Actualités :: 13-Décembre : L’histoire secrète du Collectif

Si le Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques est officiellement né en 1998, par suite de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, ses origines pourraient remonter bien avant le drame de Sapouy.

Mieux, le supplicié du 13 décembre serait le précurseur de cette « jonction entre société civile et opposition politique », qui fera plus tard de la justice pour le directeur de l’Indépendant sa revendication principale. Une aspiration portée sur fond de querelles de leadership et de « trahisons ». Regards croisés sur la genèse du Collectif.

« Certains responsables de partis politiques membres du collectif sont allés dire à monsieur Blaise Compaoré : écoutez, nous nous sommes trompés. Nous sommes votre épouse, faites de nous ce que vous voulez », dit, en raillant, Me Sankara. « En notre sein, il y a eu des tentatives de récupération politique. Mais nous nous y sommes opposés ». Reproche de celui qui fut, neuf ans durant, le président du collectif, Halidou Ouédraogo. « Au départ, il était question d’une coprésidence Groupe du 14 février (G-14)/Société civile. Mais à la fin, la direction a été confiée au pied levé au MBDHP », déplore Me Hermann Yaméogo. « Pendant que le G-14 contestait la candidature de Blaise compaoré [Ndlr : polémiques sur la rétroactivité ou non de la loi instituant la clause limitative du nombre de mandats présidentiels à la veille du scrutin de 2005], Halidou Ouédraogo s’est permis publiquement de déclarer que Blaise Compaoré pouvait légalement se présenter aux élections ». Amertume du président du GDP, Issa Tiendrébéogo.

Des origines qui remontent à 1997

Petites « gentillesses » entre quatre leaders d’opinion, hier bras dessus, bras dessous au sein du Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques. Dire qu’entre-temps beaucoup d’eau a coulé sous les ponts du « pays réel » va de soit. La ferveur militante cède à la froideur de la rancœur ouverte ou voilée.

Qu’à cela ne tienne. Dix ans après sa création officielle, le collectif, comme on l’appelle couramment, continue d’exister. Malgré quelques défections enregistrées dans les rangs. Malgré le départ de sa tête de « l’indomptable » Halidou Ouédraogo pour raison de santé. Malgré, enfin, la mort de l’infatigable Joseph Ki-Zerbo. Même si ça tangue, le tango continue.

« A la veille du dixième anniversaire de la mort de Norbert Zongo, comment les choses se préparent-elles ? Jusque-là, on ne voit pas grand-chose. On ne sait pas comment ça va se passer. Les gens attendent. Ce ne sont que des artistes qui s’activent pour qu’on n’oublie pas », déplore l’ex-prési, à cinq jours de la commémoration du 13 décembre 1998.

A quelques heures de son départ en Europe pour une séance de rééducation que nécessite la paralysie de son bras gauche, Halidou, comme on l’appelle souvent, remonte le moral du reste de la troupe : « Le découragement n’est pas voltaïque. Le découragement n’est pas burkinabé. Il y en a qui viennent à regretter, à se décourager. Il ne le faut surtout pas. Le Collectif n’est pas mort. Il y a un stratum ».

Si le stratum subsiste, tel du roc, alors, qui l’a posé ? Pour faire plus simple, le Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques serait-il l’aboutissement post-mortem d’un projet du journaliste Norbert Zongo ? Nombre de meneurs, d’hier comme d’aujourd’hui, de la croisade contre l’impunité soutiennent en effet que le drame de Sapouy, le 13 décembre 1998, n’a fait que hâter l’avènement d’une coalition dont les origines remonteraient à la débâcle de l’opposition lors des législatives de 1997. Avec à l’avant-garde, le fondateur du journal l’Indépendant.

« Norbert voulait créer son mouvement des droits de l’homme »

« L’origine directe se trouve dans les initiatives de Norbert Zongo après les élections législatives de 1997, qui ont clairement établi à ses yeux, par l’ampleur du passage en force électoral, que la marche était engagée vers la monarchisation du régime. Sa conviction dès lors s’est faite que, face aux périls communs, il fallait une large union des républicains et des démocrates, comprenant des partis politiques, des syndicats, des médias, des mouvements des droits de l’homme…

L’objectif était de reconquérir, dans un élan unitaire, le principe de la démocratie, le reste viendrait de surcroît, permettant aux particularismes de reprendre leurs droits », note Me Hermann Yaméogo, un des fondateurs du Collectif, aujourd’hui en retrait du mouvement, avant d’ajouter : « A cette époque-là, le premier café du matin, nous le prenions régulièrement chez Norbert.

