Actualités :: Zone industrielle de Kossodo : Dans les ateliers de Hage industrie avec les (...)

"Ici au Faso, la vie est dure". Le refrain ne doit pas laisser indifférents les travailleurs journaliers de l’usine Hage Industrie de Kossodo. Les conditions de travail dans cette usine sont à la limite du supportable.
Hage Industrie est situé en plein cœur de la zone industrielle de Kossodo. Il est à quelques encablures de l’usine de tannerie d’Alizéta Ouédraogo dont les odeurs continuent à rendre la vie difficile aux riverains. A Hage, les jeunes désœuvrés y vont dans l’objectif de monnayer leurs forces. En contrepartie, ils ne reçoivent que des broutilles. Chaque lundi, il y a attroupement devant la grande porte de l’usine.

A 8 heures, ils sont invités à s’aligner. Chacun passe devant une fenêtre à proximité de la même porte et remet sa pièce d’identité en vue d’un éventuel enregistrement. Après ce rituel, ils sont conviés samedi pour d’autres manèges. Le lundi qui suit immédiatement, ils reviennent en masse.

Mais comme l’offre dépasse la demande, on procède à un tirage au sort. Ceux qui ont la chance sont maintenus, les moins chanceux peuvent aller voir ailleurs ou regagner leurs gîtes. L’acte d’inscription n’est qu’une manœuvre, sinon la plupart des journaliers recrutés le sont par le truchement des agents qui travaillent déjà dans l’usine. Une cinquantaine de personnes sont retenues par équipe puisque l’unité industrielle fonctionne 24 heures sur 24. Le groupe de la matinée peut commencer le travail. Dans la cour, un contrôleur procède à l’appel. L’usine vous donne des habits qui permettent de distinguer les journaliers des agents permanents. Le boulot est subdivisé en section et chaque section attend des hommes. A la section 3, on s’occupe du découpage des barres de fer. Une multiplicité de machines vrombit, des machinistes sont à l’œuvre et les journaliers se chargent du classement des barres de fer et les attachent selon des normes édictées.

6 jours pour moins de 10 000 f cfa

C’est un exercice sans relâche. On n’a pas droit à un arrêt. Pendant les pannes des machines ou pendant les délestages d’électricité, les journaliers sont tenus de trouver quelque chose à faire. Autrement, on les renvoie immédiatement. Un des patrons libanais qui fait irruption de façon impromptue dans les sections ne veut pas voir les ouvriers assis à ne rien faire. Il ne cherche pas à savoir pourquoi ils sont inactifs. Ce n’est pas son souci si les mobiles de leur inactivité sont indépendants de leur volonté. Dès qu’il voit des gens inactifs, il les somme a quitter les lieux. Ce faisant, pendant les pannes, les journaliers disparaissent ou s’en vont traîner les pas dans les toilettes.

Le travail d’un journalier a une durée de 6 jours renouvelable une fois. Au cours des 6 jours, ils reçoivent chacun 7200fcfa en raison de 1200fcfa par jours. Le boulot commence à 8 heures par l’interpellation de la sirène et à midi, ils ont une pause de 30 mn. Pendant la sortie pour la pause, ils sont minutieusement fouillés par les vigiles qui sont à la porte. Dehors, des vendeurs et vendeuses leurs proposent une gamme variée de mets allant du haricot aux arachides et en passant des gâteaux au Zom-kom. Les communs des journaliers ne peuvent acheter que des arachides pour 25 ou 50fcfa. Les nantis eux vont manger du haricot et l’arroser avec de Zom-kom.

A 12 heures 30 mn, le travail peut recommencer et on repart de plus bel dans la dépense de l’énergie physique. A la section 3 où l’essentiel de travail consiste à classer les barres de fer, le soir après la descente, on ressent les maux de reins. Idrissa Kiendré, un des journaliers parlant de courbature et de maux de reins dans un ton amusant dit à son coéquipier : "c’est parce que vous acceptez l’offre de faire l’amour aux vieilles dames que vous ne supportez pas le moindre choc puisque cela exige un travail éreintant.". Son coéquipier de lui répliquer que : "même si on le faisait avec des jeunes filles, on aura les mêmes effets." Pour le même Kiendré, le travail de journalier n’est pas mal : "on ne gagne pas grand chose, mais ça vaut mieux que rien". Contrairement à un autre jeune qui se dit sidéré par les conditions de vie de la jeunesse : "si ce n’est pas parce que l’Etat est irresponsable, je ne serais pas ici avec mon niveau en train de ramasser des barres de fer dans ces conditions exécrables.", se plaint-il. Les locateurs des unités de formations et de recherches (UFR) s’invitent aussi dans ce qu’ils surnomment la misère de Hage.

