Actualités :: DECLARATIONS DU MINISTRE DE LA JUSTICE A L’ASSEMBLEE : Deux syndicats (...)
Le ministre de la Justice, Zakalia Koté

Le Syndicat national des agents de la Justice (SYNAJ) et le Syndicat des greffiers du Burkina (SGB), réagissent ici aux propos tenus par le ministre de la Justice lors de son passage à l’Hémicycle, le 15 mai dernier.

Monsieur le Ministre,

Le 15 mai 2009 vous étiez invité à soutenir la délicate épreuve de « question orale », en l’occurrence sur des questions relatives au bien fondé des revendications des Greffiers et assimilés, et sur l’orthodoxie de la procédure ayant abouti à la mesure de sanction de prétendus grévistes irréguliers (grève mémorable des 18,19 et 20 février 2009). Ladite session étant déclarée « ouverte au public », nous nous sommes faits prévenants d’y être massivement présents, non seulement en tant que premiers concernés, mais surtout par souci d’être « témoins directs » de vos précieuses déclarations devant l’auguste assemblée. Des éléments de réponse que vous avez choisis de porter à la connaissance de nos représentants, il nous a paru utile de faire distinguer d’une part ce que vous affirmez à l’Hémicycle, et d’autre part ce que vous nous aviez donné de comprendre jusque-là.

Nous allons donc réviser la substance de certains de vos éléments de réponse, à la lumière des données objectives résultant des nombreuses concertations que nous avons eues.

Concernant les points de revendication, vous semblez affirmer que :

- "les responsables syndicaux avaient été invités à faire preuve de patience... le caractère fondé d’une revendication n’autorise pas le chantage" : permettez-nous de noter que vous avez omis de signaler que ces responsables syndicaux, affichant toujours leur rôle de porte-parole, n’ont jamais eu de cesse de vous dire que les travailleurs de la Justice étaient las d’attendre la mise en œuvre de revendications légitimes dont les plus récentes ont tout au moins cinq ans d’âge ; les plus anciennes datant du retour à l’ordre constitutionnel depuis juin 1991 ! Nous avons même tenu à vous déclarer que nous ne vous tenions pas pour comptable des arriérés de vos prédécesseurs, mais que l’administration étant caractérisée par le régime de la continuité, vous héritiez de la situation tout comme nous aussi nous héritions de nos plates-formes. A la lumière de ces échanges dont nous avons toujours fidèlement fait compte-rendu à nos déléguants perplexes, n’était-ce pas tout simplement dans l’ordre des choses que nous exigions un gage formel (sous forme d’accord) de la bonne volonté et de l’intention réelle de l’autorité de se pencher enfin sur nos préoccupations socioprofessionnelles ?

En outre, nous n’avons nullement été les fautifs de la rupture du dialogue : souvenez-vous, la veille de l’expiration du préavis, et après moult demandes d’audience, vous nous renvoyiez à assumer nos responsabilités en ces termes : « c’est mon dernier mot... je reste profondément convaincu que votre mouvement sera contre productif et risque d’entamer même le peu d’acquis déjà engrangé... ». Et le doyen des délégués syndicaux de vous répondre : « Monsieur le ministre, nous restons ouverts au dialogue... Avec la preuve d’un engagement concret de votre part nous pourrions rassurer nos militants et obtenir la levée du mot d’ordre ». Devinez donc notre consternation de vous avoir entendu, ce 15 mai 2009, nous présenter comme des impatients et des maîtres chanteurs.

- "les régies de recettes sont une réalité... la liste des régisseurs a été soumise en vue de leur nomination :" Pouvons-nous signaler que de retour de la grève, et après deux (02) lettres de relance (11 et 19 mars 2009) par nous initiées vous invitant à la reprise du dialogue (ampliations étant toujours faites à des organisations témoins), vous nous informiez effectivement que les dispositions étaient prises pour la mise en place des régies de recettes ? Seulement, vous auriez vous-mêmes donné instruction de geler le projet de nomination des régisseurs, et ce tant que la mesure de sanction des agents grévistes ne sera pas effective.

C’est à cette même occasion (le 30 mars 2009 aux environs de 19 heures) que vous nous expliquiez le critère final ayant servi à dresser (enfin et près d’un mois après !) la liste des agents à sanctionner : il s’agirait selon vous des agents n’ayant pas encore introduit leur demande de titularisation, et une poignée d’agents en stage probatoire (en possession de justificatifs). Devinez donc notre surprise de vous avoir entendu dire à nos illustres représentants qu’une liste de régisseurs à nommer était déjà transmise ! Or, tout récemment encore (le 29 avril 2009), nos deux structures syndicales dénonçaient, avec larges ampliations, l’application du nouveau régime tarifaire des actes de Justice, et ce pour non effectivité de la nomination des régisseurs, seuls habilités à réaliser lesdites perceptions. Dans tous les cas, nous savions que les diligences nécessaires seraient faites pour l’effectivité de cette initiative, car s’agissant de recouvrements au profit du Trésor public, aucune résistance audacieuse ne saurait s’élever contre.

