Actualités :: Affaire BCB-Mégamonde : Entre machination et règlements de comptes…

Depuis quelques semaines, cette affaire que d’aucuns qualifient de "deal" mafieux entre la Banque commerciale du Burkina (BCB) et un de ses clients, le Groupe Mégamonde (GM) fait couler beaucoup d’encre et de salive. L’affairetelle que décrite est si grave que Sidwaya a décidé d’en savoir davantage pour éclairer ses lecteurs, surtout que fait majeur, le directeur général adjoint de la BCB, Lorcendy Traoré aurait été remplacé à son poste, quoique dit-on, l’intéressé dont le nom a été souvent cité, n’avait pas de rôle direct dans l’octroi du crédit au GM. Est-ce une conséquence de cette affaire qui défraie la chronique ou un simple réaménagement au sein de la Banque commerciale du Burkina quand on sait que M. Traoré a tout de même passé une dizaine d’années à ce poste… ? En attendant d’avoir les raisons de ce changement auprès de la BCB, nous vous invitons à revenir sur cette affaire qui n’a pas encore livré tous ses secrets.

Tout a commencé par une relation d’affaires entre deux structures, la BCB et le GM, il y a maintenant une dizaine d’années. Cette relation gagnant-gagnant se traduit par l’octroi d’un crédit important par BCB au GM. Le montant de ce crédit reste encore entouré du secret bancaire, même si des sources bien informées indiquent qu’il est loin d’atteindre le montant des 9 milliards de F CFA avancés çà et là.

Toujours est-il qu’il s’agit d’un crédit constitué d’engagements en cours assez élevés, d’intérêts et d’agios. Il prouve à quel point les relations entre les deux parties sont empreintes de confiance. Du reste, le mot crédit, du latin credere, ne signifie-t-il pas faire crédit, toujours faire confiance, autrement dit fonder un comportement sur une certaine représentation de l’avenir. Ici, le mode de crédit choisi est celui dit du crédit documentaire.

Le crédit documentaire, c’est quoi ? C’est l’engagement d’une banque de payer un montant déterminé au fournisseur d’une marchandise ou d’une prestation, contre remise, dans un délai fixé, de documents conformes prouvant que la marchandise a été expédiée ou la prestation effectuée. Très usité parce que sécurisant pour les transactions dans le commerce international, le système peut tout de même si on n’y prend garde, engendrer des irrégularités allant de l’expédition tardive à la remise tardive des documents en passant par le crédit échu, le montant du crédit dépassé, la description des marchandises non conforme aux termes du crédit documentaire, l’absence de précision d’éléments demandés dans le crédit documentaire, le nombre de pièces facturées inférieur ou supérieur à ce qui est requis, l’absence de référence à la facture proforma ou au bon de commande, incohérences des informations entre facture et autres documents, signature non conforme, etc.

Dans cette affaire, le système de crédit n’est pas pour l’instant incriminé mais, le mode de gestion des stocks, lui, aura montré ses limites. En effet, les stocks étaient gérés par un comité paritaire BCB-GM. 

Cette nouvelle infraction appelée crédit

Il n’est un secret pour personne que la gestion des stocks est un art et le comité, malgré sa bonne volonté, a pu faire des siennes. Conséquence, l’encours du Groupe a augmenté au lieu de baisser. Il fallait situer les responsabilités et trouver des solutions. Première explication du problème, l’écart entre le nombre de motos importées et vendues et les sommes encaissées par la BCB.

Deuxième explication à cette situation, l’envol des prix des matières premières servant à la fabrication des motos consécutifs à la flambée du cours du prix du pétrole et à la fluctuation du cours du dollar sur les périodes concernées. Entre 2002 et 2007, la chute du cours du billet vert est telle qu’au1er novembre 2007, 1 euro faisait 1,45 dollars, et record historique, le 15 juillet 2008, 1 € faisait 1,6038 $.

Sur la question des écarts, le comité a t-il failli en outre à sa mission de vérification des quantités à chaque arrivage ? On sait seulement que GM avait dû se séparer d’un de ses fournisseurs parce qu’un problème criand de quantité s’était posé à plusieurs reprises et que ce dernier n’aurait pas respecté ses obligations.

D’aucuns invoquent aussi la jeunesse et l’inexpérience des acteurs dans la gestion de ce genre d’opération. Ceci explique-t-il cela, les représentants de la banque n’aurait pas tenu leur hiérarchie informée des irrégularités constatées. Ont-ils oublié, omis délibérément ou volontairement de le faire ? Ont t-il voulu gérer le problème à leur niveau ? A quelle fin ? Le crédit a été accordé par la banque après avis du conseil d’administration. Le comité gère et rend compte des difficultés à ces instances.

Pourquoi ceux-ci n’ont pas réagi à temps ? Ont –ils fait preuve de négligences ? Peut-être l’enquête en cours permettra de situer les responsabilités. Toujours est-il que, lorsque la direction de la banque découvre l’affaire, elle en veut à ses représentants au comité et les somme de s’expliquer.

