Actualités :: Chefs coutumiers du Ganzourgou : Un front pour un statut constitutionnel

Il s’est tenu, le 8 mai 2010, à Salogo, dans la province du Ganzourgou, une assemblée générale du Cadre de concertation des chefs coutumiers de Ganzourgou (CCCG). Des travaux, qui se sont déroulés à huis clos, s’est dégagée une revendication : un statut constitutionnel aux « têtes couronnées » du Burkina.

Salogo ; 25 km au nord de Zorgho, chef-lieu de la province du Ganzourgou ; et à 111 km de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. Nous sommes à l’intérieur du palais du chef du canton de ladite localité, qui accueille la septième assemblée générale des bonnets rouges du Ganzourgou. Avant de prendre place, échange de poignée de main avec nos hôtes.

Lors de ces salutations d’usage, prenant un d’entre eux pour le chef, car habillé en pagne à l’effigie du Moogh-Naaba Bâongo, nous lui faisons la révérence. « Qui est le chef ? », nous demanda..... un homme à la stature imposante, qui n’était autre que le maître des lieux, le Naaba Boulga de Salogo. Il mit rapidement fin à notre embarras en se reprochant de n’avoir pas porté de signe distinctif, notamment son bonnet.

Dehors, les populations des 15 villages du canton de Salogo, massivement mobilisées pour la circonstance, sont tenues en haleine par cinq troupes de danse qui de « kegba », qui de warba ou de wedbindé. A 10 heures passées d’une vingtaine de minutes, commence le ballet des chefs.

Le Naaba Boulga de Salogo accueille ses hôtes à l’entrée de la cour sous des coups de fusils et de tam-tams, puis les installe dans le salon de son palais, où dans le décor, il avait pris soin de placer une calebasse de beurre de karité, symbole de son canton. 25 chefs sont enregistrés sur la liste de présences.

Le Naaba Boulga offre le rituel zoom-koom de bienvenue à ses pairs avant de les convier à regagner le salon du palais pour la rencontre, qui s’est déroulée à huis clos, sous l’égide du président du CCCG, le Naaba Saaga de Meguet.

Trois dossiers étaient à l’ordre du jour de ce conclave, selon le compte rendu fait par le porte-parole des chefs, le Naaba Padré de Nedogo, secrétaire général du CCCG, une association créée en 2006 à Kogho, à l’issue d’une assemblée générale constitutive. Les débats, a-t-il indiqué, ont porté sur des questions relatives à la vie et au développement de leurs principautés.

Les échanges, selon lui, qui se sont déroulés dans un climat fraternel, ont abouti à des conclusions enrichissantes. Ils ont permis de débattre des préoccupations communes aux cantons, notamment des problèmes frontaliers, et de répertorier les actions à mener pour le maintien d’un climat de paix entre les chefs coutumiers et entre les populations de leurs principautés.

Pour ce faire, ils ont convenu de gérer de façon concertée les conflits fonciers et de renforcer le partenariat au sein de leur collectif. Les membres du CCCG se sont également engagés à redoubler leurs efforts dans la lutte contre les fléaux sociaux tels que le mariage forcé, l’excision, la chasse données aux femmes accusées de sorcellerie…

« Plus question de se servir de nous pour des voix »

Un sujet imprévu, a indiqué le secrétaire général du CCCG, s’est invité à cette septième assemblée générale : il s’agit de la question de la place et du rôle des chefs coutumiers dans le contexte de la décentralisation.

Car, s’en est indigné le Naaba Padré de Nedogo, les chefs coutumiers, qui jouent un rôle prépondérant dans le développement au niveau de leur commandement, sont, avec l’avènement de la communalisation, devenus des laissés-pour-compte.

Aussi a-t-il lancé un appel au gouvernement à donner un statut clair, avec une base institutionnelle, à la chefferie traditionnelle et coutumière. A écouter Naaba Padré, ce sujet semble avoir dominé le débat entre les chefs. Sur la question, il a été catégorique :

« Il faut qu’on nous définisse une place constitutionnelle…au lieu de s’intéresser à nous lorsqu’on a besoin des voix de nos administrés pour nous oublier après les scrutins ». Il est temps que le Burkina prenne, a expliqué Naaba Padré, l’exemple de certains pays voisins, comme le Ghana et le Niger, où les chefs ont un statut clair.

Avec la saison des pluies qui s’annonce, l’assemblée a en outre recommandé de traiter avec sagesse les problèmes fonciers, qui sont récurrents pendant cette période. La terre, reconnaît Naaba Padré, appartient certes à l’Etat selon la loi, mais elle a toujours un propriétaire traditionnel.

L’Administration, a-t-il dit, a montré ses limites dans la résolution des questions foncières, contrairement aux autorités coutumières, qui ont donné la preuve de leurs compétences en la matière.

Quant aux conclusions des travaux, le Naaba Padré a assuré qu’un compte rendu serait fait de concert avec leur supérieur hiérarchique, le Baloum-Naaba, à sa majesté le Moogh-Naaba Bâongo.

