Actualités :: Burkina/Recherche scientifique : « On travaille sur le vaccin de 3e (...)

Ses recherches sur le vaccin contre le paludisme lui ont valu une renommée internationale. En plus du vaccin contre le paludisme, l’Unité de recherche clinique de Nanoro qu’il dirige mène des recherches sur diverses autres thématiques. Dans cette interview qu’il nous a accordé, Pr Halidou Tinto, directeur de recherche en parasitologie, directeur régional de l’Institut de recherche en sciences de la santé du Centre-ouest et chef de l’Unité de recherche clinique de Nanoro revient sur le travail de recherche qui a abouti à l’homologation du vaccin contre le paludisme, sur les différentes recherches menées à Nanoro et annonce également travailler sur un vaccin de 3e génération contre le paludisme, mais aussi les difficultés rencontrées par l’unité. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Quelles sont les principales recherches qui se mènent actuellement à l’unité de recherche clinique de Nanoro ?

Pr Halidou Tinto : L’unité de recherche clinique de Nanoro est une unité spécialisée de l’Institut de recherche en sciences de la santé qui a pour mission de mettre en œuvre des essais cliniques sur les outils qui participent aux soins des populations. Ces outils, peuvent être des tests de diagnostic pour poser des diagnostics et dire quelle est l’origine de votre problème de santé. Il peut s’agir également de médicaments pour vous soigner, mais également de vaccins pour prévenir et faire en sorte que la maladie ne vous attrape pas. Cette unité est donc spécialisée dans la mise en œuvre d’études pour dire si ces outils peuvent être utilisés en toute sécurité et s’ils sont efficaces.

Ce qui fait que nos interventions couvrent toutes les catégories de la population et nous couvrons beaucoup de maladies également. On nous connaît surtout pour nos recherches sur le paludisme, mais nous intervenons également sur les maladies cardio-métaboliques comme l’hypertension artérielle, le diabète, nous intervenons dans le domaine de la nutrition, des infections bactériennes, etc. Nous intervenons aussi bien chez les enfants, les femmes enceintes que chez les adultes. C’est vraiment une unité à interventions transversales couvrant tous les domaines de la santé humaine.

Votre recherche phare, vous l’avez dit a concerné le paludisme. Pouvez-vous revenir sur le processus qui a abouti à l’homologation du vaccin ?

Il faut dire qu’il y a quelques fois une confusion au niveau des populations. Aujourd’hui il y a deux vaccins qui sont recommandés par l’OMS et qui sont homologués pour être utilisés dans le monde. Il s’agit du vaccin RTS’S dont le lancement a eu lieu au Burkina le 5 février 2024 à Koudougou et le deuxième vaccin qui est R21/Matrix M qui est celui sur lequel nous avons travaillé plus récemment.

Il faut dire que notre unité a eu le privilège de collaborer avec les fabricants de ces deux vaccins. Le premier vaccin qui est RTS’S a été mis au point par la firme pharmaceutique GSK basée en Belgique. C’est un vaccin qui a fait l’objet d’un essai clinique de phase 3, c’est-à-dire la dernière étape dans le processus de développement de ce vaccin pour que ce vaccin soit recommandé pour un usage à grande échelle.

Cette phase 3 s’est déroulée dans sept pays dont le Burkina avec l’Unité de recherche clinique de Nanoro. Cette phase 3 s’est déroulée de 2009 à 2014. Cinq ans pendant lesquels nous avons démontré que ce vaccin pouvait prévenir la survenue du paludisme à plus de 30% sur quatre ans, précisément 36%. Après la publication de ces résultats qui était une première dans l’histoire de l’humanité, parce qu’il faut dire qu’au moment où on publiait ces résultats en 2014, il n’existait pas de vaccin contre le paludisme dans le monde.