A-t-elle estimé qu’ils ont outrepassé leur rôle ? Toujours est-il que tout s’emballe et d’aucuns parlent de vols et/ou de sorties irrégulières de motos au magasin de Mégamonde. L’affaire tourne vite à la suspicion voire à la délation, s’agissant de gros montants. La catégorie des personnes impliquées y est sans doute pour quelque chose. Le commerce propre… a du mal à passer auprès de certaines personnes qui pensent que dans une réussite comme celle du GM, il doit y avoir forcément des « magouilles »…

Alors, s’ouvre pratiquement une chasse aux sorcières à la banque. Plusieurs personnes parlent de machination voire de règlement de comptes entre personnes au sein de la BCB et sur le dos de Mégamonde. On accuse GM de ne pas vouloir payer son crédit, de jouir de privilèges et de protection de personnalités haut placées qui veilleraient à ce que cela soit ainsi.

Les responsables et les instances de la BCB sont au passage, traités de laxistes voire de complices du premier responsable du GM dans une affaire douteuse…On semble oublier qu’il s’agit d’un crédit qui est régi par des textes et lois et que bien des mécanismes de solutionnement existent. On semble oublier qu’il s’agit d’une relation d’affaires entre institutions. Du coup, octroyer ou contracter un crédit au Faso pourrait devenir une infraction que la loi devrait punir. Sauf que dans ce cas, aucune des parties ne se plaint véritablement.

En effet, le crédit en question est garantie et cautionné par GM qui s’oblige, nous a-t-on confié, à son règlement selon les clauses qui le lient à la BCB, étant entendu que le montant de ce crédit évolue en fonction des commandes. L’histoire récente de notre pays prouve d’ailleurs qu’en de cas de « deal foireux », aucun parapluie ne saurait vous soustraire de toute sanction réglementaire ou judiciaire.

Certains qui se croyaient intouchables en ont fait les frais…Toutefois, s’agissant d’un grave dysfonctionnement constaté dans ses services, la BCB a opté de tirer l’affaire des écarts au clair par la voie judiciaire. Elle estime que ces agents ont eu un comportement qui a porté atteinte au capital de confiance qui les lie à elle. C’est pourquoi au plan interne, la BCB a tout mis en œuvre pour que ces agents présumés fautifs soient sanctionnés et mis à la disposition de la justice qui pourrait prononcer leur culpabilité ou leur innocence.

Un autre système de gestion des stocks en marche

Aussi ne sont-ils d’ailleurs poursuivis que pour abus de confiance… La justice fait d’ailleurs un travail remarquable sur l’affaire en ce moment. Elle a en effet, entendu toutes les parties, y compris le patron de Mégamonde, Nasser Basma, auditionné à titre de témoin par le juge en charge de l’affaire et par la gendarmerie. En tous les cas, nous vous tiendrons informé de l’évolution des choses à ce niveau.

En attendant, la BCB et Mégamonde qui ne sont donc pas en procès, poursuivent leur partenariat mais avec un autre système de gestion des stocks, celui de la tierce détention. Une première commande de 5 000 motos récemment passée par Mégamonde avec le soutien financier de la BCB permettra bientôt de tester ce nouveau système de gestion des stocks. Un premier lot de 1500 motos de cette commande serait attendu dans les prochains jours à Lomé.

Ce qui pourrait permettre au groupe de servir les nombreux clients qui ont payé à l’avance pour attendre leurs montures et mettre un terme à la rupture de stock qu’il connaît par rapport à certaines de ses marques. Fait nouveau nous signale t-on, ces motos seraient entièrement montées à l’étranger. Des sources bien informées confient que suite à l’arrêt des faveurs accordées par l’Etat aux industries de la moto qui passent désormais par la catégorie 3 en douanes, Mégamonde aurait décidé de la fermeture de son unité de montage.

La société qui semble avoir quelques soucis financiers espère ainsi diminuer ses charges et faire face à l’effet de la crise financière internationale. Elle aurait aussi opté de diversifier en reprenant les modèles de la marque Peugeot précédemment commercialisés par la SIFA qui a fermé ses portes en 2009. Un contrat de représentation avec la maison Peugeot aurait été conclu et le directeur Afrique de Peugeot aurait été aperçu dans les locaux de Mégamonde il y a quelques jours.

Les Français très pointilleux en affaire ne se hasarderaient point à accorder leur licence à une entreprise en faillite. Alors, ne faudrait-t-il pas remettre cette affaire dans ces proportions normales car en dernier ressort, il ressort comme des objectifs inavoués de voir peut-être une nos sociétés performantes mettre la clé sous le paillasson ? GM a été classé en 2008 parmi les vingt meilleures sociétés burkinabè par Jeune Afrique Economie.

Ses difficultés et le redimensionnement de ses activités industrielles ne manqueront pas d’avoir des répercussions sur les créations d’emplois dans ce secteur et la consolidation du tissu économique dans ce domaine. Le gouvernement devrait se pencher sur le cas de ces sociétés nationales qui, en dépit du caractère privé, ont un rôle stratégique.

V.A. S

Sidwaya

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