Actualités :: Justice pour Norbert Zongo : Les artistes au-devant de la scène

Le 13 décembre 1998, Norbert Zongo et trois de ses compagnons d’infortune ont été tués et brûlés sur la route de Sapouy, à une centaine de kilomètres de la capitale. Pour le 10e anniversaire de cet assassinat odieux, le Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques a organisé, comme de coutume, marche et meeting à la Place de la Nation. Mais cette année, les artistes étaient au-devant de la scène avec un concert animé à la Place de la Nation et qui a donné un cachet particulier aux manifestations.

Le rituel est devenu classique : le jour anniversaire des suppliciés de Sapouy ( Norbert Zongo, Ablassé Nikièma, Blaise Ilboudo et Ernest Zongo) est généralement caractérisé par deux actes majeurs : dépôt de gerbes de fleurs sur les tombes au cimetière de Gounghin et une marche suivie de meeting à la Place de la Nation. Dix ans après, le Collectif n’a pas dérogé à la règle. Samedi dernier donc, il a convié matinalement ses militants et sympathisants au cimetière pour rendre hommage au martyr de la liberté de la presse et à ses compagnons d’infortune. Moment de recueillement et d’engagement solennel à poursuivre la lutte, le cérémonial a été marqué par le discours de l’Association des journalistes du Burkina Faso (AJB). Un message qui a fait un bilan succinct des actions menées pour que triomphent la vérité et la justice. Retour à la Place de la Nation pour le grand rassemblement qui précède la marche.

A 8 h, le monde commençait à affluer. L’appel à la mobilisation des troupes semble avoir été entendu. Les jeunes, dont certains portaient des tee-shirts au logo de l’UNIR/MS, surtout les étudiants de l’Association nationale des étudiants du Burkina (ANEB), le "bras armé" du Collectif, sont massivement présents. En attendant le début de la manifestation, les responsables chargés de la sécurité du "Mouvement Trop c’est trop", morceaux de tissus noués au bras pour se distinguer, essayent de canaliser la foule. Pendant ce temps, de jeunes gens vendent à la criée divers documents et journaux sur le dossier brûlant. Une littérature abondante, parfois subversive comme ce bout de papier du Comité régional du Centre du nébuleux Parti communiste révolutionnaire voltaïque (PCRV) qui appelle les "sous-officiers et hommes de rang... pour le renversement de l’impérialisme français et du pouvoir mafieux et sanguinaire de la IVe République par l’insurrection générale armée...".

C’est dans cette ambiance de marché que, sous le coup de 9 h, la musique qui tonnait à fond la caisse a cédé la place au message du chef de la sécurité du Collectif, qui invitait ses hommes à actionner le dispositif pour le début de la marche. Au même moment, on aperçoit les leaders du Mouvement au nombre desquels Chrysogone Zougmoré, Tolé Sagnon, Me Bénéwendé Sankara, Philippe Ouédraogo, Arba Diallo, Chérif Sy, Etienne Traoré, et nous en oublions. Fait remarquable cependant : l’absence de l’épouse de Norbert Zongo, qui serait en déplacement au Brésil pour la cause de son mari. Très vite, main dans la main, les éléments chargés de la sécurité forment une haie humaine pour encadrer la troupe. Les marcheurs s’ébranlent sur l’Avenue de la Nation avec comme itinéraire les avenues du Temple, de Houari Boumédienne, et Bassawarga pour revenir au point de départ. A la tête du peloton, la marche est silencieuse. Mais derrière, elle est bruyante avec des slogans qui revendiquent la vérité et la justice sur le drame de Sapouy et des flèches décochées contre le régime de Blaise Compaoré, qui est qualifié de "boucher" et "d’assassin". Chacun en a eu pour son grade. De la famille présidentielle aux "

voyous du Conseil" en passant par les "juges acquis et corrompus" et les "procureurs aux ordres". Les croisés contre l’impunité expriment leur colère contre le "pouvoir sanguinaire" de la IVe République tout en brandissant les drapeaux rouges des syndicats, les banderoles du Collectif et celles des Femmes en noir du Faso. A hauteur de la Maison du peuple, on marque un arrêt. Une partie des dirigeants du Collectif avec en tête Jean-François Julliard, le nouveau secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), se dirigent vers la plaque où est inscrit le nom de l’avenue qui a été rebaptisée "Avenue Norbert Zongo", "un acte symbolique" qui serait pour perpétuer la mémoire du directeur de publication de l’Indépendant. La suite de la procession se déroule avec la même ambiance, la même verve des marcheurs jusqu’à la Place de la Nation pour le meeting et le concert tant attendu.

Le show débute par la chorale du "Mouvement Trop c’est trop", qui, apparemment bien inspiré, a proposé des titres émouvants. L’ambiance gagne en intensité plus tard avec l’annonce de l’arrivée des Artistes unis pour Norbert Zongo si bien que l’on ne prêtait plus tellement une oreille attentive aux discours. Toutefois, Jean-François Julliard de RSF et le représentant de l’Association Survie de France ont été ovationnés pour leur message concis mais dense.

Quant au président du Collectif, son discours, qui a consisté à faire le bilan des luttes avec un accent sur les acquis et aussi les "manœuvres" du régime pour enterrer le dossier, a failli ennuyer le public, qui trépignait d’impatience pour suivre le concert. Message reçu cinq sur cinq. Et Chrysogone Zougmoré a accéléré le rythme de la lecture pour vite conclure par un appel à maintenir le cap de la mobilisation et la pression sur le pouvoir de Blaise Compaoré. Place maintenant à un DJ venu spécialement de Bamako : Mohamed Bathily, surnommé Ras Bath, juriste, présenté comme le guide spirituel de Tiken Jah Fakholy. L’enfant du Mali a émerveillé la foule par son talent d’orateur, d’animateur et son niveau de culture. Il a su communier avec le public et le tenir en haleine.

12h30. Le soleil, haut dans le ciel, darde ses rayons mordants. Il fait une chaleur intenable, mais Ras Bath trouve les mots en annonçant qu’il s’agit d’un "soleil d’amour et de justice qui ne brûle pas mais caresse" les combattants de la liberté, le peuple de Haïlé Selassié, de Modibo Keita, de Patrice Lumumba et de... Thomas Sankara. La foule exulte. L’extase est à son comble lorsque Ras Bath annonce les artistes présents. Tour à tour, Slam, Sana Bob, Sam’S K. le Jah, Smokey se succèdent devant le micro avec des messages d’émotion, d’espoir et de réconfort. Des morceaux engagés qui revendiquent le pain, la justice et la liberté pour le peuple avec un accent sur Norbert Zongo et Thomas Sankara.

C’est dans cette ambiance festive qu’a pris fin la cérémonie commémorative du 10e anniversaire de l’assassinat de notre confrère avec un des titres des Artistes unis pour Norbert Zongo, dont l’album est intitulé "Norbert Zongo : Dossier classé ?". Pendant les différentes prestations musicales, bien des membres du Collectif n’ont pu résister à la tentation de monter sur scène pour esquisser des pas de danse. Les chants et danses étant comme une petite séance de thérapie pour sublimer le traumatisme subi par la mort de l’ancien journaliste. Malgré tout, l’on sentait que la soif de justice et de vérité régnera toujours dans les cœurs.

Le Pays

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