L’efficacité était certes modeste, 36%, mais c’était assez intéressant parce que pour la première fois, on avait un vaccin qui pouvait réduire les cas de paludisme d’un tiers, ce qui était déjà une grosse avancée quand on connaît l’ampleur du paludisme qui touche plus de 200 millions de personnes par an avec malheureusement plus de 600 000 décès. Et au Burkina Faso, c’est 12 millions de cas avec malheureusement environ 5 000 décès par an. Vous voyez que ce nombre de décès est beaucoup plus important que ce qu’on a connu avec la Covid-19. Au vu de cette ampleur, l’OMS en son temps a estimé que réduire cela d’un tiers va avoir un impact sur le plan de la santé publique.

C’est pourquoi l’OMS a recommandé que ce vaccin soit mis en route d’abord dans une phase pilote dans trois pays Malawi, Ghana, Kenya pour voir comment ce vaccin allait se comporter si on l’introduisait en routine dans le système de santé, parce que jusqu’à présent on ne l’avait fait que dans des essais cliniques bien contrôlés, etc. C’est ainsi que lorsque ce travail a été mené dans ces trois pays pilotes, cela a confirmé ce qu’on avait rapporté en phase 3 à savoir que les cas de paludisme et précisément les cas de paludisme graves étaient réduits d’un tiers. Ce qui a conduit à recommander ce vaccin en 2021 pour un usage à grande échelle.

Mais comme je l’ai dit tantôt, ce vaccin avait une efficacité modeste. Ce qui fait que l’OMS a souhaité que la recherche se poursuive pour proposer un vaccin de deuxième génération qui allait être meilleur, c’est-à-dire qui protégerait à au moins 75%. Et l’horizon qui était fixé aux chercheurs pour proposer un tel vaccin était 2030. Mais il faut dire que nous avons mieux fait que ce qu’attendait l’OMS parce qu’en 2019, nous avons déjà pu rapporter de bons résultats avec le vaccin R21 qui est un vaccin de deuxième génération inspiré un peu de RTS’S.

Il est important de dire aux populations que R21 et RTS’S, proviennent de la même protéine. RTS’S qui est le premier vaccin protège environ à 36% pendant 4 ans. R21 s’est donc inspiré de RTS’S pour voir ce qui n’a pas marché et ce qu’on pouvait améliorer et cela a été fait par l’université d’Oxford au Royaume-Uni, qui s’est inspiré de RTS’S pour produire ce qu’on appelle le R21.

C’est ce R21 qui a fait l’objet d’un essai clinique de phase 2 par notre équipe ici à Nanoro et qui a démontré que ce vaccin pouvait protéger à 77% sur une année, donc beaucoup mieux que ce qu’on avait obtenu avec le RTS’S. Parce que sur une année avec le RTS’S, on avait une efficacité de 56%. Et lorsque nous avons poursuivi le suivi des enfants avec ce R21 sur quatre ans, on a vu que la protection était maintenue à des niveaux très élevés sur quatre ans.

C’est sur la base de ces résultats de phase 2 que notre partenaire de l’université d’Oxford avec le soutien de l’Institut de sérum d’Inde a entrepris de conduire une phase 3 comme exactement ce que nous avons fait avec le vaccin RTS’S. Cette phase 3 est venu confirmer qu’on avait effectivement plus de 75% d’efficacité avec ce vaccin, et c’est ce qui a motivé l’OMS a recommandé ce deuxième vaccin pour un usage à grande échelle.

Donc actuellement nous sommes dans le processus de négociation avec les bailleurs de fonds qui vont acheter ce vaccin, notamment l’initiative GAVI, mais également l’UNICEF pour mettre à disposition ces vaccins auprès des populations. Si tout va bien, en plus de RTS’S qui est déjà sur le terrain et qui est en cours de déploiement, vous aurez ce deuxième vaccin R21 qui va venir s’ajouter.

L’avantage du R21 par rapport à RTS’S, c’est que la firme pharmaceutique qui le produit a une plus grande capacité de production. Elle peut aller jusqu’à 200 millions de doses par an alors que celle qui produit le RTS’S a une capacité d’environ 18 millions de doses par an. R21 va donc vraiment venir suppléer cette faible capacité de production du RTS’S afin que très rapidement beaucoup d’enfants bénéficient du vaccin.

Plus de 400 personnes travaillent à l’URCN.

