ActualitésDOSSIERS :: An II de l’insurrection populaire : Trois de nos « héros » à cœur (...)

Deux ans après l’insurrection populaire ayant emporté le régime de Blaise Compaoré, nous avons rencontré pour vous Bendi Parfait Gnoula, Massourou Guiro et Aziz Sana, acteurs et non des moindres de ce mouvement populaire. Que sont-ils devenus, que pensent- ils de la gestion de l’après insurrection, sont-ils prêts à aller à une autre insurrection si cela s’imposait ? Nos trois « héros » de l’insurrection à cœur ouvert.

Bendi Parfait Gnoula. Coiffeur de profession, il avait 39 ans le 30 octobre 2014 quand son ami Yempabou Aristide Fabrice Ouaba, artiste rappeur connu sous le nom d’artiste Fab La Faim tombait juste à côté de lui. Le cou transpercé par une balle. Lui a eu plus de chance puisqu’il s’en est tiré avec des blessures au dos.

"Je ne vois pas de changement. Je ne suis pas content de ce qui se passe.

Je suis désolé mais pour une seconde insurrection, moi Parfait, si c’est à reprendre, je ne suis plus partant. Parce que le changement que je demande, jusqu’à présent je ne le vois pas. Oui ! Je ne le vois pas. Jusqu’à présent, pour la justice, il n’y a rien à dire ; je ne comprends pas, depuis deux ans ?! Seul le gouvernement de la transition a fait un petit geste dans ce sens. A part cela, plus rien. Rien que des promesses.

J’ai mon dossier personnel que j’ai déposé près du procureur contre X, pour l’assassinat de mon ami. Même dans le cadre de l’association des blessés et des parents des victimes des démarches ont été entreprises, mais on ne voit rien avancer. Donc on attend toujours. Quelques fois, la justice m’a appelé pour me poser les mêmes questions et me demander si j’avais d’autres choses à ajouter. A part cela, rien. Honnêtement je ne suis pas content de l’après insurrection. "

Massourou Guiro. Mécanicien garagiste à Gounghin. C’est sous l’impulsion de ce quinquagénaire que le corps de l’artiste abattu a été transporté des environs du domicile de François Compaoré, petit frère du président d’alors, à la place de la Nation.

« 27 ans de pouvoir a toujours des effets secondaires, partout dans le monde. Parce que si un pouvoir dure, il vous laisse des effets secondaires. Notre chance c’est une crise économique. Dans d’autres pays, c’est une guerre civile. Donc je remercie le bon Dieu. Pour nous, en travaillant ensemble, nous pourrons relever le défi de la crise économique.

Aujourd’hui je pense que si tous les Burkinabè regardent dans la même direction, et comprennent que le régime passé ne va pas nous laisser gérer facilement le pays, nous allons tous nous mettre ensemble pour accompagner le président Roch Marc Christian Kaboré. Quand vous voyez des djihadistes qui frappent de gauche à droite et des gens qui font tout pour déstabiliser le pays, notre devoir et surtout le devoir de Monsieur Guiro est de tenir la barre haut. Et être prêt à répondre à l’appel du président s’il y a lieu.

C’est dans notre intérêt d’être sur le terrain et d’être prêts. Nous aimons tous ce pays et nous allons nous battre pour qu’il aille de l’avant. Si quelqu’un est dans l’ombre et veut déstabiliser ce pays, qu’il sache qu’il a en face des garçons prêts à tout pour l’affronter. Nous n’allons jamais laisser ce pays basculer dans le désordre.

Si l’insurrection était à refaire je ferais la même chose. A l’heure actuelle, même si le président Roch a l’intention de lever la clause limitative du nombre de mandats, je serai le premier à sortir pour dire NON, il n’est pas le seul Burkinabè. Il faut qu’on mette dans la tête de tout président que dans notre Constitution, le mandat présidentiel est de Cinq ans renouvelable une fois. Chacun doit le comprendre. »

Aziz Sana. Chef de service de la prévision et des analyses macro économiques à la Direction générale de l’économie et de la planification avant l’insurrection, il est depuis peu Chargé de programme à la Direction générale de la coopération. En sa qualité de coordonnateur général du Mouvement Ça Suffit, mouvement qui a engendré un autre plus vaste pendant la transition qui est le Collectif pour la démocratie, le droit et le développement (Collectif 3D), il était lui aussi sur le théâtre des opérations lors de l’insurrection populaire.

« Je suis satisfait à 60% de l’après insurrection si je peux me mettre sur une échelle de 100, pour plusieurs raisons. Vous savez que le grand mouvement de contestation a commencé en 2013 et nous avions un objectif principal qui était l’alternance. La non modification de l’article 37, donc l’alternance. Et ça, nous l’avons eue. Aujourd’hui c’est une chose réelle que nous vivons. Il y a plus de liberté d’expression, chacun dit ce qu’il veut. Je crois que sur le plan démocratique nous avons beaucoup gagné. Il reste les questions de patrimonialisation du pouvoir, du judiciaire et du développement.

Sur ces trois aspects, nous pouvons dire que nous sommes à l’entame d’une nouvelle phase de la démocratie. Et on ne peut pas en une année dire si on est satisfait ou pas parce que c’est un processus. Ce qu’on peut toutefois dire c’est que sur le plan judiciaire, rien n’a vraiment changé. Au cours de la Transition, nous avons fait beaucoup d’efforts pour donner l’indépendance à la justice, et nous avons peut être naïvement cru qu’en donnant cette indépendance- là, la justice allait aller dans le sens des aspirations du peuple en soldant beaucoup de comptes comme les dossiers Thomas Sankara, Norbert Zongo, Dabo Boukary.... Nous sommes déçus sur le plan judiciaire, mais je me dis aussi que c’est un combat qui doit être continu pour que ça puisse s’améliorer.

Sur la question de patrimonialisation, je crois qu’aujourd’hui on peut accepter tous ensemble que ce fait- là pour le moment n’existe pas. Quand vous regardez la coloration du gouvernement, il a beaucoup de personnes qui sont apolitiques. Il y a beaucoup de personnes apolitiques qui sont nommées lors des conseils des ministres.

Sur la question du développement et de lutte contre la pauvreté, je crois que le parti au pouvoir a un programme de développement qui s’étale sur cinq ans. En matière de santé avec la gratuité des soins, en matière de chômage des jeunes avec les recrutements pour l’enseignement, les travaux HIMO (Haute intensité de main d’œuvre), on sent un effort en matière sociale, il y a beaucoup d’actions qui sont faites en matière sociale et ça, on ne peut que féliciter le gouvernement et l’encourager sur ce plan. Il reste à l’encourager à continuer à mettre en place son programme pour satisfaire l’ensemble des attentes du peuple.

Du côté du peuple, il faut qu’il se réveille pour participer mieux à la gestion du développement. Bien que l’insurrection ait permis la liberté d’expression, une partie du peuple pense que cette liberté d’expression doit être du libertinage. L’incivisme s’est accru. Cet incivisme doit être combattu au sein du peuple. Parce que si le peuple lui- même n’aide pas le gouvernement à avancer, le président seul ne peut rien. Il n’y a pas de changement de mentalité de l’individu burkinabè. Le peuple doit se mettre aussi au travail et non compter uniquement sur le gouvernement.

Si l’insurrection était à refaire, sans ambages, sans réfléchir, nous allions la refaire. Parce que je pense que nous avons tout gagné avec l’insurrection. Maintenant c’est à nous de décider de là où nous souhaitons aller. La seule chose qu’on peut regretter, c’est l’ensemble des morts que cela a occasionné. »

Samuel Somda
Lefaso.net

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