Actualités :: Commune de Ramongho : Guerre fratricide ou jeu d’intérêts ?

Les problèmes que connaît la commune de Ramongho qui ont valu l’arrestation du chef coutumier, Naaba Sigri, transféré dans la foulée à Ouagadougou, sont-ils le fait d’une guerre fratricide (la mairesse, Awa Nikièma/Ouédraogo et le chef Naaba Sigri sont de la même famille) ou d’un jeu d’intérêts, ou bien des deux ? C’est la question qu’on est en droit de se poser au regard de ce qui se passe dans cette commune située à juste 15 km de Koudougou.

Il faut dire que depuis les élections municipales en 2006 et quand le conseil municipal de Ramongho devait siéger pour choisir son maire, le chef de la localité, Naaba Sigri et la candidate pressentie au poste de maire, Awa Nikièma, ne se sont plus entendus alors qu’ils sont des cousins. "C’est pourtant mon petit-frère", affirme tout de go le maire Awa Nikièma. En son temps, le chef s’était opposé qu’une femme, fut-elle sa frangine, occupe la tête de la municipalité.

Et pour ne pas arranger les choses, Naaba Sigri revendiquait, ni plus ni moins, le fauteuil de maire alors qu’il n’est même pas élu conseiller municipal. Le CDP (parti majoritaire dans cette commune) n’avait pas suivi le chef coutumier dans ses "égarements" selon l’expression utilisée par un responsable politique à l’époque ; ce qui a valu que "Sa Majesté" largue le Parti de l’épi et de la daba pour aller convoler en justes noces avec un parti de l’opposition. Sa grande sœur, Awa Nikièma, a été élue maire et depuis, le torchon n’a cessé de brûler entre le Naaba et le maire.

Alors faut-il croire que c’est cette inimitié qui se poursuit ? Tout porte à le croire. Jacques Idriss Ouédraogo, originaire de la localité, soutient que le chef ne manque pas une occasion pour bouder sa cousine de maire. Boycott de cérémonie par ci, intrusion dans certains dossiers gérés par le conseil municipal par là, dénigrement du maire, affirmation de son pouvoir sur tout ce qui est coutumier, administratif ou politique dans l’espace communal de Ramongho… selon le maire, Naaba Sigri a mal digéré le fait que le dédommagement des propriétaires terriens dont les champs ont été touchés par l’exploitation du site de granit ait été fait sans lui. Donc pour cette implantation d’usine, pas question de se laisser encore ravir la vedette.

La version du chef Naaba Sigri

Pourtant Naaba Sigri ne se sent pas fautif dans ce dossier. Dans une interview qu’il a accordé à un reporter de Radio Notre Dame de Koudougou le lundi 28 novembre, jour qu’il a fait cadenasser les portes de la mairie, Naaba Sigri, répétant à souhait qu’il est le chef de Ramongho dans toute son intégralité, indique que quand il a été informé que le maire est venu avec des blancs et ont déchargé du matériel lourd au flanc de la colline pour des travaux, il s’est rendu sur les lieux et devant l’effectivité de l’information, a exigé que les blancs arrêtent les travaux. "Je leur ai dit de venir avec celui ou celle qui les a commis à cette tache pour discuter avec moi. Le maire, au lieu de venir avec les blancs, est venue seule pour me faire des histoires en me demandant pourquoi j’ai fait arrêter les travaux. Elle m’a dit que mes prérogatives sont différentes des siennes, et que je dois me cantonner aux seules tâches coutumières, et ne plus me mêler de ses activités".

Pour le chef de Ramongho, il a fait comprendre au maire qu’étant le garant de Ramongho et le chef coutumier, il se devait d’être informé de toute initiative dans la commune et d’en donner ou pas son quitus. "On n’arrivait pas à s’entendre et on a commencé à échanger des insultes. Alors je lui ai dit d’aller voir ses parents et revenir avec leurs vieux. Ce qui a été fait. Un des vieux m’a dit de tout laisser tomber et d’accepter que les travaux reprennent. J’ai marqué mon refus, car je ne veux pas cautionner ce que le maire fait. Elle a interrompu le vieux pour dire que le chef dispose du village mais pas des champs. Cela a même déplu à ces vieux qui ont estimé qu’elle ne devrait pas intervenir. On s’est encore injurié, elle et moi. Elle m’a même dit que si ce n’est pas grâce à la mort je ne méritais pas d’être chef", a poursuivi Naaba Sigri qui juge que ces insultes sont dirigées contre le Mogho Naaba.

Le chef soutient que pour l’implantation de l’usine, le maire n’en a pas parlé ni à sa famille, ni aux vieux, ni à la population. Et c’est ce qui fonderait son opposition. Selon lui, sous le prétexte de vouloir construire une usine, la mairesse Awa Nikièma et "ses Blancs" convoitent en réalité la colline pour faire il ne sait quoi. "Elle a dit que qu’on le veuille ou pas, les travaux se poursuivront. Alors, comme c’est la force, avec en sus des insultes sur nous et sur le Mogho Naaba, moi et la population avons décidé ne plus vouloir d’elle comme maire", a tranché Naaba Sigri de Ramongho.