- "les concours professionnels ont été lancés... il n’a jamais été question de remettre en cause le droit à la promotion des agents" : Faut-il relever qu’en restituant le contenu de nos échanges du 30 mars 2009, nous transmettions aux travailleurs de la Justice l’acquis de la relance des concours professionnels pour l’année 2009 ? Nous leur avons fidèlement rapporté que vous aviez insisté pour qu’il leur soit clairement dit qu’il s’agissait d’un acte circonstanciel, votre département ne s’engageant pas à promettre un recrutement régulier de greffiers en chef, de peur d’en arriver à une situation de saturation de cadres dont le déploiement se révélerait problématique ! Face à cette position, nous vous avons toujours dit que nous constations le refus évident (non encore expliqué) de responsabiliser cette catégorie professionnelle (cadre Al) dans l’administration judiciaire, et qu’il n’était pas question que le droit à la carrière professionnelle (promotion) soit tributaire de l’état d’esprit ou de l’opinion d’individus. Il nous plaît aussi de noter que, contrairement à ce qu’on a tenté jusqu’ici de nous faire croire, ce n’est pas le ministère en charge des emplois publics qui établit et communique les besoins en ressources humaines du ministère en charge de la Justice...

- "la revendication statutaire est appuyée sur des fondements constitutionnels... mais sa mise en œuvre est tributaire d’un avis du Conseil constitutionnel, suite à un recours en interprétation de l’article 101 de la Constitution que le ministère de la Justice projette d’introduire" : Remarquez que vous aviez presque fini de nous convaincre que le principe de l’octroi du statut particulier au Greffier burkinabè était acquis, mais que sa mise en œuvre nécessitait de vaincre d’une part la philosophie de l’emploi que le département de la Fonction publique opposerait au texte constitutionnel, et ce sur le fondement d’une loi, la loi 13/98 AN du 28 avril 1998 ; et d’autre part la volonté politique qui serait défavorable. Selon vous d’ailleurs, faire droit à cette prétention légitime serait « ouvrir une brèche...la boîte aux pandores ».

Mais, depuis votre présentation à l’Assemblée, il nous semble désormais évident qu’en réalité, l’opposition la plus farouche est constituée au sein même de l’appareil judiciaire : en effet, il nous a été donné de prendre connaissance d’une correspondance du département de la Fonction publique interpellant celui de la Justice sur la prérogative qui incombe à ce dernier en matière d’initiative en faveur du statut du Greffier burkinabè. La même missive invitait votre département à soumettre un écrit, le ministère en charge de la Fonction publique se proposant d’apporter l’appui technique nécessaire.

Comprenez donc notre désarroi quand, pour la première fois, et devant l’auguste représentation nationale, nous vous entendions dire que vous comptiez saisir le Conseil constitutionnel en recours en interprétation d’une disposition aussi limpide ! Nous avons épuisé tous les argumentaires, invoquant même par comparaison la situation des Greffiers des espaces communautaires partageant le même héritage constitutionnel en la matière. En quoi le Greffier burkinabè est-il si spécifiquement particulier qu’il faille lui contester coûte que coûte son droit. Selon la partie adverse, la qualité d’auxiliaire de Justice est incompatible avec celle de fonctionnaire. "Au fait, et en passant, de quel fondement (constitutionnel, légal ou réglementaire 7) tient-on le « Statut de l’Agent Judiciaire du Trésor » 7 (Loi n° 028-2007 portant statut de l’Agent judiciaire du Trésor ; et son Décret d’application n° 2007-837/PRES du 17 décembre 2007).

L’article 2-1 de ladite loi institue que : « L’Agent judiciaire du Trésor est un auxiliaire de justice » ; et juste à côté, l’article 6-1 tient à rappeler que « L’Agent Judiciaire du Trésor et ses adjoints sont des agents de la Fonction publique de catégorie A, titulaire au moins de la maîtrise en droit ». En quoi donc y a-t-il incompatibilité entre les qualités d’auxiliaires de Justice et de fonctionnaire ? Où s’en est allé le fameux critère de « charge » devant caractériser « nécessairement » la qualité d’auxiliaire de Justice ? L’équation a été résolue ici tout simplement dans le cadre d’une loi !

