Actualités :: Affaire Norbert Zongo : Que sont devenus les « 6 suspects sérieux » (...)

Le célèbre dossier « d’assassinat contre X » plus connu sous le nom d’affaire Norbert Zongo, qui pendait depuis le 4 janvier 1999 entre les mains du juge d’instruction Wenceslas Ilboudo, a connu, comme on le sait, son épilogue ( ?), le 18 juillet 2006 par un non-lieu. 6 « suspects sérieux » avaient été désignés par la Commission d’enquête indépendante (CEI) dans cette affaire, qui a secoué la République. Ce sont les soldats Christophe Kombasséré et Ousséni Yaro, le caporal Wampasba Nacoulma, les sergents Banagoulo Yaro et Edmond Koama et l’adjudant Marcel Kafando, tous membres du Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Que sont-ils devenus ? Quelques éléments de réponse.

Le 7 mai 1999, comme un couperet, le rapport de la CEI sur « le boucange » le 13 décembre 1998 du journaliste Norbert Zongo et de ses trois compagnons, en rade de Sapouy, tombe : sans être une investigation de police judiciaire, même s’ils s’y apparentent, les faisceaux d’indices des travaux de la commission ont été brandits par le juge Kambou Kassoum et ses coéquipiers.

D’abord sur les mobiles du crime, selon ce rapport, il faut aller les chercher dans le journalisme d’investigation, dans lequel excellait Norbert Zongo. Notamment dans l’investigation relative à la « mort de David Ouédraogo (chauffeur du frère cadet du chef de l’Etat), survenue le 18 janvier 1998 à l’infirmerie de la présidence du Faso vraisemblablement des suites de tortures infligées par des éléments de la garde de sécurité présidentielle qui menaient une enquête sur une affaire de vol de numéraires commis au préjudice de l’épouse de François Compaoré ».

Pour ce qui est des auteurs de ce quadruple assassinat, la CEI avoue ne pas disposer de preuves tangibles, mais au regard des auditions de certaines personnes, et surtout des « incohérences et contradictions » concernant leurs emplois du temps du 13 décembre 1998, jour de la tragédie, évoque le cas de « suspects sérieux ».

En fait, la CEI, dans son esprit de discernement, a constaté des illogismes dans l’alibi béton des 6 suspects sérieux qui tenait en deux mots : « quartier consigné », qui signifie en langage militaire « être retenu à son poste » ; autrement dit, les suspects prétendent qu’ils n’ont pas bougé de leur lieu de travail ce jour-là, en raison de l’absence du chef de l’Etat, qui était en déplacement au Soudan. Voilà ce que disaient les uns et les autres devant cette CEI :
Le soldat Christophe Kombasséré affirme (PV n°99-065 du 17/3/99) que, le 13 décembre 1998, il n’est pas sorti du Conseil de l’Entente toute la journée. Son supérieur hiérarchique, le sergent-chef Moïse Sandwidi, affirme par contre qu’il a bénéficié d’une « perm » d’une heure (PV 99-120 du 3/4/99).

Le soldat Ousséni Yaro dit qu’il a bénéficié d’une permission de son chef, le sergent Zoéringré Yobo Jean, pour s’occuper de sa sœur malade (PV 99-062 du 16/3/99). Ce supérieur affirme que, le 13 décembre, son subalterne a été réquisitionné, mais manquait à l’appel et que, du reste, du 10 au 18 décembre 1998, Ousséni Yaro n’a pas sollicité de permission. Cependant, il dit ignorer s’il a rejoint son poste ou non (PV 99-174 du 29/4/99).

Le caporal Wampasba Nacoulma soutient qu’il était, lui, de garde au domicile du chef de l’Etat à Ouaga 2000, et n’y a bougé que le 14 décembre à 8 heures (PV 99-064 du 17/3/99). Thèse que ne soutient pas son chef, Moïse Sandwidi, qui affirme l’avoir vu au volant du véhicule « S une » de sécurité aux environs de 8 heures le 13 décembre (PV 99-083 du 24/3/99).

Les 13 et 14 décembre 1998, « j’étais avec mon collègue, le sergent Harouna Sankara » (PV 99-074 du 23/3/99), foi du sergent Banagoulo Yaro, qui, confronté à son prétendu binome, avouera après être resté seul, Harouna étant resté tout le temps à l’aéroport (PV 99-123 du 06/4/99).