Des étudiants dans la merde

La longue crise qui a entraîné la suspension des cours à l’Université de Ouagadougou a expédié certains étudiants en quête de pitance journalière à l’usine Hage Industrie. Dans ce haut lieu de travail pour forçat, on se préoccupe peu de parchemin. Ce qu’on veut, c’est de l’énergie du biceps. Salif Ouédraogo est au Burkina dans le cadre de ses études, les parents étant restés en Côte d’Ivoire. L’étudiant est obligé de temps à autre de s’exercer aux travaux manuels du genre de ce que propose Hage pour pouvoir subvenir à l’essentiel. Pour cela, il n’hésite pas à venir dépenser son énergie à l’usine des Libanais. Il pense que les patrons de l’unité industrielle sont moins scrupuleux. Ils n’ont aucun contact avec les journaliers et ne se préoccupent que du rendement qu’ils peuvent offrir à l’usine. Pour lui, rester longtemps dans ce travail, c’est réduire son espérance de vie.

On ne parle pas de sécurité dans cette usine. On exige aux journaliers des chaussures fermées. C’est la seule condition à remplir au cas où on les retient. Mais ces chaussures ne sont pas adaptées à la tâche qui est dévolue aux jeunes. Il n’y a pas de casque alors qu’on leur demande souvent de monter sur près de 3 mètres pour mettre le nœud d’une machine qui est fixé à même le toit et qui conduit les tas de fers dans les camions pour la livraison en ville. Comme risque pendant cet exercice, les barres de fer peuvent retomber sur leur tête. En cas de déséquilibre, il peut rejoindre le sol et se fracasser la tête. Pour minimiser tous ces risques, la solidarité est agissante entre journaliers. Les personnes moins solides qui sont dans les groupes bénéficient du soutien des autres. A Hage Industrie, c’est aussi des incidents vite maîtrisés.

Le court circuit, un risque pour les journaliers

Un jour, pendant que tous les travailleurs étaient à pied d’œuvre, il y a eu dans une des sections, un court circuit. L’incident a failli embraser le bâtiment s’il n’ y avait pas un extincteur à côté. Mais si on ne remédie pas aux installations électriques, une catastrophe pourrait subvenir un jour. A la section 3 par exemple, les fils électriques pendent sur le mur, certains traînent à même le sol sur des flaques d’eaux. Les journaliers pourraient un jour payer un lourd tribut du désintérêt que les responsables de l’unité industrielle manifestent vis-à-vis des installations électriques. Pendant les 6 jours passés à l’usine, on est contraint à des méthodes draconiennes. Pendant que vous-vous préparez pour partir après la descente, vous êtes tenus de vous aligner et de plier vos tenues et a attendre à nouveau un appel.

Celui qui ne plie pas bien sa tenue est rabroué et menacé de suspension. Le contrôleur qui agit comme un régisseur dans une "Sinjala" donne des ordres qu’il faut scrupuleusement respecter au risque de se faire virer. L’usine semble avoir le monopole du fer au Burkina. On y trouve une gamme variée allant des tôles aux fers des ouvertures des maisons et d’autres accessoires pour le bâtiment. Les jeunes sont sollicités à fond, et beaucoup se plaignent des conditions de travail, du manque d’intérêt des patrons à leur égard et des broutilles qui leurs sont servis après 6 jours de dur labeur. Les ballets quotidiens des camions qui viennent charger le fer sont permanent. Et c’est souvent dans la faim que ceux qui œuvrent pour que ces bolides repartent avec le plein de marchandises travaillent.
Comme dit la sagesse des Mossé : "ce n’est pas le paysan qui est forcement le mangeur de tô. Il peut se manger pendant que le pauvre paysan dorme de faim".


Les journaliers sont-ils pris en compte par la loi ?

Le code de travail indique en sont article 47 que "le contrat de travail à temps partiel est un contrat de travail dont la durée d’exécution est inférieure à la durée hebdomadaire légale".
"Le travail à temps partiel est rémunéré au prorata du temps de travail effectivement accompli". L’article 48 du même code souligne que "le contrat du travail à temps partiel peut-être à durée déterminée. Il est alors conclu, exécuté et résilié dans les mêmes conditions que le contrat de travail à durée déterminée". Cette littérature qui étaye le contrat de travail prend-t-elle en compte le cas des journaliers des usines de Kossodo ? La réponse est négative. De toutes les façons, c’est le dernier souci des patrons des usines. Le journalier apparaît dans cette situation comme quelqu’un qui, face à un danger, est même prêt à grimper sur un arbre épineux. Le manque d’emploi conduit beaucoup de personnes à accepter de travailler dans ces usines sans protection aucune. L’Etat et les services habilités devraient intervenir pour que ces jeunes ne soient pas la proie des gens dont le seul objectif c’est le profit au maximum. Ces mercantilistes n’ont cure de la santé de leurs travailleurs. Un travail arrachant pendant 8 heures pour 1200fcfa dans des conditions plus qu’inhumaines. Kossodo accueille l’essentiel de ces travailleurs.

Merneptah Noufou Zougmoré

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