Actualités :: ENSEIGNEMENT AU BURKINA : Arrêtons le massacre

Je fait un constat et je pense que vous aussi d’ailleurs : le niveau d’instruction et de culture de nos enfants et de nos adultes redégringole de plus en plus vers le gouffre de l’ignorance. Les élèves de CM2 n’arrivent plus à lire le nom de leur grand père et ceux du secondaire n’ont parfois pas quelque chose à envier à leurs grand frères du supérieur. Pendant ce temps, certains enseignants, qu’ils soient du primaire, du secondaire et même du supérieur, peinent à donner des leçons sans les ourler de fautes de grammaire, de syntaxe, d’orthographe, etc.

Mais, bon Dieu, qu’est-ce qui assassine ainsi notre système éducatif ? Comme Dieu a une certaine dolence dans la réponse à nos questions, je vais m’y atteler moi-même. J’endosse pour cela la redingote du détective Sherlock Holmes, une loupe en main et me voilà à la recherche des meurtriers de l’enseignement de mon cher pays. D’abord, je lorgne la Révolution burkinabè. Vous vous rappelez, n’est-ce pas, de ces enseignants licenciés en pagaille ?

Et de ces gens qui chômaient qu’on a pris pour remplacer sans chercher à savoir s’ils pouvaient seulement écrire leur nom ou s’ils avaient le profil du métier ? Oui ? Eh bien voilà ! A l’époque, certains fins visionnaires avaient laissé entendre que cette manière indélicate aurait des conséquences catastrophiques vingt ans plus tard sur notre niveau d’instruction. Aujourd’hui, vous et moi voyons qu’ils avaient fichtrement raison. Le premier coupable est donc découvert. Mais il doit avoir des complices. Et ma loupe a décelé la trace laissée sur les lieux du crime par les méthodes d’enseignement. Les réformes de notre système éducatif s’effectuent et se succèdent à une telle allure que j’en ai le tournis.

On adopte telle méthode d’enseignement cette année, on ne prend même pas le temps de l’évaluer ou de voir quels sont ses résultats, déjà on la met dehors et la remplace par une autre l’année suivante. Que diable, même les polygames ne se marient pas à une vitesse aussi vertigineuse ! Ils prennent le temps d’évaluer le résultat d’un mariage, généralement trois ou quatre bons garnements, avant de commencer à étudier d’autres perspectives ! Second suspect découvert. Au suivant. Je cherche... Eurêka ! Le PDDEB. C’est quoi cette histoire d’enfants qui ne redoublent pas au primaire ? Ce sont des enfants instruits que vous voulez ou des enfants "inscrits à l’école" que vous espérez ?

La Banque mondiale et le FMI pourraient sans doute répondre à cette question. Puisque ce sont eux qui subventionnent, que dis-je ? prêtent les "feuilles" pour construire en pagaille des écoles. Ceux sont eux également qui réclament que d’ici la fin du crédit on leur montre des feuilles où sont écrits le nom de tous les enfants du Burkina, mais seulement "inscrits à l’école." J’ai envie de crier au complot. Sinon, pourquoi construit-on des écoles primaires où on pousse les enfants comme des "wotoro" (1) vers le secondaire tout en oubliant de doter les universités de ressources humaines et matérielles adéquates et en nombre suffisant ? Et aussi, pourquoi forme-t-on les enseignants du primaire aussi brièvement dans le temps et dans la méthode ? Pour parer au besoin de ... la masse ?

C’est sûr, le PDDEB, la Banque mondiale et le FMI sont de sérieux suspects quant au massacre du niveau d’instruction de mon cher pays. Mais je crois qu’ils y en a d’autres. Je vois des enfants qui, dès qu’ils reviennent de l’école, foncent sur la télé ou vont se battre contre une video. Comme s’ils n’avaient pas de leçons à réviser. Mais qui doit les rappeler à l’ordre ? Les parents, bien-sûr ! Mais où sont-ils ? Au "maquis" autour d’une bonne douzaine de bouteilles de bière ! Ou au boulot, en train de se taper des heures supplémentaires pour joindre les deux bouts ! Messieurs et dames les parents, je ne dis pas que vous êtes les seuls responsables du fait que votre enfant parle un français phonétiquement métissé et écrit une langue grammaticalement charcutée. Mais vous avez votre part dans le gâteau des responsabilités. Accordez un peu de temps à vos enfants.

Ça ne va pas changer grand-chose, certes, car je sais que beaucoup de fonctionnaires aujourd’hui n’ont pas eu besoin d’un coup de pouce de leurs parents analphabètes lorsqu’ils étaient au primaire. Mais cela peut toujours aider un peu, surtout que les bambins n’ont pas toujours un amour fou pour l’école. Ces derniers sont d’ailleurs des meurtriers en puissance de leur instruction ! Et le dégoût qu’ils ont pour les bibliothèques, les livres et les journaux sont une redoutable arme ! Sans parler des drôles de poissons aux moeurs dilués et impudiques qu’ils pêchent en naviguant sur Internet ! Mais le véritable et important facteur demeure au niveau de l’école. Si l’enfant n’a rien dans le crâne, le parent ne pourra rien faire, encore moins le répétiteur à domicile. Et c’est à l’école que l’enfant met quelque chose dans son crâne.

Et tant que l’école n’aura rien non plus dans la tête, le massacre continuera. Nous avons donc intérêt à créer une bonne école au Burkina. Une école où les formateurs n’auront pas sur le dos le seul BEPC comme bagage intellectuel pour aller essayer d’enseigner. Une école où au sortir de chaque fin de cours, les élèves ne trouveront pas la maison toujours vide de parents. Une école où ce n’est pas le nombre d’élèves à inscrire sur les comptes rendus à présenter aux bailleurs de fonds de la Banque mondiale qui sera la première préoccupation. Une école où la quantité ne primera pas sur la qualité, où la masse ne noiera pas l’excellence. Une école, enfin, où sortiront des hommes capables de réfléchir et travailler à sortir le Burkina de son marasme et de sa pauvreté. Voilà !

Le Fou

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