Actualités :: Hadj 2008 : Premier test d’une « privatisation encadrée »

Les premiers pèlerins burkinabè ont quitté Ouagadougou le 10 novembre 2008 pour Médine en Arabie Saoudite avec des vols affrétés par l’agence de voyage STMB Tours, seule autorisée pour le transport. Si les départs sont effectifs, des désagréments sont constatés çà et là. Des problèmes récurrents qui mettent à nu « le manque de professionnalisme et de rigueur » qui caractérise l’organisation du Hadj au Burkina Faso.

Au Burkina Faso, l’organisation du Hadj était assurée depuis 1998 par une Commission nationale d’organisation du pèlerinage à la Mecque (CNOPM), créée par décret le 2 février de la même année. Cette commission, qui était présidée par le ministre de l’Administration territoriale, comprenait certains ministères et des associations islamiques.

Par la suite, face au désir des associations islamiques de conduire le Hadj, le gouvernement burkinabè a accepté de leur confier l’organisation. En application de ce nouveau décret pris, la Fédération des associations islamiques du Burkina Faso (FAIB), dirigée par El hadj Oumarou Kanazoé, a été autorisée par arrêté du 22 novembre 2006, à organiser le pèlerinage 2006.

Edition 2007, une organisation chaotique

L’on pensait que cette première expérience qui a connu des difficultés servirait de leçons pour améliorer l’édition 2007 dont l’organisation a été assurée de nouveau par la FAIB qui a mis en place une Commission technique nationale (CTN). Cette structure a lancé un appel d’offres à des compagnies pour le transport des pèlerins. Sur deux postulants, c’est STMB Tours qui a été retenue.

Mais l’Agence de voyage a eu d’énormes difficultés pour réussir sa mission : non-respect des dates des vols pour manque de créneaux horaires non accordés par les autorités aéronautiques saoudiennes consécutif à l’absence d’une caution bancaire ; désignation du transporteur notifiée juste 15 jours avant le début des départs ; Compagnie de transport des pèlerins burkinabè, Kallat El Saker, interdite de vol pèlerinage pour avoir atterri à Jeddah au lieu de Médine sans autorisation et sans respecter des exigences techniques.

Au regard de tous ces griefs, Kallat El Saker n’était plus autorisée à effectuer les vols retour des Burkinabè. Finalement, c’est la compagnie aérienne « Privilège » qui a ramené au bercail les pèlerins du 10 au 21 janvier 2008 par un seul avion (Tristal L1011 de 310 places). Et même là encore, le dernier vol a accusé du retard pour panne technique.

Face à cette organisation chaotique, le gouvernement ayant tiré des leçons, a décidé cette année de privatiser l’organisation. Une privatisation encadrée, selon le ministre Clément Sawadogo, qui a affirmé que l’Etat ne se désengage pas pour autant.

Pour cela, un appel à candidatures a été lancé aux agences de voyages et finalement sept d’entre elles ont réussi leur examen de passage. Pour avoir l’agrément, une échéance a été fixée pour présenter les résultats de leurs travaux préparatoires, qui, dans l’ensemble, ont été jugés acceptables. Mais, quant à l’épineuse question du transport, la confrontation des différents contrats avec les avionneurs ainsi que les démarches respectives en la matière ont obligé le gouvernement à ne retenir, lors du Conseil des ministres du 15 octobre dernier, que STMB Tours.

Cette agence est donc la seule autorisée au transport des pèlerins à la Mecque. Celle-ci a signé un contrat avec une compagnie érythréenne du nom de Nas-Air, qui effectue des vols réguliers sur l’Arabie Saoudite.

Lors d’une conférence de presse tenue le 2 octobre 2008, le directeur général de STMB Tours, Mahamadi Bangrin Ouédraogo, a donné des informations sur les préparatifs en soulignant que sa structure est prête pour relever le défi. Il a, à la même occasion, communiqué les dates des départs prévus pour se dérouler du 10 au 15 novembre 2008. Promesse tenue puisque le premier vol a effectivement quitté Ouagadougou au petit matin du 10 novembre 2008.