Au cours de ces rencontres, il n’avait pas la dent dure uniquement contre les partis politiques : les médias, les mouvements des droits de l’homme avaient si peu grâce à ses yeux qu’il nous a confié son intention de créer un quotidien, voire même un mouvement des droits de l’homme, et si vous vous en souvenez, nul autre que lui ne pourfendait - à cette époque-là - autant les dérives du régime ».

Même son de cloche chez Issa Tiendrébéogo, président du GDP, également membre fondateur du Collectif : « En effet, tout est parti des élections de 1997, dont l’opposition est sortie complètement laminée. Il fallait donc rassembler la société civile et les partis politiques pour la défense de la démocratie. Mais au niveau de la société civile, il y a eu dans un premier temps des réticences.

Mais Norbert Zongo nous y encourageait ». Mais pour le patron du GDP, si le journaliste poussait à la roue, ce n’est pas pour autant qu’il est l’initiateur de la « jonction entre société civile et partis politiques » : « A chaque fois qu’on a eu à le rencontrer, lui [Norbert Zongo] aussi déplorait le manque de ce genre d’alliance pour progresser.

Il nous incitait à prendre conscience de la situation si nous voulions survivre en tant que partis politiques. Deux jours avant son assassinat, j’étais chez lui pour m’enquérir de son état de santé suite à la tentative d’empoisonnement. En même temps, ç’a été une occasion de discuter. Tout comme nous avons discuté avec lui au cours de plusieurs rencontres informelles. La contribution de Norbert a été positive et forte ».

Salle du Liptako-Gourma, berceau du Collectif ?

Joint au téléphone, François Ouendlasida Ouédraogo du PPD/PS se souvient, lui aussi, de ces rencontres informelles : « Norbert Zongo venait dans mon bureau entre 1995 et 1997 et nous avons eu des séances de travail ». Selon certains, l’esquisse de ce qui s’appellera plus tard Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques serait l’œuvre véritable du journaliste.

Lors d’un forum tenu les 7, 8 et 9 janvier 1998 au siège du Liptako-Gourma, Norbert Zongo serait parvenu à réunir, le temps d’une conférence, représentants de la société civile et leaders politiques de l’opposition. « Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, des responsables de partis politiques et de la société civile se retrouvaient au grand jour et non plus dans la clandestinité pour parler des problèmes de la nation et envisager de travailler en synergie au relèvement de la gouvernance.

Il y avait, outre les politiques (Issa Tiendrebéogo, Philippe Ouédraogo, feu Benoît Lompo… et moi-même), Tollé Sagnon, Chériff Sy, Germain Nama et bien d’autres », se souvient Hermann Yaméogo, qui confie dans la foulée : « Après la rencontre, Norbert nous demanda de ne pas jeter le manche après la cognée et d’entrer en contact avec Tollé Sagnon et Halidou Ouédraogo pour matérialiser ce front ».

Chose faite selon le président de l’ADF d’alors, même si la mayonnaise a tardé à prendre du fait « de la crainte de la société civile d’être utilisée comme courte échelle pour l’accession au pouvoir ». Cette crainte, fondée ou non, transformera plus tard le Collectif, en tout cas pendant un bon moment après sa naissance officielle, en un panier à crabes, en un nid de vipères. Suspicions de récupération politique, « manque de solidarité » et querelles de leadership vont miner un tant soit peu ce qui était considéré comme une union sacrée.

Pour le président de l’UNIR/MS, Me Bénéwendé Sankara, les premiers couacs dans cet attelage société civile/G-14 sont partis des velléités de certains politiciens de profiter du drame de Sapouy pour réaliser le grand soir. « Au début, la mission du Collectif était éminemment noble. Elle consistait à amener les Burkinabé vers le combat que menait Norbert Zongo. Mais très vite, les contradictions sont nées.

Certains ont vu tout de suite dans cet enthousiasme populaire une occasion de récupérer la lutte en vue de se positionner politiquement et d’obtenir des dividendes par suite de la prise du pouvoir d’Etat à l’image du 3 janvier 1966 ». A propos du qualificatif de « seconde épouse » du président Blaise Compaoré, l’homme à la barbichette de Hô Chi Minh lâche, sourire en coin : « Hermann a joué ce rôle en acceptant d’entrer dans un gouvernement protocolaire.

