respectivement les 19 et 21 avril 2010. Ces deux personnes, selon le MBDHP étaient en garde à vue respectivement au Service Régional de Police Judiciaire (SRPJ) de Wemtenga et à la gendarmerie de Baskuy avant de perdre la vie dans des conditions jusqu’ici non élucidées. La famille de Lamine aurait découvert des traces de sévices pendant la toilette du corps du défunt.

Ces cas sont légions au SRPJ de Wemtenga, a déclaré avec insistance le président Zougmoré. Concernant les cas d’ " assassinats de Arnaud Somé, de Boureima Sié Kambou et de Etienne Da ", survenu à Gaoua, le MBDHP s’indigne de ces actes et de la version officielle rapportée pour justifier ce crime. Le mouvement ne croit pas que les deux personnes appréhendées (Yassia Nacanabo et Arnaud Somé) étaient en possession de drogue. Le MBDHP réfute également la thèse selon laquelle Arnaud Somé se serait fracturé le crâne en tombant dans un ravin. Selon le président, le MBDHP n’est nullement opposé à la lutte contre le grand banditisme. Cependant, il soutient fermement que " dans un Etat de droit, la lutte contre le banditisme doit se mener dans la légalité ". Par conséquent, " les pratiques barbares de tortures et de disparitions forcées doivent être proscrites et punies ".

Le cas du SRPJ de Wemtenga a fait l’objet d’une attention particulière pour les conférenciers qui ont demandé " le démantèlement pur et simple du SRPJ qui, au regard des traitements cruels, inhumains et dégradants infligés à certains détenus qui y séjournent, s’apparente beaucoup plus à un centre de torture ". Ce service selon le MBDHP opère au su des autorités qui accordent protection à des commanditaires et auteurs de mauvais traitements infligés aux détenus qui y transitent. Le MBDHP constate que la lutte contre l’insécurité constitue un prétexte idéal pour toutes sortes de dérives. La section de Gaoua du MBDHP a produit un rapport public sur les événements de Gaoua et une enquête en cours sous la direction du MBDHP devrait bientôt dévoiler au grand jour les dessous de cette affaire

Boukari Ouoba

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