Actualités :: WACK, SORCELLERIE, MARABOUTAGE, CHARLATANISME : Voyage dans le monde de la (...)

Les marabouts, les charlatans, les sorciers,
les prédicateurs et autres acteurs de la magie noire sont légion au
Burkina. Avec leurs occultes puissances réelles ou supposées, ils
s’attirent une clientèle abondante à la recherche d’un mieux-être. Le
développement de la science et la propagation des religions dites
révélées n’ont pas réussi à effacer cet occultisme des habitudes des
Burkinabè. A Ouagadougou, malgré l’urbanisme et le cosmopolitisme,
chaque jour que Dieu fait, ce sont encore des milliers de femmes et
d’hommes qui, discrètement ou non, consultent un marabout, un féticheur,
un charlatan, etc., dans l’espoir de trouver solution à leurs problèmes
sociaux. Nous vous proposons, dans ce dossier spécial, un coup de
projecteur sur cette activité qui fait tant courir des personnes de
différentes classes sociales, au pays des Hommes intègres.

Combien de fois souhaiterez-vous mourir ? Ou, pour être plus optimiste,
combien de fois souhaiterez-vous vivre ? Le vieux Bilimpo Ouali,
redoutable féticheur résidant dans un village rattaché à la commune de
Fada N’Gourma, vous en propose le choix. A ses clients qui souhaitent
renaître après une mort naturelle, il propose un « wack » qu’ils se
doivent de bouffer. Il les rassure alors qu’ils renaîtront sous d’autres
cieux, quelque part dans un pays quelconque. En Somalie, au Venezuela,
en Chine, en Espagne, ou aux Etats-Unis, pourquoi pas ?…

Beaucoup de gens y croient fermement et se sont même fait promettre de
renaître une ou deux fois après leur mort. Le fétiche de Bilimpo fait
d’autant plus courir des candidats à la réincarnation que, dans les rues
de Fada N’Gourma, on raconte qu’un homme qui avait bouffé ce « wack »
renaquit au Nigeria après sa mort. Il s’y remaria et eut des enfants
dont il envoya le premier à Fada, pour informer son ex-famille de la
nouvelle vie qu’il mène sur la terre des Yoruba.

Ici, au Faso, et comme Bilimpo Ouali, ce sont des milliers de marabouts,
de charlatans, de féticheurs, et autres faiseurs de miracles qui
promettent des solutions magiques aux angoisses de leurs clientèles. Et
ce sont des dizaines de milliers de Burkinabè, des villes et des
campagnes, qui y croient, qui consultent les marabouts, soit pour
envoûter une personne, soit pour trouver remède à une mystérieuse
maladie, soit pour faire prospérer un commerce, se protéger contre la
malchance, etc. C’est d’ailleurs pour cela qu’il n’est pas rare, dans
les rues d’une ville comme Ouagadougou, de trouver soigneusement
disposés sur un carrefour, une termitière, etc., des objets de
sacrifice : grains de céréales, noix de cola, pièces de cauris ou de
monnaie, galettes, canaris, etc.

Au Burkina, il y a des gens, même parmi les plus intellectuels, qui ne
jurent que par le « wack » pour faire prospérer leur business. Si fait que
certaines langues évoquent quasi-systématiquement la magie noire, pour
justifier les fulgurants succès de toute entreprise locale. Outre le
business privé, le « wack » s’invite même dans le sport, la culture, la
politique, etc.

Chez Madi le charlatan…

1’ cauris de MadiA Ouagadougou, les « wackmans », les marabouts et les
charlatans ont pignon sur rue. Ils officient dans tous les quartiers et
font face à une clientèle abondante. Mais ils ne sont pas tous prêts à
parler de leur activité à un journaliste. Dans le village de Yagma
(banlieue nord de Ouaga), nous avons réussi à faire parler Madi
Oualbéogo, un charlatan de renom. Lorsque nous lui avons demandé son
âge, il nous a brandi sa carte d’identité burkinabè (l’ancienne pièce)
pliée en quatre. Si l’on se fie à ce document, l’homme est âgé d’à peu
près 51 ans, puisque né vers 1959. Sa profession ? Cultivateur, toujours
selon sa CIB. Mais, en ce début de saison de pluies, Madi consulte
chaque jour en continu, entre 8 h et 21h, à son domicile. Il habite une
modeste construction faite de deux maisonnettes en terre battue et
juxtaposées, qu’il loue depuis 2003. A l’entrée de la concession, rien
de spécial n’indique que l’on est dans l’antre d’un charlatan. Il y
travaille en solitaire. Et à la descente, il rejoint sa famille à
Bassinko, un autre village situé à moins d’une dizaine de kilomètres de
Yagma.