Si vous avez suivi le lancement de l’introduction du RTS’S le 5 février 2024 par le ministre de la santé, il a dit que seulement 27 districts sanitaires sur les 70 allaient être ciblés pour cette première phase parce que tout simplement il n’y a pas suffisamment de doses pour couvrir tous les districts. Donc 27 sur 70, vous conviendrez avec moi qu’il y a encore beaucoup à faire pour atteindre une couverture universelle au plan national. C’est en cela que le R21 va permettre de couvrir ce gap dans les années à venir.

On a un vaccin de deuxième génération qui était en gestation avec un meilleur taux d’efficacité, pourquoi donc autoriser l’utilisation du RTS’S dont le taux d’efficacité est un peu plus faible ?

En sciences, il faut tirer les conclusions sur la base d’évidences scientifiques. Comme on n’a pas comparé R21 et RTS’S au même moment dans les mêmes conditions, il est difficile de dire que R21 est meilleur, bien que les chiffres le disent. Mais les contextes ne sont pas les mêmes. Quand vous prenez RTS’S, il a été testé il y a dix ans à peu près. En dix ans, beaucoup de choses peuvent se passer sur le plan épidémiologique, etc. R21 est beaucoup plus récent. Il faut dire que même si vous partez du postulat que R21 est meilleur que RTS’S, il faut savoir qu’au moment où on recommandait RTS’S en 2021, les premiers résultats de R21 n’étaient pas encore disponibles.

L’OMS a fait la recommandation sur la base de ce qui existait. Et l’OMS s’est dit que même si on part du postulat que R21 est meilleur, réduire de 30% la mortalité, (sur les 5 000 décès, la majorité étant des enfants de moins de 5 ans), si vous arrivez à réduire cela d’un tiers, c’est beaucoup, ça fait plus de 1 000 vies sauvées. Et l’OMS estime que sauver 1 000 vies, c’est mieux que de ne rien sauver. Donc elle s’est dit qu’en attendant que le R21 n’arrive, on peut commencer à sauver des vies.

Entre les résultats que nous avons publiés et toutes les démarches administratives qui vont se mettre en place, les négociations qui vont être entreprises avec GAVI, l’UNICEF pour que le vaccin soit au niveau de nos formations sanitaires, il peut y avoir beaucoup de décès. Autant utiliser RTS’S pendant le déroulé de ce processus et dès que R21 sera disponible, il viendra supplémenter ce qui est déjà en cours. L’autre chose aussi, c’est que pendant le déploiement de RTS’S, il y a des leçons qu’on va tirer qui vont permettre d’aller plus vite lorsque R21 sera disponible.

Après l’homologation du R21, quand est-ce qu’on peut espérer avoir ce vaccin dans nos formations sanitaires ?

Si vous avez suivi la déclaration solennelle qui avait été faite par le directeur général de l’OMS pour annoncer les nouvelles de la recommandation de R21, il avait également annoncé que l’OMS allait tout mettre en œuvre pour que ce vaccin soit disponible auprès de nos populations à la mi-2024.

La bonne nouvelle, c’est que ce vaccin a été préqualifié depuis décembre, c’est-à-dire que ce vaccin est sur la liste des vaccins de l’OMS aujourd’hui, ce qui permet d’accélérer le processus. Et nous en tant que chercheur ayant travaillé sur ce produit, nous souhaitons s’il est possible, que cette échéance de juin soit respectée afin que ce vaccin soit disponible pour combler le manque de doses qui n’a pas permis de couvrir l’ensemble des 70 districts du Burkina.

Combien de chercheurs ont travaillé sur R21 ?

Il faut dire que si vous prenez l’ensemble du personnel y compris les infirmiers, les techniciens, vous avez au moins 100 à 150 personnes qui ont travaillé pour le développement de ce vaccin y compris les médecins, les agents de terrain, etc. c’est toute une équipe qui a conjugué les efforts pour que nous aboutissons à ces résultats.