Le lendemain, en fin d’après-midi, une équipe de l’Observateur paalga était sur le lieu du départ, situé dans la zone aéroportuaire, du côté fret. Un dispositif sécuritaire composé de gendarmes et de policiers a été mis en place. L’entrée est filtrée.

Seuls les accompagnateurs dont la présence est nécessaire sont autorisés à franchir la barrière pour rejoindre l’un des grands magasins de la Société burkinabè des fruits et légumes (SOBFEL) aménagé, où le traitement des pèlerins s’effectue. Devant le bâtiment, El hadj Issa Zongo tient le crachoir et distille à travers de grands baffles installés des messages de sensibilisation au pèlerinage à la Mecque.
« Un manque de professionnalisme »

Si certains parents ou accompagnateurs se réjouissent parce que leurs voyageurs lointains ont pu remplir toutes les formalités du voyage, d’autres sont mécontents et critiquent « l’organisation peu professionnelle » de STMB Tours : absence de communication sur les jours et heures de voyage, documents des pèlerins indisponibles (badges et passeports), longue attente, démarcheurs livrant de fausses informations, etc. Allassane Ouédraogo est délégué médical.

Il soutient que c’est à la veille du départ de sa maman qu’il a reçu l’information, obligeant ses parents et connaissances qui sont dans d’autres villes à effectuer des voyages imprévus sur Ouagadougou pour dire au revoir à leur tante ou mère. C’est le cas également de Sory Sanogo, opérateur économique à Bobo-Dioulasso, qui est venu précipitamment dans la capitale pour accompagner sa sœur.

Oumarou Kiéma, président de la Fédération nationale des taximen, tout en saluant l’amélioration constatée cette année dans l’organisation, déplore le désordre qu’il y a lors du retrait des différents papiers et certains imprévus concernant les frais de transport.
Le mémoire en défense de STMB Tours

Face à ces critiques, nous avons tenté d’entrer en contact avec un responsable de STMB Tours afin qu’il donne des explications sur les problèmes soulevés. Manque de temps au regard de la lourdeur de l’organisation ou volonté de ne pas communiquer avec la presse ? Toujours est-il que nous avons fait des pieds et des mains pour que STMB Tours s’exprime.

Cela nous a même valu des propos peu amènes du genre « Allez écrire ce que vous voulez, on s’en fout ». D’ailleurs, le même aurait dénoncé « le manque de professionnalisme des journalistes qui ne vont jamais à la source de l’information ». Mais l’intéressé a eu l’humilité de nous rappeler le lendemain pour s’excuser de ses propos liés à la forte pression des préparatifs du Hadj.

Finalement, nous avons pu échanger, par téléphone, avec El hadj Nourredine Sanfo, responsable Hadj de STMB Tours qui était disposé à nous donner toutes les informations. Il a indiqué qu’à la date du mercredi 12 novembre, 1437 pèlerins ont été enregistrés et les heures des vols diffusées dans les journaux et sur les ondes sont toujours de vigueur.

Des informations font état d’un contentieux de 30 millions de FCFA entre STMB Tours et l’ASECNA. Il n’en est rien, selon El hadj Sanfo : « D’abord, le montant n’est pas exact. Ensuite c’est plutôt « Privilège », la compagnie aérienne qui a assuré, en 2007, le retour des pèlerins burkinabè, qui a laissé une ardoise à l’ASECNA. Mais le différend a été réglé ».

Pour le responsable du pèlerinage de STMB Tours, l’organisation du Hadj au Burkina Faso est artisanale. « 80% des pèlerins ne savent ni lire ni écrire et viennent de la campagne. Quel que soit le dispositif mis en place, il y aura toujours des problèmes ». Et de souligner par exemple que certains ne répondent pas à l’appel de leur nom pour embarquer.