A notre arrivée sur les lieux (le dimanche 4 juillet 2010 à 16h), seuls
deux moutons de pelage blanc, mais de tailles distinctement différentes,
attachés sous un hangar certainement abandonné, ont retenu notre
attention. Rien d’autre, sinon quelques vêtements étalés sur une
cordelette qui relie le hangar à un bout de la première maison. Pas
grand-chose non plus à découvrir dans la deuxième maison où travaille le
charlatan. Il dispose de 3 chaises en plastique synthétique pour la
clientèle. Et il s’installe lui-même sur une grande natte qui occupe
plus de la moitié de la pièce d’accueil des clients. Son principal outil
de travail, c’est un lot de cauris qu’il range soigneusement dans un
petit sac en cotonnade après chaque consultation. Sont visiblement
disposés sous une petite table, des pots en argile cuite dont nous
ignorons le contenu. Au-dessus de la table, sont installées des
bouteilles transparentes contenant des potions de différentes couleurs…

Après une longue communication téléphonique en langue mooré avec,
probablement un client, Madi est enfin disponible pour répondre à nos
questions. C’est un homme qui n’est pas très bavard. A la plupart de
nos questions, il a répondu par oui, ou par non, sans commentaire. Il
est très méfiant, ou plutôt très prudent en parole. Sur notre
insistance, il a dit disposer d’un pouvoir mystique que lui aurait
transmis son défunt père et dont il dit lui-même ignorer les origines.
/« Je sais comment faire pour trouver une solution aux problèmes des
gens, mais je ne saurai vous dire d’où viennent mes connaissances »,/
nous a-t-il déclaré dans un français approximatif. Sa spécialité, c’est
chasser les mauvais esprits. Mais ses offres de services sont aussi
diverses que variées : maraboutage d’une personne aimée, protection
contre la malchance, envoûtement et désenvoûtement d’êtres humains,
aide au développement d’un commerce, etc. La thérapie de Madi s’applique
à toute personne, sauf à lui-même. Il avoue être incapable d’envoûter
quelqu’un pour son propre compte, de lire son propre avenir ou de
trouver la panacée pour se protéger des mauvais esprits. « Je suis
seulement au service d’autrui », nous a-t-il confié, avec un air de modestie.

La junte féminine constitue la principale clientèle du charlatan de
Yagma. Mais il reçoit aussi des hommes qui viennent essentiellement pour
faire prospérer leurs entreprises, chercher une issue à leurs problèmes
sociaux ; des jeunes à la recherche d’emploi, etc. Quant aux femmes,
elles viennent, pour la plupart, avec des problèmes conjugaux. Certaines
d’entre elles viennent avec le souci de voir réussir leurs enfants et
d’autres encore pour la prospérité de leurs affaires. Les cas de maladie
constituent le dernier motif de consultation chez Madi. /« Tout de même,
nous confie-t-il, je reçois quelques malade,s et comme ce n’est pas ma
spécialité, je les réfère à un marabout basé à Bassinko »./

Combien ça coûte, tout ça ?

Chez Madi, la consultation vaut 1000 F CFA.
Cet argent ne lui est jamais remis main à main. Le client est,
entre-temps, invité à déposer le billet de banque pendant que le
charlatan est en plaine incantation. Et après, où va cet argent ?
Interdit de poser cette question ! Le reste des dépenses se rapportent
essentiellement aux sacrifices : un mouton, un poulet, un pagne, des
céréales, de la cola, de l’argent, etc. /« Mais il arrive que des clients
satisfaits reviennent délibérément me faire des cadeaux »,/ avoue Madi
qui, visiblement, ne crache pas sur ces genres de libéralités.

Notre entretien avec le charlatan de Yagma a été malheureusement écourté
par l’arrivée, vers 17h, d’un véhicule Mercedes 190. La voiture s’est
immobilisée sans trop de vrombissement de moteur. Seul le bruit sec du
frein a attiré notre attention. Madi lève le rideau blanchâtre qui était
dressé à la porte de la baraque. Trois dames sortent du véhicule. /« Ce
sont des clientes »/, nous a-t-il chuchoté, nous invitant à revenir une
prochaine fois pour plus de détails sur son activité…

Ouaga-ville, secteur 30, à quelques centaines de mètres du SIAO, réside
Constantin Thiombiano. Il est agent de police. Mais pas que ça : il est
aussi charlatan, prédicateur d’avenir. Il consulte à domicile, la nuit,
à partir de 19h, à sa descente de boulot. Nos multiples rendez-vous avec
Constantin ont tous foiré, en raison du calendrier très chargé de ce
dernier. Mais, à ce qu’on dit, son domicile ne désemplit pas. Les
clients, les femmes surtout, font la queue chaque soir pour savoir de
quoi seront faits leurs lendemains, et ce qu’il y a lieu de faire pour
éviter de sombrer dans le chaos…

Par Paul-Miki ROAMBA

Le Reporter

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