Vous en avez la preuve concrète : le statut d’auxiliaire de Justice de l’Agent Judiciaire du Trésor est concilié avec celui de fonctionnaire. La question se présente beaucoup plus aisément pour ce qui est du Greffier, puisque c’est la Constitution qui lui accorde son statut ! Ce dernier est non seulement fonctionnaire, mais aussi officier public et officier ministériel... Que l’on cesse donc de nous servir sans cesse le refrain inopérant de la « philosophie des emplois ». En quoi l’Agent Judiciaire du Trésor serait-il plus auxiliaire de Justice que le Greffier ? Va-t-on encombrer le rôle du Conseil Constitutionnel ? Il y a sinon jurisprudence au sens strict du terme, du moins un précédent. A moins, encore une fois, que le Greffier burkinabè soit « tel » qu’il faille lui faire une application systématiquement ou exceptionnellement défavorable des textes.. .

Concernant la mesure de révocation, nous avons cru comprendre que :

- "les agents à revoquuer sont ceux n’ayant pas encore introduit leur demande de titularisation et des agents en stage probatoire s’étant absenté sans autorisation... des imprimés de demande de titularisation sont mis à la disposition des agents en fin de stages" : Nous voudrions signaler que nous avons fouillé partout, mais nous n’avons pas retrouvé les imprimés en question ! Ce qui est cependant constant c’est que, au ministère de la Justice, on accuse en moyenne trois (03) ans d’attente avant de rentrer en possession de son rapport de stage. D’ailleurs, vous ne le saviez peut-être pas, c’est généralement le stagiaire lui-même qui rédige son propre rapport - pour faire vite - et le soumet à la signature du maître de stage... Nous le répétons encore, aucun agent en stage probatoire n’a pris part active à la grève des 18,19 et 20 février ! Aucun. En outre, vous n’avez pas relevé le vice de procédure qui a consisté à sanctionner par principe (sans liste nominative définie), dans l’inobservation pure et simple des textes en vigueur, notamment l’art. 25-2 de la loi 13-98 que vous n’avez pas commenté devant les députés.

Un fait illustratif : de retour de la grève générale des syndicats de la Fonction publique les 12 et 13 mai 2009, il nous revenait que, malgré la consigne respectée de ne pas se joindre au mouvement, des agents stagiaires et prétendus tels ont encore par erreur été recensés comme grévistes. Il a fallu l’intervention des greffiers en chef (chefs de service) pour confirmer la non-participation de ces collaborateurs et obtenir le retrait de leurs noms. Ces derniers ne pouvaient pas tout simplement accéder à des services fermés par les titulaires. Combien d’erreurs du genre n’ont-elles pas été corrigées ? Nous nous retrouvons dans le même cas de figure qu’à la grève des 18,19 et 20 février 2009. Va-t-on une fois de plus induire le Gouvernement en erreur ?

Monsieur le Ministre, Dans tout Etat de droit, le droit positif s’impose, et surtout face aux opinions et éventuelles philosophies juridiques. Que cela fâche ou non, les travailleurs de la Justice ont suffisamment fait la preuve de leur place centrale et de leur rôle indispensable dans le fonctionnement de la Justice. Ils ne demandent que la régularisation de leurs situations administrative, financière et professionnelle. Nous ne savons plus quels types d’argumentaires fournir, puisque la volonté même de les prendre en compte semble absente, malgré l’absence ou l’impossibilité d’objection fondée.

C’est en tout cas le sentiment qui les habite après vos déclarations à l’Assemblée Nationale. Ils continuent néanmoins de croire qu’ils peuvent compter sur vous, tout comme ailleurs les autorités de tutelle ont fortement contribué à la normalisation de situations du genre. La présente lettre se justifie par le seul fait que, ne bénéficiant pas du privilège d’occuper le podium à l’Hémicycle, il ne nous reste plus que la voie de la presse pour adresser nos remerciements aux parlementaires qui se sont préoccupés de notre situation, rectifier certains propos, apporter des éclairages sur des clichés mal exposés et permettre à l’opinion de s’imprégner de la qualité réelle des échanges. vous avez achevé vos propos à l’Assemblée par l’affirmation de votre disponibilité au dialogue. Nous y croyons.

Le 30 mars 2009, vous vous engagiez, verbalement, à mettre en place et en œuvre un Comité de suivi des revendications (les responsables syndicaux estimant que le climat de confiance entre vous et la base n’était plus au beau fixe), et à organiser une rencontre avec les Greffiers et assimilés pour prendre le pouls réel de l’humeur de vos agents. Malgré une lettre de rappel datée du 22 avril 2009, les responsables syndicaux n’ont jusque-là fait l’objet d’aucune approche à ces effets... Dans l’espoir donc d’une réception favorable de la présente, et en vous réaffirmant notre indéfectible volonté de voir se réaliser nos droits, daignez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations respectueuses.

Ouagadougou, le 18 mai 2009

Moussa OUATTARA SG du SYNAJ

Daniel WANGRAWA SG du SGB

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