Actualités :: Evacuations sanitaires : Jusqu’à quand l’Etat pourra-t-il se saigner (...)

« L’Etat burkinabè dépense, annuellement depuis 2002, environ 900 millions de francs CFA pour l’évacuation d’une cinquantaine de malades en moyenne. » Ce constat amer dressé, en septembre 2007, par le Conseil national de santé, a de quoi faire frémir dans l’ambiance générale de vie chère. Jusqu’à quand l’Etat continuera-t-il à se saigner pour si peu ? La santé n’a pas de prix, dit-on. Mais n’y a-t-il pas lieu de gérer les choses autrement pour que les investissements soient à la hauteur des immenses besoins quantitatifs et qualitatifs burkinabè ?

Alors que des consultations tous azimuts sont entreprises pour atténuer les effets pervers de la cherté de la vie, force est de reconnaître que les problèmes sanitaires ne s’invitent pas aussi facilement au grand déballage. Non pas que le sujet ne nécessite pas de débat, mais parce que ceux qui en maîtrisent les tenants et les aboutissants ne sont pas toujours disposés à en parler. Le ministère de la Santé a eu le mérite d’insérer la question dans l’ordre du jour du Conseil national de santé tenu le 18 septembre 2007 sous la présidence de YodAfro - devenu « chauve » -, le désormais seul sinistre d’Etat. Mais une chose est de mettre le doigt sur l’abcès, une autre est de le crever.

Exclusivité avec la maison Nazounki

Si le Conseil a admis la nécessité de « réduire les coûts des évacuations sanitaires tout en préservant la qualité des soins », il n’a pas moins maintenu le statu quo. Le 12 février 2007, le ministère de la Santé a signé un protocole d’accord avec la maison Nazounki pour l’évacuation des patients du Burkina en France. Il s’agissait, en fait, de la formalisation d’une collaboration qui dure depuis 2001. Avant cela, il y avait eu l’expérience peu concluante du service social de l’ambassade du Burkina à Paris. D’où le besoin de changer le fusil d’épaule. Aussi, en recevant un cachet officiel, ce prestataire privé était oint d’une sorte d’exclusivité pour servir d’intermédiaire de l’Etat burkinabè dans l’orientation, le placement et le suivi social des patients évacués dans des structures médicales appropriées en France. C’est du moins ce que stipule le protocole d’accord.

Mais entre les textes et la réalité, les choses ne semblent pas avoir été toujours roses. Curieusement, ils ne sont pas nombreux, les « évacués sanitaires », qui acceptent de conter leur mésaventure à Paris. « Si tu parles mal, la prochaine fois, tu risques de ne plus bénéficier d’évacuation », confie un d’entre eux qui demande l’anonymat. Un autre, avec qui nous avons pris rendez-vous pour tenter de comprendre les conditions dans lesquelles il avait été évacué, a préféré nous faire faux-bond à la dernière minute, sans autre forme d’explication. Pas besoin de chercher midi à quatorze heures pour comprendre que, dans cette affaire d’évacuations sanitaires, chacun préfère préserver sa tête. Et lorsque personne ne veut parler, c’est que ça sent le roussi.

De sources plus prolixes, la gestion des dossiers d’évacuations n’est pas aussi transparente qu’on peut l’imaginer. Au-delà de l’aspect confidentiel du « devis estimatif » établi par les soins de la maison Nazounki, certains services facturés à la base ne seraient pas toujours exécutés comme promis. A certains, on aurait fait miroiter une 4X4 et ils se seraient retrouvés à la livraison avec une 2 chevaux. Plus la confection d’un dossier tarde, plus les enchères montent et on se retrouverait en fin de compte avec une note très salée, mais en deçà des prestations réelles.

La natte des autres

Comme on peut le voir, le dossier des évacuations sanitaires semble charrier beaucoup de non-dits et de zones d’ombre qui méritent d’être éclaircis. En plus de la charge financière qu’il représente pour le budget de l’Etat, tout porte à croire que l’exclusivité accordée à la maison Nazounki n’est pas non plus faite pour « réduire efficacement les coûts ». A partir du moment où ce prestataire se trouve à être à la fois l’intermédiaire et le seul à proposer des prix, il est évident que les patients n’ont pas d’autre choix que de se plier à ses seules conditions. Pourquoi le ministère de la Santé ne prendrait-il pas la précaution de demander des prix à d’autres structures hospitalières en vue de rechercher des coûts moins élevés ?

Selon des indiscrétions, la prise en charge du travailleur d’une société de télécommunications aurait été facturée à 36 000 euros, alors que les mêmes prestations auraient été évaluées à 12 000 euros par un autre circuit. Au nom de l’exclusivité sans condition qui a été corroborée en février 2007, il est pratiquement impossible d’explorer d’autres horizons. Et puis, pourquoi faut-il nécessairement envoyer un seul malade aller « dormir » pendant 45 jours en France pour une intervention chirurgicale alors qu’on peut bien faire venir un médecin au Burkina pour s’occuper de plusieurs patients souffrant de la même pathologie ?

Briser le cercle vicieux

On voudrait croire à l’engagement de la maison Nazounki de « créer autour du malade évacué un environnement chaleureux qui éloigne le stress et la peur de l’inconnu ». Mais y a-t-il une situation plus angoissante pour une vieille mère évacuée de sa province du Boulkiemdé que d’être obligée d’aller voir son médecin au 5e étage d’un immeuble parisien à bord d’un ascenseur ? Le comble, c’est lorsqu’elle se retrouve dans un environnement complètement étranger à ses habitudes, contrainte de se nourrir à la pomme vapeur et à l’épinard.

En tout état de cause, la problématique des évacuations sanitaires installe inexorablement l’Etat et les patients burkinabè sur « la natte des autres ». Les contraintes budgétaires aggravées en ce moment par la vie chère devraient amener à rechercher des solutions domestiques telles l’équipement des plateaux techniques des différents centres de santé nationaux de référence, mais également à développer des partenariats stratégiques avec les structures médicales privées de la place. Pour avoir suivi les mêmes formations que leurs collègues français et marocains, les médecins burkinabè, et Dieu sait qu’ils sont légion, ont les compétences nécessaires pour réaliser des interventions qui continuent de faire courir à Paris. Mieux, des cliniques privées offriraient les mêmes prestations. Mais hélas, ici au Faso, on va chercher très loin des solutions qui sont parfois à portée de main. C’est peut-être cela aussi un autre pan de notre pauvreté. Mais elle ne saurait devenir une fatalité.

Le sinistre d’Etat, Alain Yod’Afro, gagnerait à briser le cercle vicieux. Pour avoir eu le mérite de mettre le Conseil de santé devant la responsabilité de « réduire les coûts des évacuations sanitaires tout en préservant la qualité des soins », il avait eu le flair de devancer les débats qui enfièvrent actuellement la vie chère. Il ne lui reste plus qu’à aller au bout de sa logique.

A. Houédraogo

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