Pour ce qui est du sergent Edmond Koama (décédé le 4 janvier 2001), lui, soutient aussi que, du 11 au 13 décembre, il n’a pas bougé de son poste, car consigné (PV 061 du 16/0/99). Cet argument est battu en brèche par son ami Christian Sompougdou (PV 99-037 du 27/2/99). Sans oublier que les numéros d’appels introuvables sur le portable de l’adjudant Marcel Kafando à qui le sergent Koama affirme avoir sollicité de l’argent pour soigner sa femme malade (PV 99-111 du 02/4/99).

Une affaire dans l’affaire

Enfin, l’adjudant Marcel Kafando soutient devant la CEI que le jour du crime, vers 11 heures, il a fait un tour à son domicile puis a rejoint son ami le sergent-chef Racine Yaméogo (PV 99-060 du 16/3/99). Ce que confirme d’ailleurs Racine Yaméogo, qui affirme qu’il a même passé un coup de fil à l’adjudant Marcel Kafando.

Malheureusement, une vérification du listing de l’ONATEL des numéros concernés montrent qu’il n’y a pas eu d’appel aux heures indiquées entre les deux hommes. Nous verrons d’ailleurs plus loin que cette relation Marcel Kafando - Jean Racine Yaméogo jouera beaucoup dans le dossier Norbert Zongo. Voilà pour le rappel des faits. Que sont-ils devenus, 10 ans après ce douloureux événement ?

Il faut d’abord signaler que certains des « 6 suspects sérieux », avaient déjà été jugés et condamnés le 17 août 2000 par un tribunal militaire dans l’affaire David Ouédraogo. Une affaire dans l’affaire donc. Ce sont l’adjudant Marcel Kafando (20 ans ferme), le sergent Edmond Koama (20 ans ferme) décédé 1 an plus tard, le soldat Ousséni Yaro (10 ans ferme), le soldat Christophe Kombasséré a été relaxé. Dans l’affaire Norbert Zongo, on retrouve donc 4 militaires qui avaient fait l’objet de jugement dans un premier dossier (David Ouédraogo), dossier que la CEI lie intimement au premier.

Mais justement, si dans le dossier David Ouédraogo des inculpés ont comparu, dans le cas du drame de Sapouy, des centaines de personnes ont été entendues, dont les suspects sérieux et même l’adjudant Marcel Kafando a été inculpé le 2 février 2001, puis disculpé, mais il n’y a jamais eu de jugement. De ce fait :
Le soldat Christophe Kombasséré relaxé dans l’affaire David Ouédraogo, mais reste « suspect sérieux » dans le dossier Norbert Zongo, donc jouit actuellement de sa liberté.

« 10 ans de prison ferme », tel fut le verdict le 17 août 2000 du tribunal militaire contre le soldat Ousséni Yaro dans l’affaire David Ouédraogo. Etant donné que le dossier Norbert Zongo n’a pas été jugé, le même Ousséni Yaro, « suspect sérieux » dans ce dossier, est supposé innocent. Renseignements pris, l’intéressé purge sa peine d’une décennie à la MACO. Il bénéficie de temps en temps de permissions de sortie pour certaines obligations sociales et réintègre la prison après.

Le caporal Wampasba Nacoulma : « suspect sérieux », est libre de ses mouvements, lui aussi, du fait que la justice ne s’est pas prononcé sur ce dossier « d’assassinat contre X ».
Même situation pour le sergent Banagoulo Yaro, qui a été désigné par la CEI comme un « suspect sérieux », mais qui circule, car l’affaire le concernant n’a pas connu de jugement.

Affaire éteinte pour le sergent Edmond Koama, qui est décédé, comme signalé plus haut, le 4 janvier 2001. L’intéressé avait été condamné à 20 ans de réclusion par le tribunal militaire présidé à l’époque (août 2000) par la juge Ramata Fofana, dans le dossier David Ouédraogo.

