Actualités :: Taxe de développement communal : “Nous, on ne va pas payer”(1)

“Palaque” entendez plaque. Ce mot faisait frémir, vidait les lieux publics notamment les marchés en milieu rural. C’est donc avec un ouf de soulagement que les populations ont accueilli la suppression de cette vignette en 1994. Mais cette année, elle nous revient sous une nouvelle appellation : Taxe de développement communal (TDC). C’est la stupeur et l’indignation dans le monde du travail qui dénonce une taxe injuste car doublement imposée. Dans les rues de Ouagadougou comme dans plusieurs autres villes du Burkina ils ont crié leur désapprobation, avec des slogans comme « Id ka na yao yé ! », nous ne payerons pas en langue nationale mooré.

Des marchés ou manifestations de réjouissance se vidaient spontanément de leur monde comme au temps de l’impôt de capitation sous l’ère coloniale. Les uns portaient leurs engins pour détaler à grandes enjambées. Ceux qui perdaient l’équilibre, chancelaient et tombaient pour être quelques fois piétinés par des fuyards bien en jambes ; les plus paniqués au coup de sifflet du policier disparaissaient en laissant derrière eux leur monture et d’autres biens comme s’ils avaient le feu aux fesses.

Quelquefois, c’était juste de fausses alertes, car il suffisait qu’un impertinent crie « palaque » pour que, par réflexe ou instinct de survie, un groupe de personnes se livrent à une telle scène. Comme si les autorités s’étaient rendu compte de la terreur que provoquaient les plaques, elles les avaient supprimées en 1994. 16 ans après, elles refont surface avec une appellation en phase avec la politique de décentralisation en l’occurrence, Taxe de développement communal (TDC).

C’est ce qui cristallise la colère du monde du travail qui dénonce une taxe illégale, car doublement imposée. Le gouvernement tente en vain de lever les zones d’ombre, expliquant que cette taxe n’a rien à voir avec la vignette d’antan. Résultat, des travailleurs sont sortis nombreux hier prendre le départ, à la Bourse du travail, d’une marche qui a drainé du monde.

C’est à partir de 9h précises que la marée humaine, étalée sur toute l’avenue Mgr Joanny- Thevenoud, depuis la Bourse du travail jusqu’au rond- point des cinéastes, a commencé à s’ébranler sur les artères de la capitale. Le cap est mis en premier sur l’avenue de la Nation avec à l’avant une banderole de la Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés (CCVC), sur laquelle on pouvait lire : « Non au retour de la vignette sous le couvert de la Taxe de développement communal (TDC) ».

Le peloton, multicolore de par les multiples drapeaux des différentes structures syndicales flottant au vent, est quadrillé par des hommes chargés de la sécurité avec tout le long du flanc droit ceux qui arborent des brassards roses, et à gauche des brassards bleus.

En chemin, la colonne devient très animée avec des slogans qui sont scandés de part et d’autre. Morceaux choisis :

- « Retour de la vignette, mobilisation et lutte ! »

- « Contre la TDC, mobilisation et lutte ! »

- « Les pilleurs de deniers publics, en prison ! »

- « Les voleurs de la République, en prison ! »

- « Les affameurs du peuple, à bas ! »

- « La vie chère, on est fatigué ! »

- « Réhabilitation de la vignette, non, non et non ! »

- « Renchérissement du coût de la vie, ça suffit ! »

- « Citoyen mouton, bèhèhèhè ! »

- « Population mouton, bèhèhèhè ! »

Les chants, eux, entonnés en mooré avec une pointe d’humour, volent plus d’un sourire aux Ouagalais qui regardent passer les grévistes debout ou assis sur les engins aux carrefours bloqués par le cortège. Les ritournelles sont en majorité des interpellations du Président du Faso, Blaise Compaoré ; du Premier ministre, Tertius Zongo ; et surtout du maire Simon Compaoré. Quelques refrains :

- « La hi la hi lala, Simon mana yél bédo ! » [NDLR : Sapristi, ce que Simon a fait est grave]

- « Simon ya, ték bé ti log n bé souka ! » [Simon, arrête-toi, car il y a un précipice devant]

- “TDC wa, i ninga min, ka na yao yé !” [La TDC, vous l’avez appliquée, nous ne la payerons pas]

- “Tertius, éyi éyi !”

- “Blaise, éyi éyi !”

- « Vive la révolution ya, pain et liberté pour le peuple ! »

Les forces de sécurité postées aux carrefours veillent au grain. Dans la foule, on applaudit devant les commerces dont les grilles sont abaissées. Inoussa Rouamba ne croit pas que ces fermetures ont un lien avec l’opération « marchés et yaars morts » décrétée pour ce mercredi 24 février 2010 par les centrales syndicales pour protester contre la TDC.

« Bof, certains ont fermé boutiques juste par peur de la casse, mais c’est déjà ça de gagné », nous confie-t-il en haussant les épaules avant de continuer son chemin. On enchaîne les pauses afin de resserrer les rangs. Au rond-point des Nations unies, la troupe vire à gauche.

Murmures de désapprobation dans le public devant le boulevard de la Révolution, bloqué par des agents de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS). Une petite halte devant le siège de la BIB permet de se faire une idée de l’importance de la marche, car la queue, elle, se trouvait devant la SONAPOST et n’avait pas encore atteint le rond-point. On recommence à marcher.

« C’est un avertissement ! »

Marché de Sankariaré, cité an III, avenue de l’armée, tous ces endroits sont très vite arpentés. Certains badauds, qui n’hésitent pas à reprendre les chœurs ou à applaudir, sont également apostrophés par les marcheurs : « Restez là les bras croisés et votre réveil sera douloureux ! »

Un militant, Fabien Traoré, entreprend un plaidoyer à l’intention de qui veut l’écouter : « Les spécialistes ont démontré par A + B que l’on paye déjà cette taxe dans le prix du carburant ; alors, ne vous laissez pas aveugler, sinon vous allez être doublement imposés ».

N’en déplaise à Fabien, le message de la journée nationale de protestation est bien plus explicite qu’il ne le pense : « …En lieu et place d’une vignette annuelle de 1000 ou 2000 F CFA pour la plupart des engins à deux roues, la Taxe sur les produits pétroliers (TPP), étant de 125 F par litre de super 91 (et de 50 F par litre de gasoil), coûte au consommateur qui n’utilise qu’un litre d’essence par jour près de 3750 F par mois et plus de 45 000 F par an… ».

Après une heure et demie de marche, c’est le retour à la Bourse du travail, où débute un meeting. L’intégralité du message du jour émanant de l’Union d’action syndicale (UAS) et de la CCVC est livrée à l’assistance.

Il en ressort, entre autres, que la marche du 24 février doit être prise comme un avertissement : « Malgré la grande mobilisation constatée aujourd’hui, le gouvernement pourrait s’entêter à maintenir cette taxe ; alors, nous devrons et nous allons poursuivre la lutte. Ceux qui, en cette année électorale, se préparent à solliciter nos suffrages devront compter avec les préoccupations que nous exprimons… » Ambiance.

Abdou Karim Sawadogo & Hyacinthe Sanou

L’Observateur Paalga

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