On bassine les jeunes avec les avantages de la lecture : ouverture sur le monde, acquisition d’une grande culture, maîtrise de la langue et tutti quanti. Mais c’est motus et bouche cousue sur ses désavantages. Temps des vacances, temps d’impertinence. Taquinons les idées reçues…sur le bien-fondé de la lecture.
On dit que la lecture permet de connaître d’autres expériences, d’autres humanités. Mais la connaissance d’êtres de papier vaut-elle celle des êtres de chair et de sang qui nous entourent ? Car dès qu’on ouvre un livre, on congédie un ami, on rompt le dialogue avec les autres.
La lecture est un acte solitaire qui retranche momentanément l’individu de la collectivité. En plein dans un monde imaginaire si c’est un roman ou dans le monde des idées si c’est un essai, le lecteur oublie complètement son monde réel.
La lecture est cause de trois grands vices : l’égoïsme, l’évasion et la…paresse. Tout lecteur est un monstre d’égoïsme. Point besoin de long laïus sur cette évidence. Qui lit par-dessus l’épaule d’un ami sait la gêne qu’il déclenche et parfois même l’ire.
La lecture absorbe l’esprit, le corps et le temps. Parfois on soupçonne les ennemis de la révolution d’avoir tronqué la pensée de Karl Marx . Le grand barbu disait certainement : « La religion…du lire est l’opium du peuple » et les éditeurs malveillants ont oblitéré la phrase. Mettez des livres dans les mains du petit peuple et vous en ferez un grand fainéant !
Et l’antienne selon laquelle la lecture est la voie royale pour acquérir une vaste culture est un autre non-sens. Qu’est-ce qu’un homme cultivé si ce n’est un bonhomme qui sait beaucoup de choses inutiles, qui parle avec beaucoup de mots rares et qui émaillent ses phrases de beaucoup de citations de grands esprits du monde ?
Un homme cultivé est-il est un esprit éclairé ! Que nenni ! En réalité, un homme cultivé est comme un oiseau empaillé : la lecture lui a enlevé le cerveau et les tripes. A la place, un rembourré de livres et des pensée des autres. Ce qui fait de tout homme cultivé un être inauthentique dont aucun propos n’est original. C’est juste un perroquet répétant les réflexions des autres.
C’est pourquoi il faut suivre les conseils des Nourritures terrestres de Gide et brûler tous les livres. George W Bush n’en avait lu aucun, excepté la Bible (sûrement en lecture audio), ce qui ne l’a pas empêché de diriger l’Etat le plus puissant du monde. Soyez inculte et un grand destin est à votre portée !
Pour ne pas trop charger la lecture, on peut laisser de côté les dommages que celle-ci fait subir à l’organisme. Laissons les courbatures qu’une longue immobilité déclenche et le fait que les muscles se ramollissent par manque d’exercices.
Parlons seulement de la vue qui se dégrade ; des yeux qui se plissent d’efforts pour voir un objet aussi gros qu’un éléphant ; des lourdes loupes de presbyte qui pendent au bout du cordon passé autour du cou du liseur ; enfin, il y a pire, la santé mentale qui est affectée, la dépendance au bout d’une longue fréquentation des livres.
Pauvre lecteur, un livre lui manque et tout est dépeuplé. Pour avoir sa dose quotidienne de livres et ne jamais en manquer, il court les librairies, dépense sans compter. Ses achats sont compulsifs, épidermiques et toute sa bourse peut y passer, il n’en a cure. Il est dépendant de la lecture comme un junkie de sa poudre blanche ou l’alcoolique de son litron de houblon.
Pourtant, il est marqué sur les bières et les paquets de tabac : « A consommer avec modération. Nuit gravement à la santé ». Des associations se sont mobilisées contre ça, mais pas de lobbies de défenseurs de l’intégrité du lecteur. A quand une association antilecture pour lutter contre ses dangers ?
Pas besoin de microscope pour voir que la lecture n’a pas que des avantages, et c’est un euphémisme de le dire ainsi. Pourtant, chut ! ne le dites surtout pas aux enfants. Gardez-vous de rompre l’antique justice ! Laissez les fils répéter les erreurs des pères.
Sur le tard, après s’être gavé de livres, bousillé la vue et avoir dilapidé des sommes faramineuses dans l’achat de bouquins, ils se rendront bien compte qu’on leur avait menti sur la nécessité de lire Mais, il faut bien que tout le monde y passe. C’est comme chez le coiffeur !
Alceny S. Barry
NB :
Projecteur marquera une pause pendant le mois d’août. Aux lecteurs qui l’ont accompagné pendant ces trois années, ses remerciements et rendez-vous en septembre pour un projecteur rechargé à bloc et balayant les arts et les spectacles d’une lueur plus éclatante.
L’Observateur Paalga
