Actualités :: AN 1 DE L’ACCIDENT DE BOROMO : La longue solitude des blessés

Le 15 novembre 2008 reste l’une des dates les plus sombres de l’histoire du transport terrestre au Burkina. En effet, c’est ce jour qu’un car parti de Koudougou à destination de la Côte d’Ivoire est entré en collision avec un autre véhicule a quelques kms de Boromo. Le bilan officiel fut lourd : 99 morts et 46 blessés dont la majorité est originaire du Boulkiemdé. Un an après ce drame, comment vivent rescapés et parents des victimes ? Nous sommes allés à leur rencontre.

365 jours se sont écoulés après l’accident de Boromo qui a endeuillé de nombreuses familles. La douleur s’est certes dissipée peu à peu mais le souvenir demeure vivace. De Koudougou à Imasgo en passant par Lounga, le souvenir du drame de Boromo est encore présent dans la mémoire des familles des victimes. Les blessés, que l’on peut qualifier de chanceux, sont de nos jours totalement ou partiellement rétablis. Mais certains d’entre eux gardent des séquelles et pas des moindres. C’est le cas de Pierre Bouda.

Ce dernier avait eu les deux bras fracturés, ce qui, jusqu’à présent ne lui permet pas d’exercer une activité pour subvenir à ses besoins. C’est un homme au regard triste qui se remet peu à peu de ses blessures et qui se souvient de l’accident de Boromo, comme si c’était hier. ‘’Il arrive souvent que mon sommeil soit troublé à cause de l’accident de Boromo", déclare-t-il tristement. Y a-t-il eu des psychologues pour aider les rescapés du drame de Boromo à mieux surmonter les événements du 15 novembre 2008 ? La réponse est non. A en croire Pierre Bouda, aucun psychologue ne l’a reçu pour une thérapie. C’est avec amertume qu’il déplore aussi le non-remboursement des frais de ses ordonnances médicales qui s’élèvent à plus de 200 000 F CFA, alors que le gouvernement burkinabè avait promis de prendre en charge les frais médicaux des blessés.

Il avait également fait la promesse d’aider les parents des victimes à mieux s’occuper des veuves et des orphelins. Selon Pierre Bouda, l’assurance n’a toujours pas versé un seul kopeck ni aux parents des victimes, ni aux blessés, au titre des dommages et intérêts. Selon ses affirmations, la mairie de Koudougou leur avait signifié qu’elle avait contacté un avocat pour défendre leur dossier afin que chacun soit dédommagé. Mais depuis lors, c’est le silence radio. ‘’On avait promis de nous dédommager dans un délai de 8 mois. Mais nous n’avons rien reçu jusque-là. Les autorités communales ne nous ont pas dit non plus ce qu’il en est jusqu’à présent’’, a confié Pierre Bouda. "Nous souhaitons que le gouvernement nous vienne en aide afin que nous puissions nous occuper de nos familles" conclut-il.

Gnounoaga Kaboré, frère aîné de la victime Koudregma Kaboré, au secteur 3 de Koudougou a, pour sa part, dit garder un triste souvenir du drame de Boromo. Selon lui, sa famille a reçu 3 sacs de vivres à savoir 1 sac de riz de 50 kg et deux sacs de 100kg de maïs. ‘’En dehors des vivres que nous avons eu de l’Action sociale aux premières heures du drame, nous n’avons rien eu d’autre". Il a aussi confirmé que la mairie de Koudougou leur avait fait savoir qu’elle avait pris un avocat pour défendre les intérêts de toutes les victimes. Mais plusieurs mois se sont écoulés sans que celle-ci ne situe les familles concernées sur l’avancement du dossier. Situation qu’il a déplorée car pour lui, la mairie devait régulièrement informer les parents des victimes de l’évolution du dossier. ‘’L’Etat doit être plus regardant sur les surcharges car elles sont source de malheurs’’, a déclaré Gnounoaga Kaboré. L’air détendu, Jacqueline Diollo, veuve de Michel Ouédraogo, au secteur 10 de Koudougou, a en mémoire le triste drame de Boromo qui a coûté la vie à son mari. Tout comme les autres, la veuve de Michel Ouédraogo essaie tant bien que mal de surmonter la disparition de son époux. Avec quatre orphelins, Jacqueline Diollo fait face à d’énormes difficultés dont la scolarisation et l’alimentation de ses enfants.

