Il y a des gens avec lesquels la nature n’a pas vraiment été généreuse en les affublant d’un visage assez singulier. Francis était du lot. Mais comme à part ce curieux détail, ces gens sont normaux comme vous et moi, pour peu que nous soyons nous-mêmes normaux, ces gens-là ont le droit de vouloir s’épanouir à tout point de vue, notamment sur le plan sentimental.
C’est ainsi que Francis, étourdi par la beauté de Mireille, envoya son cousin Pascal en émissaire avec pour mission de lui avouer son amour. En retour, le cousin Pascal vint lui dire que Mireille a répondu qu’elle n’avait rien à faire avec quelqu’un qui a des "dents en récréation". De fait, Francis avait une bonne partie de ses dents d’en haut qui pointaient hors de sa bouche. Mais est- ce pour autant qu’il n’a pas le droit de rechercher une âme sœur ?
C’est donc dire que la réponse de Mireille le blessa profondément mais ne réussit pas à atténuer sa flamme pour elle. Le cousin Pascal à qui il en parla résolut de l’aider. Né au village de parents villageois et ayant mûri dans ce milieu, Pascal lui proposa de l’y accompagner voir un vieux pour qui l’envoûtement n’avait pas de secret. Sur place, le vieux fit contre un poulet ce qu’il devrait faire puis jura à Francis que si dans les dix jours, Mireille ne venait pas d’elle-même chez lui, c’est qu’il n’est pas le fils de son père ! Peut-elle s’enfoncer sous la terre ? Non ! Elle viendra assurément !
En effet quatre jours plus tard, un samedi vers 20 heures alors que le ciel était noir de pluie obligeant Francis et son cousin à rejoindre chacun sa demeure dans la même concession, on frappa à la porte de Francis. Il ouvrit. C’était Mireille. Elle entra tout en lui expliquant qu’elle était à un mariage et qu’elle avait pensé à lui voici pourquoi elle est là. Francis l’écoutait mais il ne l’entendait pas paniqué qu’il était. Ses pensées se bousculaient dans sa tête. Ainsi donc le vieux disait vrai ; que faire maintenant ? Il n’était pas préparé. Il voulut parler mais sa gorge était sèche.
Le vent soufflait dehors avec force. Il sortit malgré tout et alla frapper à la porte de son cousin Pascal. Ce dernier ouvrit la fenêtre pour entendre Francis lui souffler :
elle est là !
qui est là ?
la fille-là !
quelle fille ça ?
mais...Mireille !
tu es bien alors ? lui lança le cousin avec une pointe d’envie.
Ce à quoi Francis lui répondit qu’il ne s’attendait pas à cela et qu’il ne savait que faire. Enervé le cousin Pascal lui dit donc, de la faire partir ; puis il referma sèchement sa fenêtre. Cela finit par paniquer "dents en récréation" qui retourna chez lui avec la certitude que la honte ne tarderait pas à tomber sur sa tête. S’il y a une chose que "bakari" n’aime pas du tout, c’est la panique. En ce moment il se fait tout petit et tout autant insensible. Et ce fut le cas de Francis lorsque Mireille lui annonça qu’elle risquait de passer une bonne partie de la nuit avec lui puisqu’il pleuvait maintenant.
Francis tremblait franchement. Il montra le lit à Mireille et ressortit sous la pluie frapper à la porte de son cousin. Lorsqu’il pénétra dans la maison de celui-ci, il jura qu’il n’en ressortirait que lorsque Mireille s’en irait. Et cela se passa ainsi.
Comme si ce mauvais accueil ne l’avait pas déçue, Mireille revint deux jours de suite et Francis finit par être un homme. Ils marchèrent longtemps ensemble mais l’envoûtement finissant ouvrit les yeux de Mireille qui constata à nouveau que décidément son homme avait les dents en récréation et qui le quitta sans regret. Sans regret aussi, Francis la laissa partir convaincu que ce rêve était trop beau pour durer. C’est ainsi qu’il jura devant témoins que l’on ne l’y prendrait plus à jouer aux apprentis sorciers. Ce que le wack a donné part comme il est venu !
A bon entendeur, salut !
Sacré Cheïdou OUEDRAOGO
Sidwaya
