Actualités :: Achille Tapsoba : <I>Seule une modification de la constitution pourrait (...)

Ces derniers temps, la classe politique burkinabè est la cible de récriminations qui tendent à la disqualifier sur plusieurs plans.

Celles-ci, fondées sur de simples constats ou sur des études réalisées, portent de manière récurrente sur :

- la pléthore des partis politiques ;

- l’absence de programme politique et la faiblesse institutionnelle des partis ;

- l’absence ou le déficit de dialogue entre d’une part, les partis politiques et d’autre part, ceux-ci et les populations ;

- le déficit de dialogue entre acteurs politiques et populations ;

Certains, par précaution méthodologique, tentent de cerner le contexte politique burkinabè actuel de manière diachronique et/ou de manière synchronique pour fonder leurs appréciations critiques. D’autres, par contre, se contentent de fustiger la classe politique toute entière à partir d’une mise en rapport entre le niveau actuel du processus de démocratisation et les paradigmes de la démocratie mettant en exergue l’écart ou même le fossé entre l’idéal et le réel.

Quoi qu’il en soit, il est important pour comprendre la classe politique actuelle et partant le niveau actuel atteint par notre démocratie de prendre en compte le fait qu’elle est le résultat d’un processus de mutation marqué par les stigmates des grands événements et des différents systèmes politiques à travers lesquels elle s’est constituée. On pourrait alors se rendre compte qu’elle est encore en train de se constituer à son propre rythme de la même manière que l’ancrage de la culture démocratique se fait au rythme de chaque nation, de chaque peuple, de chaque pays.

La question n’est pas tant de savoir si ce rythme est lent ou insuffisant que celle de s’assurer qu’il permet d’avancer plus sûrement en profondeur dans l’installation d’une culture démocratique fiable. C’est dire combien il importe tout aussi bien de ne pas laisser la démocratie burkinabè et la classe politique s’enliser dans des insuffisances insurmontables persistantes que de leur impulser des mutations trop accélérées qui imposeraient une culture démocratique artificielle et superficielle qui rendraient ainsi notre processus démocratique très vulnérable aux tentations des retours en arrière. L’étape actuelle du processus de démocratisation dans notre pays ne saurait être qualifiée de démocratie achevée, ni d’absence de démocratie.

Depuis 91, le Burkina Faso est rentré de nouveau en démocratie, fort de l’échec des tentatives précédentes. Le tout reste de savoir comment y rester le plus longtemps possible. Pour ce faire, il s’agit d’abord de ne pas escamoter les questions de fond telles que la question de la limitation ou non du nombre de partis politiques avec son corollaire à savoir, celle des alliances ou des coalitions.

D’aucuns pensent que la solution au problème de la pléthore des partis politiques résiderait dans la limitation par une loi du nombre des partis à deux, trois ou quatre en remerciant gentiment les autres considérés comme superflus. D’aucuns estiment qu’il serait plus judicieux de procéder par élimination par le biais de compétitions électorales qui aboutiraient à une sélection de quelques partis d’envergure et à la disqualification de tous les autres.

D’aucuns encore pensent qu’il faille arrêter à un moment donné de délivrer des récépissés de reconnaissance à de nouveaux partis qui viennent gonfler de manière superfétatoire le nombre actuel, Tout en reconnaissant qu’une centaine de partis politiques légalement reconnus est un nombre impressionnant pour un pays comme le Burkina Faso, il convient d’indiquer que cela aussi relève de la démocratie fondée sur le pluralisme politique ou le multipartisme intégral.

Cela relève également du choix politique opéré par notre peuple à travers la Constitution du 2 juin 1991. De ce fait, limiter par une loi ou par décret le nombre de partis politiques serait anticonstitutionnel et plus précisément contraire aux dispositions de l’article 13 de la loi fondamentale de notre pays. Autrement, seule une modification de la Constitution pourrait légitimer la volonté de limiter les partis politiques. Mais là encore, pour une question d’une grande importance il serait plus pertinent de recourir à un référendum.

D’un autre côté, la tendance à éliminer par la compétition les partis dits petits se heurte à une disposition de l’article 13 de la Constitution qui dit clairement que « Tous les partis ou formations politiques sont égaux en droits et en devoirs. ». Alors de quel droit exclurait-on les "petits partis" au profit des "grands partis" ou formations politiques ? Dans un autre sens, si le nombre de partis politiques pose problème aujourd’hui, c’est moins en termes de crédibilité de la démocratie burkinabè qu’en termes de la crédibilité des partis politiques eux-mêmes.