Il faut dire que Nanoro est rentré dans l’histoire, j’ai même fait l’objet de beaucoup de consécrations en termes de prix sur le plan international. Le plus récent étant que j’ai été cité parmi les dix scientifiques qui ont le plus impacté le monde en 2023. Tout ça, est lié au fait que les résultats que nous avons publiés avec le R21, notamment en phase 2 dans le Lancet étaient des résultats jamais rapportés dans l’histoire de la vaccinologie du paludisme.

Donc ça a eu un impact et ça a changé la vision de toute la recherche en matière de la vaccinologie du paludisme, parce qu’aujourd’hui les chercheurs qui travaillent sur le développement de vaccins de futures générations, prennent le R21 comme référence parce qu’on n’a jamais eu un vaccin qui a atteint ce niveau d’efficacité pour un parasite.

Y a-t-il eu des vaccins qui ont été proposés contre le paludisme avant le RTS’S et le R21 ?

Tout à fait. Il faut dire qu’il y a beaucoup de recherches sur le vaccin contre le paludisme dans le monde. Je dirai que nous avons été veinards d’avoir deux vaccins sur lesquels nous avons travaillé, qui ont tous été recommandés. Il y a des équipes bien avant nous au Burkina qui travaillaient sur le vaccin, notamment l’équipe du CNRPF avec le Dr Sodiomon Bienvenu Sirima qui est le pionnier de la nouvelle génération en matière de recherche sur les vaccins.

Mais bien avant lui, il y a le Pr Guiguemdé Tinga Robert au Centre Muraz de Bobo-Dioulasso qui a testé le premier vaccin au Burkina. C’était un vaccin qui n’a malheureusement pas donné un résultat concluant et donc n’a pas connu un succès et les gens n’en parlent pas. Sinon le premier chercheur, qui est notre maître, le Pr Tinga Pierre Guiguemdé qui m’a formé, a été le premier chercheur a testé un vaccin au Burkina Faso (ex Haute Volta) dans la zone de Bama.

Ensuite avec les nouvelles générations qui ont suivi, il y a le Dr Sodioman Sirima qui est un grand frère également qui est vraiment une bonne référence sur le plan africain en matière d’essais cliniques sur les vaccins. Il a travaillé sur plusieurs protéines, qui malheureusement n’ont pas également connu de succès. Puis il y a eu notre génération avec ma personne depuis les années 2008-2009, après ma thèse en Belgique lorsque je suis rentré créer l’Unité de recherche clinique de Nanoro, qui étions les premiers à travailler sur des vaccins qui ont enfin connu une recommandation.

Et cela est lié à quoi ? Cela lié à la complexité du parasite. Quand vous prenez le parasite du paludisme, quand vous êtes piqué par le moustique, le parasite va d’abord dans le foie, y passe 7-10 jours après une maturation à se transformer et après il éclate les cellules de votre foie et sort et entre dans votre sang et pénètre les globules rouges. Quand il rentre dans les globules rouges, ils les éclatent et c’est ça qui entraîne la production de poison qui va être transporté dans votre cerveau et qui va perturber les centres thermorégulateurs.

Vous allez commencer à faire la fièvre, à avoir des vertiges, à avoir des céphalées. Et après, l’autre chose aussi, quand il éclate vos globules, ça diminue la quantité de votre sang et c’est ce qui entraîne l’anémie surtout chez les enfants. Quand le moustique vient vous piquer pour prendre son repas sanguin, il prend les parasites avec lui et va contaminer une nouvelle personne. Vous voyez qu’avec ce cycle complexe, avoir un vaccin qui puisse le tacler à toutes les étapes, ce n’est pas évident.

C’est pourquoi même dans les nouvelles approches, nous travaillons à combiner différents vaccins. Un vaccin qui va le bloquer au niveau du foie, un autre qui va le bloquer au niveau du sang, un autre vaccin qui va le bloquer au niveau du moustique. Actuellement, nous sommes en train de travailler déjà sur une troisième génération de vaccin avec une autre équipe de l’université d’Oxford. Et ce vaccin ne sera pas le même que R21 et RTS’S parce que ces deux ont pour objectif d’empêcher le parasite de rentrer dans votre foie. Mais une fois qu’il sort du foie, il peut rentrer dans le sang.

