Actualités :: Ranch de Norbert Zongo : Les oiseaux réclament justice

Il n’y a pas de vent défavorable pour qui ne sait là où il va, dit-on. Dans les années 80, les supérieurs hiérarchiques de Norbert Zongo, qui l’avaient affecté comme instituteur à Pô, ne s’imaginaient peut-être pas qu’une idée allait germer dans la tête de celui qui a été éloigné de la capitale : le projet de création d’un campement, qui a finalement vu le jour en 1994.

Dix ans après la disparition de son initiateur, une mission de presse a séjourné du 22 au 24 novembre 2008 dans ce ranch, dénommé « Safari de la Sissili ». Constat : le second amour du fondateur de l’Indépendant se porte comme un charme.

Le vieux Karim Nignan, la soixantaine bien sonnée, ne connaît pas son âge exact. Encore moins le nombre d’éléphants qu’il a eu à abattre durant sa première vie de chasseur braconnier. Quinze, vingt, trente ? Il ne se hasarde pas à en donner un chiffre exact.

Par contre, ce dont il se rappelle très bien, c’est cette périlleuse aventure qu’il a vécue avec un éléphant, qui dévastait les champs à Sia, un village du département de Bieha (Sissili). La réputation de chasseur de Karim ayant traversé les cours d’eau… pardon les frontières, le chef de Bieha l’avait mandaté d’abattre cette bête qui risquait d’installer la famine au sein de la paisible population. Il retrouva un jour donc l’animal dans les champs. Un premier coup de feu partit. Echec et mat. L’éléphant fonçait sur lui : un deuxième tir. Encore rien.

Au troisième coup de feu, l’animal, qui était déjà arrivé à son niveau, le saisit par la trompe et le fouetta contre le sol. Comme c’était son jour de petite chance, il ne l’écrabouilla pas. Après un bruyant barrissement, le géant pachyderme l’abandonna là et s’enfuit dans les profondeurs de la brousse. Le corps endolori, le braconnier se traîna jusqu’au village et raconta sa mésaventure au premier rencontré.

Après l’avoir écouté, ce dernier lui assura qu’à travers ses explications, il est sûr que l’animal a été sérieusement touché et qu’il devait même en être mort. Effectivement, en retournant sur ses pas, il retrouva l’éléphant étalé de tout son long, raide mort. Il avait une seule défense, qui pesait dans les 90 kg. Une preuve de son gigantisme.

Avant sa reconversion, Karim Nignan a tué toutes sortes d’animaux. Jusqu’au jour où un certain Norbert Zongo à croisé son chemin et l’a guéri miraculeusement de cette propension à détruire la réserve faunique. « Norbert était très malin. Il avait l’approche facile et savait prendre les gens. A chaque fois qu’il arrivait à Boala (le village le plus proche du ranch), il me rendait visite.

Finalement, entre nous, une amitié est née. Il m’a fait comprendre beaucoup de choses », se rappelle-t-il avec une pincée de nostalgie. Aujourd’hui, lui et les membres de sa famille (il a quatre épouses et vingt-cinq enfants) ne jurent que par le ranch « Safari de la Sissili ». Il a des rejetons qui y sont pisteurs et participent à la préservation des animaux sauvages.

Et en cette matinée du 22 novembre 2008, ils sont tous au campement, qui a fait peau neuve pour accueillir les premiers touristes qui y convergeront après le lancement officiel de la chasse le 2 décembre 2008. Le tableau de réservation pousse à l’optimisme. En ces lieux, la saison promet d’être bonne ; comme les années précédentes d’ailleurs.

Cela change des difficultés survenues après la mort du fondateur en 1998. Et le départ, en 2003, du gestionnaire expatrié, parti avec sa clientèle, semblait avoir sonné le glas de l’entreprise. Il fallait donc trimer pour survivre. L’actuel responsable, Guy Zongo, fils aîné du journaliste, s’en souvient :

« Lorsque j’ai pris la gérance du ranch en 2003, je n’avais pas l’âge requis pour devenir concessionnaire. Mais un fait m’encourageait à aller de l’avant : mon père tenait tellement à ce ranch et c’est d’ailleurs en allant là-bas qu’il a perdu la vie. Si je lâchais, c’était comme une seconde mort pour lui. Dieu merci, aujourd’hui, le bilan est très satisfaisant ».