En effet, si pour des simples problèmes de personnes il faille faire fi de l’identité des choix politiques et idéologiques pour créer plusieurs partis politiques (subjectivement !) différents, si pour les moindres divergences n’affectant pas la ligne politique il faille opérer des scissions pour créer par méiose des partis politiques différents, si une vingtaine de personnes veulent à elles seules créer un parti politique dont l’option politique majeure est déjà pris en compte par un ou deux partis qui existent déjà ... c’est cela qui pose problème.

En somme, si la question de la limitation du nombre des partis politiques n’est pas un vrai faux problème, elle peut occulter de vrais problèmes tels que les bases politiques et programmatiques sur lesquelles les partis se créent et évoluent sur le même terrain politique et l’amélioration progressive des conditions de la compétition électorale.

Face à la situation actuelle il devient nécessaire, pour prendre en charge les intérêts majeurs des électeurs ou des populations en général et fonder l’alternance, que chaque parti se défende effectivement d’un programme politique lisible permettant de lui donner une identité claire dans le sens de favoriser les rapprochements avec d’autres (si cela n’est pas fait) et de permettre une différenciation plus claire de la part des électeurs. En outre, la poursuite de la perfection des règles du jeu démocratique est un des engagements de la crédibilité des partis politiques en compétition.

En effet, l’idéal en démocratie est d’aboutir autant que possible à établir des règles consensuelles du jeu politique, cela ne peut se faire que par le dialogue entre tous les acteurs de la démocratie. Il semble que là encore se pose le problème de l’absence de dialogue politique d’une part entre les partis politiques et d’autre part, entre ceux-ci et la société civile ou la population.

Il est évident que la recherche du consensus ne saurait se faire sans dialogue. C’est justement parce que le dialogue est un moyen pour aplanir les divergences et à défaut éviter leur exacerbation. Si par définition (minimale) le dialogue est un échange de vues entre deux ou plusieurs parties il vise surtout la compréhension mutuelle, le rapprochement des points de vue voire le consensus ou l’établissement d’un terrain d’entente. Ce terrain d’entente peut être maximal lorsqu’il s’agit d’un dialogue entre partenaires, ou minimal s’il concerne des parties adverses ou opposées.

Partant de là, il semble important qu’on se mette d’accord sur un minimum : peut-on a priori ou a posteriori soutenir fermement qu’il y a un déficit ou une absence de dialogue entre les partis politiques eux-mêmes et entre ceux-ci et la société civile ou la population ? Quoiqu’on dise, la classe politique burkinabè, face aux grands enjeux de l’évolution socio-politique du pays passés et actuels, n’a pas attendu que des missions de bons offices viennent de l’extérieur pour engager un dialogue direct ou par société civile interposée. Elle a su ou pu réagir d’une manière ou d’une autre. A titre d’exemple :

- le dialogue réinstauré après les événements d’octobre 1987 entre les acteurs politiques et qui a abouti au lancement du processus de démocratisation en 1990 ;

- les assises nationales sur la constitution où la société civile a été associée au dialogue ;

- la table ronde entre les partis politiques en 1991 ;

- les différents états généraux sur les grands secteurs de la vie nationale tels que l’éducation, la santé, le sport. . . ;

- les assises nationales sur la lutte contre la pauvreté ;

- le dialogue ayant abouti à la réforme de la justice ;

- la commission de concertation entre les partis politiques et la société civile sur les réformes politiques.

La signification politique de ces différents forums, assises nationales, table rondes ou états généraux c’est le dialogue entre partenaires sociaux ou au développement, entre acteurs de la société politique et/ou de la société civile. Bien entendu, le contexte, le contenu, les mécanismes, la forme et les résultats de ces différents dialogues peuvent être diversement appréciés ... mais c’est du dialogue, Du reste, le peuple burkinabè a une longue tradition de dialogue (qu’il entend conserver jalousement. Et c’est très souvent ce fond culturel, fait de dialogue inter-groupes sociaux (ethnies, religieux...), de tolérance et d’acceptation sociale des différences qui fait le ciment de la paix et de la cohésion sociale dans ce pays.

C’est également dans ce fond historico-culturel que l’on puise en dernier ressort les ressources nécessaires pour pacifier la sphère politique et ramener les acteurs dans les dispositions du dialogue politique C’est dire que forcer ou non par les événements socio-politiques ou socioéconomiques, initié de manière volontaire ou non, le dialogue politique existe bel et bien au Burkina Faso. Néanmoins, il reste encore à l’améliorer, à le renforcer, à le pérenniser.

Pour cela il appartient à la classe politique, à la société civile et aux différents partenaires de la démocratie burkinabè de s’impliquer davantage dans un tel travail qui sera certes de longue haleine. C’est en cela qu’il faut saluer l’intervention des partenaires de la démocratie pour les programmes d’appui initiés dans ce sens tout en replaçant les choses dans leurs vrais contextes

Achille Tapsoba
Sidwaya

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