Le vaccin de troisième génération sur lequel nous travaillons c’est pour empêcher qu’il entre dans le sang. Ensuite si nous trouvons que ce vaccin est intéressant aussi parce qu’il empêche le parasite de rentrer dans le sang, on va combiner les deux protéines. Cela va permettre de le bloquer et au niveau du foie et au niveau du sang et vous allez voir qu’on va avoir un vaccin qui sera peut-être efficace à 90%. Notre investissement actuel est sur ce vaccin de 3e génération qui est en cours de développement parallèlement aux travaux que nous poursuivons avec R21.

Vous poursuivez les travaux avec R21 alors que ça été homologué ?

Si vous vous rappelez, ça été homologué sur la base d’une année de suivi, maximum 18 mois. Nous sommes intéressés de savoir jusqu’à quand ce vaccin va vous protéger, pendant combien d’années. Parce que quand vous prenez un vaccin, ce n’est pas comme un médicament. RTS’S par exemple, on a vu que sur quatre ans, c’est 36% de protection, mais sur une année c’est 55%. R21, une année, 75% de protection, qu’en est-il si l’on va sur quatre ans ? On ne sait pas. Donc la poursuite du travail, c’est de donner des doses de rappel pour voir jusqu’à quand on peut protéger l’enfant.

L’idée de cibler les enfants et de les protéger pendant quatre ans, c’est de les transporter en dehors de la période critique. La période critique pour l’enfant, c’est avant cinq ans. Quand nous naissez, les anticorps de votre maman vous protège jusqu’à six mois. Après six mois, vous perdez ces anticorps et vous devez commencer à construire votre immunité pour vous protéger vous-même. Et c’est pendant ce temps que beaucoup d’enfants meurent parce qu’ils sont encore vulnérables.

C’est pendant ce temps qu’il faut donner le vaccin pour les aider. Une fois qu’ils grandissent et atteignent cinq ans, ils sont moins à risque de mourir. C’est pourquoi on dit que la mortalité concerne les enfants de moins de 5 ans. Le rôle du vaccin, c’est de protéger jusqu’à au moins 5 ans et dans votre 6e année, votre système immunitaire est bien construit. Même si vous faites un palu, ça ne sera pas un palu grave à même de vous tuer.

C’est donc les perspectives ?

Oui ce sont les perspectives. Nous avons prolongé le suivi des enfants qui va aller jusqu’en 2025. Et parallèlement on travaille sur le vaccin de 3e génération dont les résultats seront disponibles bientôt. Si on voit que ce vaccin promet, nous allons faire la même chose qu’on a fait avec R21, on va aller en phase 3 pour voir comment ça va se comporter si on augmente le nombre de participants, comment ça va se comporter si on quitte le Burkina, parce que jusqu’à présent on ne travaille qu’à Nanoro.

Est-ce que si on va ailleurs en Afrique, on aura la même efficacité ? La deuxième chose, nous allons voir si on le combine avec R21 qu’est-ce qu’on aura ? Parce que R21 c’est 75%, l’autre on ne sait pas à combien il sera. A supposé qu’il soit à 50%, ça veut dire que 25% des parasites vont échapper à R21, mais quand ils vont arriver au niveau du sang, si l’autre à 50%, il va détruire la moitié des 25%, ce qui peut nous donner un vaccin avec 90 à 95% d’efficacité et ça c’est bon.

Si nous avons un tel vaccin, ça veut dire qu’on sera près d’éliminer le paludisme. Pourquoi ? Parce que le problème du paludisme, c’est le réservoir du parasite. Il faut savoir qu’au fur et à mesure, on bloque le parasite pour que lorsque le moustique va aller piquer, il ne trouve pas de parasite à prendre pour aller contaminer une autre personne. Si on arrive à ça, on aura presqu’atteint l’objectif qui est l’élimination du paludisme. Il y a d’autres équipes qui travaillent sur des vaccins qui vont bloquer la multiplication du parasite chez le moustique.