« Lorsqu’ils sont remplacés, ils se présentent par la suite ». Quant aux longues heures d’attente, c’est « pour minimiser les problèmes que nous convoquons les gens 6 heures avant le départ. Nous sommes critiqués pour cette longue attente alors que c’est dans le souci de bien faire.

Si vous dites aux pèlerins d’être à l’aéroport à 18 h, ils viennent, pour la plupart avec 2 h de retard. C’est pourquoi nous préférons fixer la convocation deux heures à l’avance. Nous gérons un grand monde. Il est donc difficile qu’il n’y ait pas de faille ». Qu’en est-il des frais de transport qui ont subi une hausse selon certaines personnes ?

Nourredine Sanfo rejette cette assertion en précisant que le million de FCFA demandé au pèlerin au départ était une caution. « Nous avions précisé au début qu’il y avait des paramètres que nous ne maîtrisons pas. Et c’est en fonction de cela que le coût définitif du billet devait être fixé.

Avec le coût du baril qui connaît des fluctuations, il fallait attendre que l’avionneur fixe ses tarifs avant de décider. Finalement, en fonction des réalités, le billet est revenu à 2 millions 90 000 FCFA et couvre le voyage, la restauration, l’assistance médicale et le transport urbain et interurbain une fois en Arabie Saoudite ».

ll faut reconnaître avec El hadj Sanfo que l’organisation est lourde. Toutefois, les problèmes posés ne sont pas une mer à boire. « C’est inadmissible qu’à l’heure des technologies de l’information, on tâtonne pour informer efficacement », s’indignent Allassane Ouédraogo et Sory Sanogo qui suggèrent à STMB Tours la création d’un site web qui sera constamment actualisé pour permettre aux gens d’être situés sur le retrait des documents, les jours et les heures de vols, le séjour en Arabie Saoudite et les dates de retour.

Se prononçant sur ces difficultés récurrentes, certains, en se référant au pèlerinage chrétien, ont conclu que le problème est simplement musulman. « Nous les musulmans au Burkina, nous ne pouvons rien réussir dans une organisation » soutient un croyant qui a requis l’anonymat.

Adama Ouédraogo Damiss


Désordre organisationnel : Témoignage d’une victime

Pierre Sawadogo, chrétien-catholique, est chef de bureau exploitation-télécom à l’ASECNA, à Ouagadougou. Cette année, il a décidé d’envoyer sa femme, musulmane pratiquante, à la Mecque en l’inscrivant pour le 1er vol.

Le jour du voyage, la grande famille se mobilise à l’aéroport. Madame, qui a le n°159, a pu embarquer à bord de l’avion. Tout le monde retourne à la maison, tout heureux. Mais grande fut la déception de M. Sawadogo lorsque, une trentaine de minutes plus tard, sa femme lui annonce, par téléphone, qu’elle a été débarquée. Furieux, il va à STMB Tours pour s’informer. L’accueil ne sera pas chaleureux.

« Au lieu de reconnaître son tort, et me présenter des excuses, l’agence m’a donné des explications farfelues. Je suis cadre de l’ASECNA et je sais comment les choses se passent. C’est pour moi une humiliation, car ce sont surtout les clandestins et les personnes recherchées par la police qu’on débarque de cette façon ».

Son épouse a pu finalement effectuer le voyage, mais il dit regretter d’avoir payé le billet. « Rien ne peut me soulager face à cette situation. Je connais ma femme. Elle est à la Mecque en ce moment mais elle est moralement touchée. Toute la famille aussi ».

Joint au téléphone, El hadj Nourredine Sanfo nous a expliqué que les inscriptions sont faites manuellement. « Il y a eu des numéros doubles et c’est par le fait du hasard que la femme de M. Sawadogo s’est retrouvée dans le lot des personnes, au nombre de quatre, qui ont été débarquées parce que leurs places, les dernières, étaient déjà occupées par des pèlerins qui ont les mêmes immatriculations et qui ont embarqué avant elles ».

A.O.D.

L’Observateur Paalga

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