C’est avec l’aide du frère de son défunt époux qu’elle a pu scolariser ses enfants pour cette rentrée 2009-2010. De l’aide, elle en a besoin car elle affirme n’avoir rien reçu depuis le passage des membres du gouvernement en novembre 2008. ‘’On nous avait promis de l’aide mais on n’a rien reçu depuis l’année passée." La famille Zongo, au secteur 1 de Koudougou, bien qu’ayant bénéficié du soutien moral et financier des membres du gouvernement juste après le drame, attend toujours de l’aide. Selon André Zongo, frère aîné du défunt Jean Christian Wibila Zongo, la famille garde un amer souvenir des évènements de Boromo car de mémoire d’homme, un tel drame ne s’était jamais produit au pays des Hommes intègres. Si certaines familles disent n’avoir pas reçu de l’aide, celle de Christian Zongo, en a reçu après le passage des membres du gouvernement. Cette aide est composée d’un sac de maïs de 100kg et d’un sac de riz de 50 kg, a confié le frère aîné du défunt. Fonctionnaire de son état, André Zongo et ses autres frères ont, depuis le 15 novembre 2008, la charge des 4 orphelins et de la veuve de leur défunt frère.

Imasgo paie le plus lourd tribut

Depuis le procès du drame, à Boromo, les familles des victimes n’ont toujours pas été dédommagées. Elles sont toujours dans l’attente. Et c’est la même impatience qui se vit dans la famille Zongo. Koudougou a certes enregistré des décès mais le département d’Imasgo est celui qui a payé le plus lourd tribut lors du triste accident survenu le 15 novembre 2008 à Boromo, avec 47 décès et 33 blessés. A notre arrivée dans cette commune rurale, le tintamarre de la cité était à son summum car c’était jour de marché. Chacun vaquait à ses occupations mais le souvenir du drame de Boromo était loin d’être effacé dans la mémoire collective des habitants.

Si à Koudougou les parents des victimes étaient beaucoup plus disposés à s’exprimer sur les événements de Boromo, cela n’était pas le cas pour ceux d’Imasgo. Mais qu’à cela ne tienne, après des recherches et quelques coups de fil, nous avons pu nous entretenir avec certains. Le premier, Moumouni Kaboré, blessé en son temps à la tête et à la hanche, est totalement guéri de nos jours même des cicatrices sont encore visibles sur sa tête. Il se souvient du drame qui a failli lui coûter la vie mais en parle peu car il y a perdu des proches. De Boromo au Centre hospitalier régional de Koudougou où il a poursuivi son traitement, Moumouni Kaboré dit avoir dépensé plus de 200 000 FCFA pour les frais médicaux. ‘’Je me suis soigné avec mes propres moyens.

Et jusque-là, on ne m’a pas remboursé les frais d’ordonnance comme le gouvernement nous l’avait promis. J’ai pourtant remis les photocopies des différentes ordonnances à la préfecture d’Imasgo comme on nous l’avait demandé mais je n’ai pas eu gain de cause jusqu’à présent", a-t-il déclaré. Un sac de riz de 50 kg et un drap, c’est ce que le jeune Moumouni Kaboré dit avoir reçu depuis la survenue de l’accident. A son avis, l’assurance n’a pas encore dédommagé les victimes. C’est pourquoi beaucoup ont jugé utile de confier leur dossier à Me Zakaria Sorgo qui les a contactés depuis le mois d’octobre pour défendre leur cause, a-t-il indiqué. L’Etat a-t-il envoyé d’autres soutiens au profit des blessés et aux parents des victimes ? C’est la question à laquelle Moumouni Kaboré souhaite que le gouvernement réponde. Car il se dit plus ou moins sûr que l’Etat a envoyé de l’aide pour eux et que de tierces personnes gardent par devers elles.

"Depuis la disparition tragique de mon père, ma vie a considérablement changé. Quand je pense au drame de Boromo, je deviens triste. Je suis obligé d’adopter un nouveau comportement pour pouvoir vivre" indique Pierre Kaboré, fils du défunt Koudregma Kaboré. Il dit n’avoir pas eu de soutien sur le plan psychologique. On imagine aisément les souffrances que ce jeune de 21 ans a pu endurer suite à la disparition de son père. Selon ses dires, le gouvernement a volé au secours des familles des victimes en leur offrant des vivres et des effets d’habillements. Une aide qu’il n’a malheureusement pas reçue. ‘’J’ai été récemment informé que l’Etat a envoyé des vivres à Imasgo. Je suis donc allé voir Mme le préfet mais je n’ai pas eu de satisfaction. La gestion de l’aide destinée aux familles des victimes est entachée d’irrégularités. Il y a des vivres qu’on a vendus aux plus nantis alors qu’ils étaient destinés aux orphelins et veuves des victimes, soutient Pierre Kaboré.