L’espace aménagé de la SONATUR à Sapaga

Un différend foncier divise actuellement les communes de Koupélà, de Pouytenga et de Zorgho. C’est ce qui est ressorti de nos échanges avec le porte-parole du CCCG : il concerne une zone aménagée par la SONATUR à Sapaga et qui serait revendiquée par les deux premières communes citées.

Or, selon le Naaba Padré, cette zone fait partie intégrante du territoire du chef de Zorgho, qui, d’ailleurs nomme celui de Sapaga. Sur la question, le Naaba Padré s’est voulu catégorique : « Nous ne nous laisserons pas déposséder notre contrée ». Le problème demeure pendant, et il est confiant qu’il sera réglé un jour ou l’autre.

Toutefois, prévint-il, « si l’Administration ne veut pas nous départager, on finira, nous, coutumiers, par trancher le problème à notre manière ». N’eût été l’engagement de ses pairs du Ganzourgou pour un règlement pacifique du différend, affirme notre interlocuteur, une guerre civile aurait éclaté.

Hamidou Ouédraogo


Naaba Boulga de Salogo, « le Guillaume Soro des chefs du Ganzourgou »

Il est appelé par ses pairs « Le Guillaume Soro des chefs du Ganzourgou ». Lui, c’est Naaba Boulga de Salogo, membre du conseil municipal de la commune rurale de Salogo, présidé par sa première épouse, et également du conseil régional du Plateau central, qui semble mérité son surnom.

Bouillant, il s’amuse avec ses sujets et même avec les enfants mais sait aussi hausser le ton quand il le faut. Ce dépositaire des coutumes moaaga est toujours prêt à dire haut et fort ce que les autres murmurent entre eux. Et il n’a pas démenti cette réputation. En effet, à la question de savoir ce qu’il pense de la lutte pour la définition d’un statut aux chefs coutumiers, Naaba Boulga clame, d’un ton grave :

« Moi, chef de Salogo, je me battrai jusqu’à ma dernière énergie pour que ce statut voie le jour dans notre pays ». Pour lui, ce combat vaut la peine d’être mené parce qu’il y va de la survie même de la chefferie coutumière avec tout ce qu’elle incarne comme valeurs morales, politiques et culturelles sur toute l’étendue du territoire burkinabè ;

car, explique-t-il, avec l’avènement de la décentralisation, qui a consacré la communalisation intégrale, les chefs coutumiers ne sont plus considérés. « Pourquoi l’Etat ne nous accorde-t-il pas d’importance alors que nous l’aidons dans tous ces chantiers du développement ? »,

s’est-il interrogé avant de dire : « Moi, chef de Salogo, je parle en mon nom propre et au nom du groupe ; il nous faut un statut particulier au sein de la population. Nous ne voulons pas être une couverture pour le gouvernement alors que nous ne sommes pas reconnus par l’Etat ». Cette démocratie, Naaba Boulga ne l’a partage pas.

« C’est lorsque les hommes politiques ont besoin des voix de nos populations qu’ils nous reconnaissent, mais après, nous sommes des laissés-pour-compte », a-t-il renchéri. A ceux qui voient mal l’engagement politique d’un chef coutumier, Naaba Boulga de Salogo rappelle que celui-ci est aussi un citoyen et, par conséquent, a le droit de postuler à une responsabilité élective.

Il invite les uns et les autres à avoir de la mémoire, à ne pas oublier qu’avant le colon, le pays a été géré par les chefs coutumiers. De son point de vue, le Burkina, aujourd’hui indépendant, veut effacer son histoire en refusant un statut particulier au pouvoir coutumier. Naaba Boulga s’étonne qu’aucun député ne se soucie du sort des chefs coutumiers à l’Assemblée nationale et que les journaux ne parlent d’eux qu’en mal comme s’ils n’avaient aucun rôle à jouer dans la société.

Pour le chef de Salogo, il ne s’agit pas pour eux de remettre en cause l’autorité de l’Etat, mais de rappeler aux gouvernants qu’ils ne peuvent relever les défis du développement sans une place honorables aux chefs coutumiers, qui ont des compétences certaines dans la résolution de bien de problèmes.

S’agissant du différend frontalier de Sapaga, Naaba Boulga estime que cela a été orchestré par les hommes politiques pour opposer Koupéla, Pouytenga et Sapaga, qui n’ont pas de problème entre eux, l’autorité coutumière de chacune de ses localités n’ignorant pas les limites de leurs territoires. Il est convaincu qu’il n’y a pas de mauvais chef mais de mauvais conseillers.

A la question de savoir si le CCCG ne prépare pas la campagne présidentielle pour le candidat du parti au pouvoir, le chef du canton de Padré répondit sans détours en disant qu’ils se sont défendus de parler politique à leur rencontre. A l’en croire, tout chef coutumier qui affiche sa couleur politique au sein de l’association peut perdre la qualité de membre.

O.H.

L’Observateur Paalga

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