Situé à environ 203 kilomètres de la capitale du Pays des hommes intègres, la Safari de la Sissili s’étend sur une superficie de 32 700 hectares. La rivière Sissili la traverse. Pendant une partie de chasse et de tourisme de vision, on y rencontre des éléphants, des buffles, des antilopes, des phacochères et une population diversifiée d’oiseaux.

Le campement a été créé en 1994, par suite d’une volonté politique de remettre les parcs aux nationaux. Avant, l’activité était majoritairement gérée par des expatriés, des Français notamment.

Pour parvenir à la nationalisation, un consortium dénommé « Royaume du trophée » a été créé par les futurs concessionnaires burkinabè, avec le soutien, il faut le préciser, de Salif Diallo, ministre de l’Environnement de l’époque. Pour avoir été affecté à Pô comme enseignant, le fondateur de l’hebdomadaire l’Indépendant, féru de nature, s’était rendu compte que la zone pouvait être propice au tourisme de vision et à la chasse.

Mais à cette période, il fallait être vraiment un visionnaire pour s’investir dans un domaine, la concession de chasse, bien nébuleux pour les opérateurs économiques burkinabé, qui ne voyaient souvent la rentabilité d’une entreprise que dans le court terme.

Peu de personnes y croyaient en effet ; à commencer même par la famille de Norbert Zongo, qui voyait d’un mauvais œil ce dernier débrancher le réfrigérateur familial pour l’amener « en brousse ». Son fils aîné raconte sa première virée en ces lieux :

« C’est en 1996 que je suis arrivé pour la première fois au campement. C’était pendant les congés de Noël. A l’époque, il n’y avait que quatre bungalow de construits [Ndlr : aujourd’hui, il y en 12 qui sont fonctionnels].

Papa nous parlait tellement de l’endroit qu’il avait développé en moi la curiosité du citadin de voir des animaux sauvages sitôt arrivé. Je suis revenu de ma première sortie un peu déçu. Aucune bête à l’horizon. Je m’en suis plaint auprès de lui. Sa réponse a été : « Tu n’as pas bien regardé ».

Et Guy n’était pas au bout de sa surprise. Comble de désappointement, le jeune homme, qui avait déjà fait ses bagages pour retourner avec son père dans la capitale, s’entendit dire : « Toi, tu vas rester. Il y a du travail ici. Tu vas aider à faire la retenue d’eau pour mieux attirer les animaux sauvages.

Si moi je ne suis pas là, c’est toi. Il faut que l’un de nous soit présent pour que le travail avance. Vous pourrez vivre des fruits de ce ranch après moi ». Adieu donc les fêtes de fin d’année. Aujourd’hui, l’actuel gérant du ranch se rend compte du bien-fondé de la vision paternelle :

assurer très tôt la relève. Maintenant, en cet espace, Guy Zongo se sent comme un poisson dans l’eau, même s’il est tout aussi à l’aise lorsque dans l’avion, il s’envole vers l’Europe à la recherche d’une clientèle, de plus en plus exigeante. Son patronyme lui a-t-il ouvert des portes ?

En d’autres termes, affirmer à la volée que « je suis le fils du journaliste Norbert Zongo » lui a-t-il facilité la tâche ? Que nenni, a répondu à la question celui qui affirme éviter autant que possible de mettre son patronyme en avant. Sauf quand il est acculé.

« Ce n’est pas la meilleure des stratégies. D’abord, ce n’est pas du tout commercial et ça peut t’ouvrir des portes comme ça peut te les refermer ; surtout que vous ne savez pas quelle sera la réaction de celui qui est en face de vous.

