Actualités :: Emile Ouédraogo, ministre de la Sécurité : “La consommation de drogue est forte (...)
Le ministre de la Sécurité, Emile Ouédraogo

Le ministre de la Sécurité, Emile Ouédraogo a conduit la délégation burkinabè à la Conférence ministérielle de Praia au Cap-Vert, du 27 au 29 octobre 2008, sur le trafic illicite de drogue dans l’espace CEDEAO. Il revient dans cet entretien sur les recommandations de ladite rencontre, la place des stupéfiants au Burkina Faso et dans la sous-région ouest-africaine et les mesures pour combattre le fléau.

Sidwaya (S.) : Quelle est l’état des lieux des drogues au Burkina Faso ?

Emile Ouédraogo (E.O.) : Le Burkina Faso étant situé au cœur de l’Afrique occidentale partage des frontières communes avec six Etats limitrophes (NDLR : Mali, Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Bénin et Niger). Cette situation géographique lui confère une position de pays de transit. Le Burkina Faso subit les effets de ce fléau par les côtes ivoiriennes, ghanéennes, togolaises, béninoises. Le pays est traversé du Nord au Sud par les trafiquants. Il y a aussi sur place de petites productions, essentiellement le cannabis.

S. : Ces dernières années, l’on assiste à l’entrée de drogue dure comme la cocaïne, l’héroïne. Y a-t-il des mesures pour endiguer le phénomène ?

E.O. : L’héroïne et la cocaïne ne sont pas consommées au Burkina Faso. C’est le cannabis qui est couramment consommé. Aussi, il y a quelques drogues naturelles, utilisées dans la préparation du dolo, une plante que l’on appelle le “datura”. Il y a aussi et surtout les psychotropes que l’on trouve généralement dans les médicaments de la rue.

L’héroïne et la cocaïne ont fait leur entrée récemment. Jusqu’à l’heure actuelle, elles ne sont pas vraiment consommées sur place. Seule une petite classe sociale la consomme. Nos statistiques donnent en 2006, 12 kg d’héroïne saisie et en 2007, 50 kg de cocaïne. Pour le premier semestre de 2008, il y a eu une baisse avec 7 kg d’héroïne saisie.

S. : Avez-vous une idée des consommateurs de drogue au Burkina Faso ?

E.O. : C’est très complexe. Ce qui est déplorable au Burkina Faso actuellement, c’est qu’il y a une forte consommation dans le milieu scolaire. C’est vrai que ce ne sont pas des drogues dures mais le phénomène reste préoccupant. C’est essentiellement le cannabis. Le reste des consommateurs est vraiment une petite classe sociale.

S. : Quels sont les moyens dont disposent votre département et comment vous vous y prenez pour lutter contre le fléau ?

E.O. : Le ministère de la Sécurité a mis en place un secrétariat permanent de lutte contre la drogue. Seulement, il ne dispose pas de moyens techniques, par exemple au sein des aéroports internationaux, pour saisir la drogue. Il faut absolument remédier à cela.
En plus du manque de moyens techniques, il y a l’absence de formation des agents chargés de saisir, réprimander la circulation illicite des stupéfiants. Avec des partenaires, mon département travaille à avoir une formation au profit des agents et à disposer aussi des chiens renifleurs pour détecter les drogues.

S. : Vous avez pris part à Praia au Cap-Vert à une réunion ministérielle sur le trafic de drogue. Quels enseignements tirez-vous de cette rencontre ?

E.O. : La conférence ministérielle de Praia fait suite à un appel des chefs d’Etats de la CEDEAO. Cet appel a invité à réfléchir sur l’ampleur et le danger du fléau de la drogue dans la sous-région. La rencontre ministérielle a regroupé les experts et les ministres de la CEDEAO.
Le Burkina Faso a présidé la conférence. Elle a abouti à des conclusions intéressantes. La première porte sur un avant-projet d’une déclaration politique sur la prévention, l’abus de drogue, le trafic illicite de drogue et le crime organisé en Afrique de l’Ouest.

Cet avant-projet sera soumis aux chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO à leur prochaine rencontre en décembre 2008 à Abuja au Nigeria. J’ai été mandaté par mes pairs pour présenter cet avant-projet.
Le deuxième avant-projet consiste en un plan d’action régional en cinq thèmes. Comment mettre en place des mécanismes pour lutter efficacement contre le fléau de la drogue ? Les discussions se sont un peu achoppées sur la mise en place d’une structure de la CEDEAO pour coordonner ces activités de lutte. La conférence s’est évertuée à faire comprendre aux uns et aux autres qu’il faut que cette structure soit très autonome, pour pouvoir travailler en toute indépendance.
Ensuite, les débats se sont focalisés sur l’harmonisation des législations en matière de lutte contre la drogue. Parce que d’un pays à l’autre, les lois diffèrent. Ce qui rend difficile la mise en œuvre d’un mécanisme commun de lutte dans notre espace communautaire.