"J’ai vendu ma mobylette pour me soigner"

Située à quelques kilomètres de Imasgo, Lounga a aussi enregistré des blessés et des morts. L’homme que nous y avons rencontré se nomme Saïdou Souly. Beaucoup le traitaient de fou à son arrivée au village après le drame, à cause de son comportement et de l’incohérence de ses propos. Blessé au genou, avec une forte perte de dents, le vieux Souly commence à retrouver ses esprits mais il est toujours convalescent, a-t-il confié. ‘’Je me souviens de l’accident de Boromo. Je faisais beaucoup de cauchemars au début. Il arrivait que j’entende dans mon sommeil un grand bruit suivi d’images du car enflammé lors de l’accident. Mais actuellement, mes cauchemars ont beaucoup diminué. Je commence à me remettre peu à peu et ce, grâce au soutien de mes frères. Je n’ai pas reçu de l’aide pour me soigner. Mes frais d’ordonnances n’ont jamais été remboursés. J’ai même vendu ma mobylette pour pouvoir me soigner. L’aide que j’ai reçue après l’accident se résume en un drap, un sac de riz de 50 kg et un sac de maïs de 100kg. L’assurance aussi ne nous a pas encore dédommagés.

Nous avons donc confié notre dossier à Me Zakaria Sorgo. Mais jusque-là, il n’ y a rien de concret. Nous attendons de voir quelle sera la suite’’, a fait savoir le vieux Souly. L’état du vieux Souly nécessitait l’assistance d’un psychologue mais il n’en a jamais reçu. Les promesses de l’Etat sont-elles restées de vains mots ? En tout cas, à la gare routière d’où est parti le car, le souvenir du drame reste entier. Mais l’activité a repris avec bien sûr plus de mesures de sécurité. Les voyages continuent de s’effectuer vers la Côte d’Ivoire. Selon le chef de gare, Jean Paul Bouda, un départ sur la lagune Ebrié a eu lieu le mardi 10 novembre 2009. Pragmatique, il confie : ‘’Nous avons été très éprouvés par le drame de Boromo mais comme notre travail repose sur le transport, nous sommes obligés de reprendre l’activité."

Le premier adjoint au maire rassure

Les parents des victimes s’impatientent pour leur dédommagement par l’assurance. Les propos des uns et des autres le confirment. Selon le premier adjoint au maire de Koudougou, M’bi Alexis Yaméogo, l’avocat identifié par la mairie de Koudougou, en la personne de Me Mamadou G. Traoré, a entamé son action et œuvre pour la satisfaction des parents des victimes. "C’est après les évènements tragiques de Boromo se sont passés que la mairie a jugé utile d’approcher un avocat pour qu’il défende la cause des victimes afin de soulager leurs parents", déclare-t-il.

Pour le premier adjoint au maire, l’avocat est à pied d’œuvre mais comme une affaire de ce genre ne se résout pas à coup de bâton magique, il invite à la patience. Du reste, l’avocat a exprimé sa volonté à tout mettre en œuvre pour que les parents des victimes obtiennent gain de cause et toutes les informations utiles lui ont été communiquées à cet effet, ajoute le premier adjoint au maire. M. Yaméogo demande aux parents des victimes de garder leur calme car les autorités ont promis de prendre des dispositions nécessaires pour un règlement de cette affaire.

L’aide de l’Action sociale

Selon l’intérimaire du directeur régional de l’Action sociale et de la Solidarité nationale du Centre-Ouest, Dorzon Dembélé, le nombre total des décès enregistrés après le drame de Boromo est de 99 dont 47 pour le seul département d’Imasgo.

Celui des blessés est de 46 dont 33 à Imasgo. L’aide reçue par le service de l’Action sociale du Centre-Ouest au profit des familles des victimes et des blessés est composée de 3 tonnes de maïs et de 2 tonnes de riz. Ces vivres ont été répartis dans 21 familles à Koudougou où il y a eu des décès et ce, en fonction de la taille de chaque famille. Pour les familles de 1 à 2 personnes, l’aide est de 1 sac de 50kg de riz, pour celles composées de 5 à 7 personnes, elle est de 2 sacs dont un de riz et un de maïs. Les familles de 8 à 9 personnes ont aussi reçu la même quantité de vivres. Mais celles atteignant 10 à 16 personnes ont reçu 3 sacs. Les familles des victimes du département d’Imasgo, a-t-il précisé, ont aussi reçu des vivres par l’entremise d’une mission de Ouagadougou qui s’y est rendue.

Les blessés n’ont pas été oubliés, ils ont aussi reçu des vivres, a confié M. Dembélé avant d’ajouter que les familles identifiées ont toutes été invitées à passer au service de l’Action sociale pour entrer en possession des vivres qui leur sont destinés. ‘’S’il y a des familles qui n’ont pas bénéficié du soutien jusque-là, c’est qu’elles ne se sont pas fait recenser’’, a-t-il indiqué. M. Dembélé a aussi signifié que son service avait reçu de son ministère une somme d’un million de FCFA pour honorer les ordonnances médicales des blessés au niveau du CHR de Koudougou. La gestion de cette somme, a-t-il révélé, a été confiée à la direction régionale de l’Action sociale et au gouvernorat du Centre-Ouest.

Par Dabadi ZOUMBARA

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