Si ça aussi ça marche, ça veut dire qu’il faudra combiner les trois. Toutes les portes d’entrée du parasite seront ainsi bloquées et on aura atteint l’objectif d’éliminer le paludisme. Il y a encore du chemin. C’est ça la vie du chercheur, vous trouvez des choses, mais vous voulez des choses meilleures. Nous sommes dans une perpétuelle quête de l’innovation, de choses nouvelles qui peuvent améliorer l’existant. C’est ce qui fait que le chercheur n’a jamais fini de chercher et c’est ce qui fait également que c’est passionnant. Il y a beaucoup d’incertitudes.

Il y a des chercheurs avant nous qui ont travaillé sur des protéines vaccinales, qui ont fait des essais vaccinaux qui n’ont rien donné. Vous vous excitez et à la fin c’est zéro, vous n’avez pas d’efficacité. Comme vous pouvez être dans une hésitation et paf, vous êtes surpris. Par exemple avec R21 nous avons été surpris d’avoir 77% parce que RTS’S était à 50%, on s’est dit que si on avait 60% c’était bon et à l’arrivée on a eu 77%. Mais il faut savoir que ceux qui avaient fait RTS’S se sont dits qu’on ne peut pas faire mieux. Ensuite, il y a d’autres qui viendront peut-être demain nous proposer un vaccin à 90%.

Combien de chercheurs travaillent au sein de l’unité ?

Actuellement si vous prenez l’ensemble de l’effectif, parce qu’on a aussi une plateforme où on travaille sur le vaccin de 3e génération dont les résultats seront disponibles bientôt. Si on compte la plateforme de Siglé, on a plus de 400 personnes qui travaillent à l’Unité de recherche clinique de Nanoro sur un portefeuille de plus de 30 projets. On travaille sur la résistance aux antibiotiques. On a commencé à travailler dans ce domaine parce que le plus gros défi de l’humanité après le paludisme, ça sera de faire face à la résistance aux antibiotiques.

Il y a une telle utilisation abusive des antibiotiques qu’à la fin, on risque d’aboutir à une situation où vous êtes infectés par une bactérie et aucun antibiotique ne marche, parce que la bactérie résiste à tous les antibiotiques. Nous avons une équipe qui travaille de façon spécifique sur cette thématique et qui regarde aussi la relation entre les êtres humains et les animaux, parce qu’on vit en communauté. Quel est le rôle des animaux dans la transmission des maladies ? Il y a une équipe qui travaille sur ça.

Nous avons des équipes qui travaillent chez les femmes enceintes pour voir les meilleures perspectives pour prévenir le paludisme chez les femmes enceintes, les meilleures approches pour proposer les meilleurs traitements qui existent sur le marché pour les femmes enceintes, pour voir également si on ne peut pas améliorer cette prise en charge parce que pendant le premier trimestre, on ne propose rien aux femmes enceintes parce qu’on a peur pour le bébé. Nous sommes en train de travailler dans ce domaine avec une équipe de Liverpool. Il y a beaucoup de choses qui se font.

Nous avons mis en place un système de surveillance pour voir comment les parasites évoluent dans le temps en termes de résistance. Vous vous rappelez que la chloroquine, il y a quelques années était utilisé et ne marchait pas à cause de la résistance. Grâce à nos recherches, on a changé la politique parce que sur trois années consécutives, nous avons démontré ici à Nanoro avec le Prof Tinga Robert Guiguemdé, que la chloroquine ne marchait plus au Burkina. Nous avons alerté le ministère de la Santé qui a changé la politique pour mettre les combinaisons thérapeutiques à base d’artémisine, les ACT qui aujourd’hui méritent d’être surveillés. Donc nous avons une équipe ici qui fait la surveillance moléculaire.

Nous travaillons également dans le domaine du développement de nouveaux tests de diagnostic. Parce qu’actuellement quand on soupçonne que vous avez le paludisme, il faut faire l’examen de la goutte épaisse ou le test de diagnostic rapide. Nous travaillons sur des outils innovants qui vont utiliser la technologie notamment les approches digitales pour pouvoir faire le diagnostic de telle sorte que si on vous pose le diagnostic tout de suite, rapidement ça va sur le téléphone du médecin et sur votre téléphone au lieu que vous alliez prendre vos résultats de façon manuelle.
Actuellement en matière de traitement de paludisme, nous travaillons avec un laboratoire pharmaceutique pour proposer des médicaments qui permettent de traiter le paludisme en une journée et en une dose.