Chef Kafando « on voulait notre peau, c’est tout ! »

Mais déjà en ce temps, il était souffrant, si fait qu’il avait plusieurs fois séjourné à la clinique « Notre Dame de la Paix ». Durant le procès d’août 2000, lors des audiences, le tribunal lui permettait de s’asseoir pour répondre aux questions, car il ne tenait pas debout pour parler de façon triviale. Il faut signaler qu’à l’époque on a beaucoup supputé sur les origines de sa maladie et les causes les plus fantaisistes jusqu’aux plus réalistes ont circulé sur son compte. Mort, l’action publique s’achève ainsi en ce qui le concerne.
Le cas de l’adjudant Marcel Kafando judiciairement paraît plus intéressante.

Il a écopé, il y a 8 ans, de 20 ans de prison ferme dans l’affaire David Ouédraogo. Il paie donc à la MACO pour ce délit criminel. Même si, précision de taille, il semble qu’il ait bénéficié ou qu’il bénéficie d’un régime de faveur qui fait qu’il est assigné en résidence surveillée située au quartier Gounghin. Nous avons du reste cherché en vain à rencontrer l’intéressé. Jusqu’à ce que nous tombions sur une exclusivité de notre confrère L’Opinion, qui, dans son numéro 583/584 du 10 au 23 décembre 2008, fait parler Marcel Kafando. Un scoop donc.

Extraits : (sur sa santé) : « Comme vous le constatez vous-même, ça pourrait aller mieux. Mon état est très précaire ». A la question de savoir comment vit-il depuis 10 ans, le fait d’avoir été mis en cause dans l’autodafé de Sapouy, « chef Kafando » a répondu : « Les sentiments qui m’habitent sont difficiles à traduire...

J’ai beaucoup souffert et je souffre toujours au plus profond de moi-même. Je ne souhaiterai pas même à mon pire ennemi de vivre ce que j’ai vécu et que je continue de vivre. Se voir accuser d’un tel drame et bien pire et ne pas avoir en réalité la possibilité de se défendre loyalement... Donc je vis la situation dans la foi, convaincu que rien de ce qui arrive ne surprend notre Créateur... ».

De son inculpation et de la décision de non-lieu ? « Vous savez, avec la CEI, ç’a été très difficile. Pour la plupart de ses membres, nous étions coupables, un point, un trait. Il n’y a pas ce qu’ils n’ont pas fait pour nous enfoncer... Avec le juge d’instruction, même si l’ambiance était moins lourde, la pression était presque la même. Le sentiment qu’on voulait notre peau à tout prix était encore là. La preuve a été mon inculpation parce qu’un ami avec lequel j’étais le 13 décembre avait dit qu’il ne se rappellait pas si c’était le 13 ou le 14 décembre ! ».

A ceux qui continuent de l’accuser, Marcel Kafando assène : « Ils n’ont qu’à regarder ailleurs. Pas dans notre direction. Et nous n’allons pas nous accuser pour leur faire plaisir ». Comme nous l’avons souligné plus haut, l’inculpation et la disculpation de Marcel Kafando étaient essentiellement basées sur la déposition de Racine Yaméogo. D’abord avec la CEI, mais surtout devant le juge instructeur : Racine a fait sa première audition à charge en février 2000, mais son ami Kafando a été inculpé le 2 février 2001.

Une année est donc passée entre les deux événements. Puis vint la seconde confrontation entre les deux amis, où il y eut la déposition à décharge de l’ex-sergent de l’armée de l’air, nous sommes le 31 mai 2006. Et survint le non-lieu le 18 juillet 2006. Dans l’affaire Norbert Zongo donc, des 6 suspects sérieux, seul le cas de Marcel Kafando avait avancé, mais avec la mise en attente de nouveaux éléments pour la réouverture du dossier par le Parquet, les choses semblent en rester là.

Il faut d’ailleurs signaler qu’avoir des informations sur ces « suspects sérieux » n’était pas chose aisée. Leurs lieux de fréquentations où vous êtes censé les trouver ? On vous dira qu’un Yaro ou Nacoulma venaient boire ici, mais depuis belle lurette, il ne vient plus. Leurs domiciles ? Personne pour vous indiquer exactement. Ou au mieux, l’intéressé est aux abonnés absents. Bref, exceptés Ousséni Yaro, emprisonné pour un temps de 10 ans, et Marcel Kafando pour 20 ans (Koama étant décédé) pour l’affaire David Ouédraogo, les suspects sérieux du dossier Norbert Zongo, selon la justice, sont présumés innocents. Pour tout dire, ces « suspects sérieux » sont libres dans l’affaire Norbert Zongo.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga

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