La version du maire, Awa Nikièma

Jointe alors qu’elle est depuis avant hier mardi à Ouagadougou, le maire de Ramongho, Awa Nikièma, nous a livré, par téléphone, sa version des faits. Devant notre pudeur à publier certains propos et injures proférés par le chef à son encontre que nous jugions très osés, elle a insisté afin que nous les rapportions textuellement, car elle veut que l’opinion sache exactement ce qui a été dit, précisant que c’est une affaire à suivre. Selon elle, la société en question est venue à Ramongho et cherchait un terrain pour exploiter. La place que les Blancs ont ciblée était dans leur domaine familial.

Elle les a orientés vers son frère aîné, car en tant que maire elle ne veut pas être mêlée aux problèmes de terrains. Elle aurait juste conseillé à ses parents que, parmi les trois options que leur offre la Loi (vendre, louer ou prêter), ils n’ont qu’à opter pour la location, pour demeurer toujours propriétaires de leur domaine. En échangeant avec les investisseurs, Awa Nikièma dit avoir obtenu qu’ils prennent tout ce qui est main-d’œuvre, qualifiée ou pas, à Ramongho tant que c’est possible. Elle les aurait prévenus que si le projet n’est pas profitable à sa commune, elle ne signerait pas.

Nous avons été surpris quand Mme le maire nous a précisé que le projet n’était qu’à la phase d’étude. De gros travaux dont parle le chef, il n’en est rien. Il était plutôt question de déblayer la zone ciblée afin que les différentes parties voient l’espace qui sera occupé afin de pouvoir entamer les négociations pour les dédommagements et autres. C’est à cette étape que le chef serait allé arrêter les travaux. Le maire Awa Nikièma raconte : "Il a exigé que les Blancs viennent signer avec lui. Les jeunes de notre famille ont voulu intervenir, mais je me suis opposée. Je suis allée le voir et il m’a dit d’accepter que les Blancs négocient et signent les papiers avec lui. On ne s’est pas entendu sur ce principe et j’ai dit préférer qu’il discute de cela avec les vieux de notre famille. Lors de cette 2e rencontre et devant l’opposition à sa requête, le chef, qui est pourtant mon jeune cousin, a dit devant tout le monde que le père du maire (donc de moi), est un bâtard, et que lui ne comprend pas pourquoi les vieux vont laisser ces petits bâtards (mes frères et moi) intervenir dans un problème de terre de Ramongho.

Mon frère cadet a voulu réagir, mais je me suis opposée. Je lui ai dit qu’on n’a qu’à aller devant les fétiches pour voir qui de lui ou de moi est un bâtard. Ce qu’il a refusé. Devant les insultes et les grossièretés, j’ai préféré me retirer. Le samedi 27 novembre, il a appelé la population qui lui a signifié que ça la dépasse. Le lendemain dimanche, il a renouvelé son appel mais personne n’est parti. Le lundi, profitant du jour du marché, il a rassemblé les gens et leur a dit que j’ai insulté leur chef et le Mogho Naaba, et que lui, il va dissoudre le conseil municipal et faire des élections dans les deux jours qui suivent avec lui comme maire". C’est ce jour que les partisans du chef auraient retiré les clés de la mairie qu’ils ont remises au préfet. Le maire Awa Nikièma poursuit : "Informé, le haut-commissaire du Boulkiemdé a envoyé des invitations pour le chef et d’autres personnes pour une rencontre à Koudougou afin de trouver une solution. Devant le préfet qui lui a remis les invitations, le chef a rassemblé de la paille et les a brûlées, disant qu’il n’est pas lui, chef, un garçon de course du haut-commissaire".

Une guéguerre qui pénalise plus d’un

Le mardi 29 novembre, les conseillers se sont rendus à la rencontre mais pas le chef. Le même jour dans l’après-midi, une mission de Ouagadougou, conduite par le Manga Naaba qui est le conseiller technique du ministre de l’Administration territoriale, a dû se rendre chez le chef pour pouvoir le rencontrer. Devant la mission, il a dit qu’au lieu de deux jours, il prolonge à quatre jours, le délai pour organiser l’élection du nouveau maire. Devant les efforts pour le ramener à la raison, le chef a répondu par un manque de respect à l’égard du haut-commissaire, des insultes au gouverneur et dit au Manga Naaba que l’autorité du Mogho Naaba se limite à Ouagadougou, à en croire Awa Nikièma. Selon le maire, le Lallé Naaba a envoyé des émissaires qui ont été rabroués par le chef de Ramongho qui n’entend pas que ce projet soit géré sans lui.

La conséquence de tout ceci, ainsi que nous le rapportions dans notre édition d’hier, ça a été l’intervention de la Gendarmerie pour déloger les fidèles du chef qui bloquaient l’entrée de la mairie le mardi dernier et l’arrestation de celui-ci qui aurait été déporté à Ouagadougou. A l’instar de bien d’autres personnes, le 1er adjoint au maire, Ibrahim Yaméogo, pense que ce problème est éminemment familial entre une sœur, le maire Awa Nikièma, et un frère, Naaba Sigri. Il faut donc souhaiter que solution soit trouvée au plus vite, car cette guéguerre porte préjudice à la population de Ramongho, aux usagers de la mairie et singulièrement aux élèves en classes d’examen qui sont dans la période de montage de leurs dossiers.

Cyrille Zoma

L’Observateur Paalga

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