C’est-à-dire que dès que vous arrivez et que vous êtes positif au paludisme, on vous donne le traitement sur place et vous ne prenez plus de médicament. Parce qu’aujourd’hui vous avez trois jours de traitement, souvent vous oubliez les heures. Nous voulons résoudre tout ça en donnant un seul traitement en une seule journée. Il y a des innovations comme ça sur lesquelles nous sommes en train de travailler et c’est tout ça qui constitue la trentaine de projets que nous avons et sur lesquels travaillent les 400 personnes.

Rencontrez-vous des difficultés ?

Ici l’équipe est très dynamique et nous avons beaucoup de jeunes chercheurs très brillants, grâce à qui nous arrivons quand même jusqu’à présent à lever les fonds pour mener nos projets de recherches, mais nous aurions souhaité voir l’Etat burkinabè plus présent, parce que nous sommes une structure publique relevant du CNRST, investir davantage pour que nous orientons nos recherches vers des questions endogènes au Burkina.

Il y a des questions de recherche qui sont purement endogènes au Burkina. Quand on prend la dengue qui est apparu l’année dernière, qui a fait beaucoup de décès, nous ne disposons pas de ressources pour faire des recherches là-dessus parce que la recherche que nous menons aujourd’hui c’est une recherche par opportunité.

Les bailleurs de fonds qui nous financent sont intéressés par des thématiques et il y a d’autres thématiques qui ne les intéressent pas, mais qui peuvent être des thématiques qui intéressent le Burkina, parce que c’est un problème pour le pays. Il faut que l’Etat burkinabè qui déjà nous soutient (nous sommes une structure publique qui a des fonctionnaires payés par l’Etat et pendant le Covid-19, nous avons reçu des fonds pour mener des recherches), mais il faut que cet effort se renforce et que l’Etat mette des ressources pour nous accompagner.

Quand vous prenez une unité comme Nanoro, l’internet nous coûte au bas mot au moins deux millions par mois. Il faut payer ça pour pouvoir être connectés au reste du monde. L’électricité nous coûte également deux millions par mois, l’Etat fait des efforts pour payer une partie mais n’arrive pas à tout couvrir. Vous avez vu comment la route pour venir à Nanoro est défectueuse, pourtant nous recevons des chercheurs du monde entier ici, des Anglais, des Danois, des Américains, des Néerlandais, des Belges, des Français, etc. Nous sommes en fait une vitrine pour le pays, ce serait bien que l’Etat aussi nous accompagne dans la construction de la route parce que les 35 km entre Boussé et Nanoro, on met plus d’une heure pour arriver.

Un dernier mot ?

Le dernier mot, c’est de dire que le vaccin contre le paludisme qui était un espoir pour nos communautés commence à être une réalité, mais comme vous le constaterez, on n’a pas encore un vaccin qui protège à 100%. R21, c’est 75% de protection, ça veut dire qu’il y a encore 25% de risque même lorsque vous êtes vaccinés, de tomber malade.

C’est pourquoi nous recommandons à la population de continuer parallèlement à la vaccination, à utiliser les autres moyens de prévention du paludisme qui sont mis à la disposition par le Secrétariat permanent pour l’élimination du paludisme, notamment les moustiquaires imprégnées, la chimio-prévention du paludisme saisonnier pour les enfants de moins de 5 ans et également l’assainissement de l’environnement de vie pour éviter que les moustiques ne prolifèrent parce que nous savons tous que ce sont ces moustiques qui sont à l’origine de la transmission du paludisme.

En entendant que dans les années à venir, avec les vaccins de 3e génération et de 4e génération peut-être, en les combinant, nous puissions proposer enfin à nos populations, un vaccin qui puisse protéger à 100% et dans ce cas, on pourra abandonner les autres mesures de prévention du paludisme.

Interview réalisé par Justine Bonkoungou
Photo et vidéo : Ange Auguste Paré

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