S. : Quels sont les cinq thèmes du plan d’action régional ?

E.O. : Le premier thème concerne la mobilisation du leadership politique de la CEDEAO et l’affectation d’une part adéquate de structures nationales des Etats membres de la CEDEAO à la prévention et la lutte contre le trafic illicite de la drogue, le crime organisé et l’abus de drogue.
Après la déclaration politique, il faut l’implication des Etats. Car c’est trop facile d’attendre des partenaires chaque fois. Il faut que les Etats se forgent eux-mêmes une organisation propre, avec les moyens conséquents.

La deuxième préoccupation est relative au renforcement des capacités des services de répression, de coopération nationale et régionale contre la forte croissance du trafic illicite de drogue et du crime organisé. Il y a trop de débats autour de ce thème pour la simple raison que les services de répression comme l’armée ou la police sont les plus corrompus dans certains pays.

Le troisième thème a été le renforcement du cadre légal pour une justice efficace.
Le quatrième thème a consisté à répondre aux défis lancés par l’abus croissant de drogues et les conséquences sur la santé publique. A ce niveau, il y a un point important qui est ressorti. C’est essentiellement le commerce des psychotropes, couramment appelés médicaments de la rue. En ce qui concerne le Burkina Faso, c’est un problème de santé publique. Il y a un expert qui a fait comprendre que des études menées sont en train de confirmé que la résistance au paludisme dans la sous-région est due à la consommation des médicaments de la rue. Enfin, le dernier thème a été la mise en place de collecte de donnés fiables pour une évaluation continue de l’ampleur du problème de trafic et de l’abus de la drogue.

S. : La conférence Praia a aussi enregistré la présence de l’Organisation des nations unies et d’autres institutions internationales. Comment se fera la coopération Nord-Sud ?

E.O. : A cause de ses côtes et frontières poreuses, de la faiblesse de ses moyens de lutte, l’Afrique de l’Ouest est transformée en zone de prédilection pour les narco-trafiquants.
Notre sous-région constitue un point de transit entre l’Amérique qui produit la drogue et l’Europe une destination de consommation.
Aussi, la conférence de Praia a enregistré des représentants de l’Amérique du Sud et d’Europe, pour qu’ensemble, des voies et moyens soient envisagés pour briser ce triangle.
Les participants ont pris l’engagement ferme de soutenir la mise en œuvre des recommandations. Américains et Européens se sentent concernés par cette lutte sous régionale.

S. : Face à la montée du phénomène de la drogue, quel message le ministre de la Sécurité lance-t-il à l’endroit des citoyens et des forces de sécurité ?

E.O. : Il faut que chacun comprenne que l’abus de drogue est un problème général. Il ne faudrait pas seulement voir celui qui consomme, mais l’impact de son acte sur la société. Pour cela, il faut conjuguer tous les efforts pour mettre en place des moyens évidents de lutte contre le fléau au sein de la jeunesse, surtout scolarisé et des jeunes en chômage.

La contribution de bonnes volontés est nécessaire pour pouvoir récupérer ces personnes-là. Le problème aujourd’hui consiste à la réinsertion des vendeurs de médicaments de la rue. Cela passe par la sensibilisation. Il est possible d’endiguer le phénomène de la drogue avec la volonté de tous.
Les forces de sécurité doivent redoubler de vigilance et continuer à mettre l’accent sur la répression et aussi sur la sensibilisation. Avec le secrétariat permanent de lutte contre la drogue qui est un outil du ministère et de la société civile, le Burkina Faso élaborera une stratégie en 2009, pour atténuer davantage les effets de la drogue sur les populations.

S. : N’y a-t-il pas un paradoxe au Burkina Faso entre ce que vous prévoyez et le fait que les vendeurs des médicaments de la rue sillonnent les artères au nez et à la barbe des forces de sécurité ?

E.O. : C’est juste. Les premières stratégies mises en place pour lutter contre les médicaments de la rue ont connu leurs limites. Parce qu’elles ne peuvent pas se défaire des réalités socioéconomiques du pays. La pauvreté et le chômage sont là. Et des jeunes font ce commerce pour gagner leur pain. C’est une donne à prendre en compte dans la lutte. Aussi, dans la nouvelle stratégie, il est question de pouvoir les reconvertir dans d’autres occupations. Si ce projet aboutissait, les gens prendraient conscience.

La seule solution est leur reconversion car le ministère de la Sécurité n’a pas assez d’agents à mettre à chaque coin de la rue pour appréhender les vendeurs. Le gouvernement est conscient, car c’est un problème global de chômage.

Il s’attelle à trouver les solutions.
Il y a un lien évident causal entre la criminalité, le grand banditisme et la consommation de la drogue. C’est sous l’effet des drogues que certaines personnes accomplissent des besognes ignobles. Lutter contre ce fléau c’est lutter contre le grand banditisme.
Le ministère de la Sécurité encourage les citoyens à appeler au 1010 pour dénoncer tout fait suspect. L’appel est gratuit et se fait sous le couvert de l’anonymat. Quel que soit le lieu d’habitation sur le territoire, tout citoyen peut appeler le 1010 et des agents de sécurité interviendront pour démanteler les réseaux. Le numéro est valable aussi bien pour la lutte contre le grand banditisme que pour la lutte contre la drogue.

Interview réalisée par Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr) et Jonathan YAMEOGO

Sidwaya

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