Par contre, si dans le fil de la discussion, on me pose la question, je ne peux tout de même pas me dénier ». D’ailleurs, le visiteur qui s’y rend remarquera que les touristes, des Occidentaux pour l’écrasante majorité, ne se posent pas ce genre de question.

Pourvu que les oiseaux chantent, que la nature soit belle et que les éléphants, buffles et phacochères soient dans les environs. Et l’accueillant ne tarit pas de remerciements pour ces visiteurs qui, une fois de retour dans leurs pays, l’ont beaucoup soutenu, notamment dans la prospection commerciale :

« Ce n’est pas tous les jours et sous tous les cieux d’Europe que l’on peut rencontrer une bonne volonté qui t’accueille, t’héberge et te trouve un chauffeur afin de te permettre d’aller à des rendez-vous d’affaires ».

Le ranch de Norbert Zongo est situé à environ deux kilomètres du village de Boala. L’existence du campement a quelque peu changé les habitudes de ses habitants, dont la seule occupation était la culture des lopins de terre, hérités des aïeuls.

La majorité des employés sont originaires de ce patelin d’environ 1 200 âmes. Sous son hangar, Issa Nacro, le chef du village, qui ne se gêne nullement dans ses habits rapiécés, ne cesse d’égrener la liste des réalisations et services rendus par la Safari de la Sissili. Mais l’acte dont il se remémore le plus est le logement du premier instituteur, construit grâce à Norbert Zongo.

Ensuite, viennent le forage, les aides pour la pesée du coton, les produits pharmaceutiques, les fournitures scolaires, etc. Sans compter les autres petits services rendus aux voisins immédiats par les gestionnaires du ranch et les touristes de passage, les ristournes sur les sorties de chasse et les trois-quarts réglementaires de quartier de viande sur tout animal abattu, qui revient au village.

La prochaine réalisation en faveur de ses voisins qui tient à cœur à Guy Zongo, c’est l’érection d’une maison des jeunes. Mai, en bons humains nostalgiques du passé, le dignitaire traditionnel et ses sujets semblent regretter l’époque du père. « Lui » [Norbert Zongo], disent-ils en chœur, savait mieux s’y prendre avec eux.

« Avec les enfants, il n’y a pas beaucoup de concertation ». Ceux qui sont ici peuvent en témoigner ; nous avons toujours été ouverts au dialogue. C’est vrai qu’on ne peut pas avoir la même approche que le papa. Je pense surtout que leurs récriminations sont plus dues au fait de leur inorganisation dans la gestion des avantages financiers qui leur proviennent du ranch qu’à autre chose », s’est expliqué le fils aîné de Norbert Zongo.

Certes, comme au pays de Candide, tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Cependant, une chose est sûre : la Safari Sissili a permis de situer le village de Boala sur une carte. Son nom est prononcé par des Occidentaux, avec un accent qui lui donne un charme particulier.

Grâce au ranch également, le vieux Karim a pu quitter une ancienne pratique, le braconnage, pour embrasser une activité plus noble : la protection des ressources fauniques. Mieux, il fait même dans la sensibilisation à destination des jeunes.

Celui qui ne faisait pas dans la dentelle dans l’abattage des bêtes de constater : « Ce n’est plus comme avant, où la brousse était giboyeuse. On ne peut s’enrichir avec le braconnage parce que le jour où l’on t’arrête, tout ce que tu auras économisé servira à payer l’infraction commise… sans compter les autres désagréments ».

Dix ans après la mort du fondateur et quatorze ans après l’ouverture du ranch, côté gestion, les oiseaux chantent donc l’optimisme, tout en réclamant à cor et à cri que la lumière soit faite sur la disparition de Norbert Zongo, cet amoureux de la verdure et de la faune sauvage.

