Actualités :: Trafic de carburant : Zakaria noyé dans son frelaté

Le lundi 15 février, la Coordination nationale de lutte contre la fraude (CNLF) a mis la main sur un trafiquant de carburant dans le quartier Pissy de Ouagadougou, du nom de Zakaria Sawadogo. A l’aide de cuves non réglementaires et dans une cour sans extincteur, s’il vous plaît, l’indélicat produisait, entre autres, du gasoil (à partir d’un mélange de DDO et de pétrole lampant) ainsi que de l’essence (super 91) qu’il dit revendre aux orpailleurs et au détail aux clients de sa pompe.

Lundi 15 février 2010, 11h. Nous sommes à Pissy, dans l’arrondissement de Boulmiougou, dans la périphérie ouest de la capitale. En face de l’école primaire privé Wend Pagnangdé [NDLR : Dieu n’est pas pressé en langue nationale mooré], des véhicules sont stationnés devant un grand portail rouge à l’angle duquel sont dressées deux pompes à essence.

Contrairement à la dénomination de l’école d’en face, le gérant des lieux, lui, est pressé de se faire de l’argent. Tellement pressé qu’il a choisi la mauvaise voie, celle de la fraude. En effet, Zakaria Sawadogo, puisque c’est de lui qu’il s’agit, produit en ces lieux du carburant « frelaté ».

Mal lui en a pris car, grâce à l’aide de la population, il est tombé dans la nasse de la Coordination nationale de lutte contre la fraude (CNLF). A l’intérieur de la cour, trois cuves sont installées dans des trous et deux camions citernes sont stationnés.

L’un des membres de la Coordination, Abdoulaye Kiemdé, par ailleurs assistant de douane, nous explique que grâce au mélange du DDO avec du pétrole lampant, Zakaria et ses complices arrivaient à obtenir du gasoil moins cher car le pétrole est subventionné et le DDO n’est pas taxé à la TVA.

Un deal juteux donc pour l’indélicat qui nous confie qu’il écoule près de 4000 l de son gasoil frelaté par semaine à raison de 500 francs CFA le litre tandis que le prix pratiqué à la pompe oscille autour de 575 FCFA. L’essence, elle, est vendue au même prix que dans les stations. A en croire M. Sawadogo, sa clientèle est composée surtout d’orpailleurs qui viennent s’approvisionner chez lui. Pourquoi ne dispose-t-il pas d’extincteur à proximité ?

« Il y a ceux des camions-citernes ! » répond ce dernier. Et si ces camions ne sont pas présents ? Silence de mort. Dans l’une des salles sont entreposées plus d’une dizaine de barriques pleines d’essence (Super 91).

Et le coordonnateur national de la CNLF, Patènèma Kalmogo, de déplorer les installations et le procédé par lesquels opéraient Zakaria et ses complices et qui comportent beaucoup de risques :

« Les cuves de 1000 litres qui servent à faire les mélanges pour produire le carburant ne disposent pas de conduites qui permettent aux gaz de s’échapper, ce qui est un danger car les produits en question se dilatent avec la chaleur.

En plus, il n’y a aucun extincteur et je les soupçonne d’utiliser des motos-pompes pour tirer le carburant des fûts et le mettre dans les barriques, ce qui est très dangereux car s’il y a une étincelle, l’incendie peut être lourd de conséquences pour le voisinage ».

DDO + pétrole lampant = gasoil

L’une des citernes de ravitaillement portant le logo d’une société pétrolière de la place, M. Kalmogo précise que les investigations sont en cours pour déterminer la provenance du carburant et le lien avec les structures pétrolières de la place :

« il faut savoir qu’il y a des propriétaires de camions-citernes qui les utilisent pour faire des prestations de services au compte de marqueteurs mais cela doit se faire selon des normes parce que le dépotage ne peut se faire en ville en dehors des endroits autorisés, notamment dans les stations, chez certains transporteurs qui ont obtenu l’autorisation pour avoir des cuves dans leurs gares pour le ravitaillement de leurs cars et dans les boulangeries utilisant du DDO. Mais tout cela se fait selon des dispositions et nous allons poursuivre nos investigations ».

Pendant que la Coordination est à pied d’œuvre à l’intérieur où elle fait des prélèvements pour des tests en laboratoire, dehors, à la pompe, un motocycliste se fait servir du carburant pour sa moto communément appelé « C’est le moment ». Informé du type d’essence qui lui est servi, il se veut fataliste : « Je n’ai pas le choix, je suis en panne sèche et je ne veux pas pousser ma moto sur des km ».

Combien d’engins à deux roues, de véhicules, et même de groupes électrogènes ou autres machines utilisant le type de carburant ont été détériorés du fait du frelaté ? La question reste sans réponse et la Coordination entend s’atteler à multiplier les saisies à travers des contrôles entrepris dans toute la ville par des achats inopinés et le test des échantillons en laboratoire. Pour le coordonnateur national, il s’agit de médiatiser le phénomène qui met en danger la vie des citoyens :

« Nous savons qu’il existe plusieurs trafiquants de ce genre. Conséquence, les vies humaines sont en danger, alors, il n’y a pas à faire de sentimentalisme dans ce genre de situation. Il faut sévir ». Selon lui, les sanctions encourues par les fraudeurs sont multiples du fait du cumul des infractions : mélange illégal, tromperie du consommateur, installations frauduleuses.

Elles vont de 50 000 FCFA à 50 millions de FCFA et comprennent également des peines privatives de liberté tout en sachant que la première sanction reste la mauvaise publicité autour de ces unités de production de carburant frelaté. Lui et ses hommes se mettent d’ailleurs à sensibiliser les riverains à appeler le numéro fixe de la coordination, en l’occurrence le 50 31 22 69, ou à venir au siège situé derrière la Télévision nationale pour dénoncer ce genre d’exactions.

Certains se montrent des plus intéressés lorsqu’on leur explique qu’ils ont droit à une prime de 10 % sur chaque saisie effectuée grâce à leurs indications. Une voisine immédiate du site de trafic de carburant, Mme Traoré, avoue observer le manège de Zakaria et Cie depuis quelque temps.

Et pourquoi n’avoir pas dénoncé ce trafic qui les met en danger, elle et sa famille ? « Pour rien ! » répond-elle. Catherine Ouili, une autre voisine, elle, impute leur silence à la peur : « Nous sommes au courant. On est là, on regarde seulement.

On a peur. Si nos maris ne disent rien, nous, on ne peut pas le faire ». Aussi Patènèma Kalmogo lance-t-il un appel à la population : « Aidez-nous à combattre ces fraudeurs en les dénonçant à la Coordination. C’est anonyme, et en plus vous accomplissez un acte citoyen. Il nous faut agir ensemble pour prévenir la vie des gens ».

Hyacinthe Sanou

L’Observateur Paalga

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