Cela, il faut le reconnaître, a joué sur l’élan de notre combat ». La création de l’UNIR/MS en 2000, c’est-à-dire pendant la phase éruptive de la crise née de l’assassinat du journaliste, ne serait-elle pas, elle aussi, une forme de récupération politique de la lutte du Collectif ? « Que nenni ! tranche Me Sankara : Mon parti est né suite aux problèmes d’unité entre les sankaristes. L’accusation de récupération politique ne peut pas être retenue contre moi. Ce n’était pas de l’opportunisme, mais une opportunité pour créer mon parti ».

Et Halidou empêcha la marche insurrectionnelle sur la présidence

Autre point de dissension, l’ordre de priorité des luttes et le faible engagement, réel ou supposé, de la composante société civile concernant les revendications politiques. Des responsables du G-14 de l’époque ont fini par s’agacer de l’occultation des exigences politiques au profit de la seule lutte contre l’impunité.

« La démission immédiate de Blaise Compaoré, les élections générales anticipées, le sort fait aux partis d’opposition, l’alternance démocratique, … ont été, ou presque, mis de côté au profit des marches. On nous disait qu’il fallait d’abord finir avec l’impunité pour que les conditions soient réunies pour le reste des revendications. On nous disait que c’est parce qu’on est vivant qu’il y a la démocratie.

Ce qui revenait à inverser l’ordre des priorités de Norbert Zongo, qui, lui-même, soutenait que c’est dans la reconquête de la démocratie qu’on viendrait à bout de toutes déviances et notamment de l’impunité », déplore, à n’en pas finir, Hermann Yaméogo.

A la zone du Bois, où il réside, Issa Tiendrébéogo ne décolère toujours pas contre ce qu’il appelle l’ingratitude de la société civile envers le G-14. En effet, alors que l’aile politique du Collectif a décidé de participer aux législatives de 2002, la composante droits-de-l’hommisme a refusé de lui apporter le moindre soutien.

Trois ans plus tard, alors que l’opposition tablait sur l’illégalité de la candidature de Blaise Compaoré, Halidou Ouédraogo, président du Collectif, s’est mis à couper l’herbe sous les pieds de ses camarades, en concluant à la recevabilité de la candidature du chef de l’Etat sortant. « Ce sont de pareilles situations qui affaiblissent les organisations. Halidou a manqué à l’obligation de solidarité. On ne peut pas comprendre que des gens disent être ensemble et dans le même temps ils se permettent des divergences de cette taille ». Réaction, trois ans après, du responsable du GDP, la mine toujours aussi sévère.

Est-ce ce refus de la politisation de la lutte qui a poussé le « président du pays réel » à dissuader la foule de marcher sur la présidence après l’enterrement du journaliste, le 16 décembre, comme le disait Dame Rumeur ? Si Halidou Ouédraogo bat en brèche cette insinuation, puisqu’il était hors du territoire au moment des faits, il reconnaît par contre avoir, en 2002, empêché les manifestants de marcher sur la présidence : « Après la célébration au cimetière de Gounghin du quatrième anniversaire de l’assassinat de Norbert Zongo, la foule a décidé de marcher effectivement sur la présidence de la République.

J’étais là. Mais nous nous y sommes opposé. Nous l’avons interceptée [Ndlr : la foule] au niveau du marché de Gounghin pour lui dire d’arrêter, car d’abord, ce n’était pas notre itinéraire, ensuite ce n’était pas préparé et enfin ce n’était pas notre mission ».

Toutes ces divergences de visions du modus operandi du Collectif, des querelles de leadership au sujet de la coordination du mouvement les ont précédées. Si en lieu et place de la coprésidence, que préconisait le G-14, ce fut finalement le MBDHP qui a été porté, seul, à la tête de la lutte, les points de vue clivent sur le mode de désignation de cette organisation de défense des droits de l’homme comme porte-étendard de la structure.

Contre Me Hermann Yaméogo, qui dénonce une « direction arrêtée au pied levé », tous ceux que nous avons rencontrés font chorus : « Si aux premiers instants les débats ont achoppé sur le système de la coprésidence, finalement il y a eu consensus sur le choix du MBDHP pour assurer la direction du Collectif », insiste Tollé Sagnon, président de la centrale syndicale CGT/B. « Le choix du MBDHP, précise de son côté François Ouendlasida Ouédraogo du PDP/PS, s’explique par le souci de ne pas politiser le collectif ».

Alain Saint Robespierre &
Abdou Karim Sawadogo

L’Observateur Paalga

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