Issa K. Barry


Dure dure, la vie d’un pisteur

Etre pisteur, ce n’est pas aussi simple qu’accompagner un ami dans l’épicerie du coin. Sa pratique requiert bien d’autres qualités, qui vont au-delà du respect des feux tricolores. Malgré les difficultés, c’est pourtant le violon d’Ingres de Samuel Ouédraogo et de Nouhoun Nignan, qui exercent cette activité à multiples facettes comme la protection des animaux contre les braconniers, qui ne veulent pas souvent se laisser conter, ou le fait d’éviter que les éleveurs d’animaux domestiques n’investissent une propriété.

Mais le rôle le plus connu du guide de chasse consiste à accompagner le touriste dans les profondeurs de la brousse, en l’orientant de telle sorte qu’il puisse voir du gibier. Cet exercice requiert naturellement des qualités physiques et psychiques évidentes. Samuel Ouédraogo :

« Il faut beaucoup d’endurance, de vigilance et d’intelligence pour interpréter les traces laissées par les bêtes. Elles permettent au bon pisteur de savoir si l’animal est loin, s’il est blessé ou pas, d’imaginer son poids et même son sexe. Le pisteur doit également avoir le sens des repères pour ne pas se perdre et perdre du même coup son client. Ce n’est pas évident quand il faut souvent parcourir une vingtaine de kilomètres ». Une autre qualité non négligeable consiste à savoir tirer quand cette solution s’avère nécessaire.

C’est cette aptitude qui, un jour de 2006, a sauvé un client du pisteur Nouhoun Nignan : ayant vu un troupeau de gazelles et d’éléphants, son touriste, après une stratégie d’approche, choisit sa cible, une gazelle, et ouvrit le feu. Les bêtes s’enfuirent et s’ensuivit une course-poursuite. Dans un fourré, le chasseur se retrouva nez à nez avec un éléphant.

Pris de panique, l’infortuné chasseur rebroussa chemin à vive allure et sans demander ses restes. Même réaction côté porteur. Dans sa course, folle, la tête du touriste cogna violemment une branche basse si fait qu’il tomba et s’évanouit. Le pachyderme, qui le poursuivait, s’apprêtait à le charger. Il fallut que le pisteur, qui avait un fusil de secours, tirât en l’air pour éloigner l’animal furieux.


Commune de Bieha

La Safari Sissili, un contribuable bien attendu

Avec la communalisation intégrale, Bieha a été érigé en commune rurale. Au siège de la mairie, ça sent la peinture fraîche, mais l’on a la conviction que le plus dur reste à faire : rendre le conseil municipal viable et engranger des ressources qui permettront le développement de la commune. Comme pour ajouter à la complexité, le personnel fait défaut : en effet, à l’image de la majorité des communes rurales naissantes, celle de Bieha ne dispose pas de secrétaire général, qui est la personne-ressource dans toute structure administrative qui se respecte.

« Avez-vous, pendant les présentations, senti la présence d’un SG ? L’Etat nous l’avait promis, et nous attendons », a signifié le 1er adjoint au maire aux visiteurs venus lui dire bonjour. Mais, malgré les difficultés, il y a de belles perspectives pour la tirelire communale, d’autant plus que, le hasard faisant bien les choses, la Safari de la Sissili se retrouve dans son ressort territorial.

Une bienheureuse situation pour le conseil municipal qui n’y voit que du bien. Pour subsister, la commune prélève déjà les taxes classiques, comme celles de l’Etat civil, pour la possession de fusil (2000 FCFA par an) ou de charrettes (2000 FCFA également). Néanmoins, les frais liés à la célébration des mariages sont rares, même si le premier adjoint au maire estime en avoir déjà célébré une bonne dizaine.

La plupart de ces unions sont organisées par les agents publics de l’Etat. Il y en a qui quittent le chef-lieu de la province (Léo) pour aller se marier à Bieha. Et à toutes les recettes viendra bientôt s’ajouter la contribution du ranch de Norbert Zongo. A écouter notre interlocuteur, c’est une simple question de temps. « Ce n’est qu’un début de partenariat, et il y a un travail à faire pour pouvoir évaluer les recettes et en arrêter la clé de répartition ».

L’Observateur Paalga

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