On croyait l’affaire enterrée depuis le verdict rendu par la Cour d’assises d’Abidjan en octobre 2008 à l’encontre d’une poignée de seconds couteaux. Mais le Probo Koala et ses centaines de tonnes de résidus d’hydrocarbures ultratoxiques refont surface, cette fois aux Pays-Bas : c’est en effet devant la Cour d’appel de La Haye, capitale de la justice internationale, que devrait s’ouvrir, aujourd’hui, un autre procès intenté, celui-là, par l’organisation écologiste Greenpeace contre Trafigura, l’affréteur du cargo tueur.
Les Abidjanais ne sont pas près d’oublier cette sombre nuit d’aout 2006 où le contenu des cuves de ce bateau poubelle a été déversé dans des décharges à ciel ouvert, au milieu des déchets domestiques. Un forfait qui a provoqué la mort de 17 personnes, empoisonnant des dizaines de milliers d’autres.
En guise d’indemnisation, le gouvernement ivoirien avait reçu une enveloppe de 100 milliards de francs CFA en échange de l’arrêt des poursuites entamées à l’encontre des représentants de la multinationale. Pas étonnant alors, qu’à défaut du gros poisson, la justice ivoirienne se soit contentée des supplétifs locaux, autrement dit du menu fretin.
Mais la roue tourne et aujourd’hui, grâce à la persévérance de Greenpeace, qui a recueilli des témoignages accablants, c’est un gros capitaine qui se retrouve pris entre les mailles du filet. Il faut pourtant dire que cette pêche miraculeuse n’a pas été sans difficultés.
Pour parvenir à l’ouverture de ce second procès, l’organisation écologiste s’est engagée dans une enquête au long cours sur la toxicité des déchets et les méthodes peu scrupuleuses de la multinationale, qui se serait échinée à cacher le caractère toxique et même mortel de la cargaison.
C’est donc forte d’un épais dossier étayé par les dépositions des cinq chauffeurs de camion, d’un de leurs assistants et d’un revendeur de carburant que Greenpeace reprend la main avec cette fois, des chances d’engager la responsabilité de Trafigura non seulement en Côte d’Ivoire, mais aussi à Amsterdam, port de départ du chargement nuisible.
Et si en 2008, la justice ivoirienne et les victimes du Probo Koala se sont contentées des seconds couteaux et de leur version des faits, le procès qui s’ouvre aujourd’hui promet de mettre en lumière bien d’autres aspects d’une affaire qui est bien loin d’avoir révélé tous ses mystères.
Malgré les 100 milliards de francs CFA versés à la Côte d’Ivoire pour dédommager les milliers de victimes du Probo Koala, Trafigura n’est pas au bout de ses peines. Après le procès de La Haye, ses dirigeants auront bien du mal à se laver les mains tant elles sont maculées de ces fâcheux résidus d’hydrocarbures.
H. Marie Ouédraogo
L’Observateur Paalga
