Actualités :: 1er SEPTEMBRE 2009 : Le Barrage de Saaba attendra

Dans la dynamique de notre article sur les infrastructures que l’Etat devait réhabiliter après le sinistre du 1er septembre 2009, nous sommes allés dans la Commune rurale de Saaba, alertés par le cri de cœur des villageois, pour mesurer l’ampleur des dégâts moraux et matériels. C’était le 17 mars dernier.

A une dizaine de kilomètres à l’Est de la capitale, Saaba est une bourgade dynamique, surtout pour ses activités menées autour de son marché. Cette commune rurale est aussi très connue pour ses mets atypiques proposés, le plus souvent au marché. La viande canine, de même que celle d’âne a fait la réputation de ce patelin. De nature assez belliqueuse, la population se bat tout de même avec une nature quelquefois hostile pour exister, s’adossant surtout à son patrimoine hydraulique. Depuis les années 2000, Saaba
n’a plus de frontière avec la capitale. Cette commune est devenue un quartier périphérique de la capitale. La commune rurale de Saaba comptait quelques grands barrages comme celui de Kongo, de Tanghin, de Tansobintinga et la retenue d’eau de Saanbin-bilbalogho. Ce patrimoine hydraulique permettait à des milliers de jeunes de s’adonner à la culture des produits maraîchers et à des cultures de contre-saison comme le maïs et le riz. Le 17 mars, quand nous sommes arrivés dans le lit du barrage asséché, nous ne nous doutions pas de la douleur que vit la population de Saaba.

Une image de sol lunaire

A la vue de la brèche, on imagine aisément la force titanesque qu’a eue l’eau au moment du sinistre. La berge n’est à présent qu’une grosse ouverture béante. Le barrage est devenu une prairie pour animaux et le reste de l’eau qui s’y trouve s’assèche inévitablement, laissant le sol argileux se craqueler.

A certains endroits, ce sont des images d’un sol lunaire qui s’offrent au regard. Pour rallier les autres villages à Saaba, les populations ont été obligées de se frayer un passage à l’intérieur du barrage. Et chaque jour, ce sont des milliers de personnes, hommes, femmes et enfants qui risquent des chutes dans le barrage, à cause des nombreuses crevasses, pour trouver leur chemin. A moins de 200 mètres du barrage, une jeune dame, en compagnie de deux dames d’âge mûr, tient un cabaret de dolo (bière de mil). Un jeune homme d’une vingtaine d’années buvait tranquillement, les yeux dans les nuages. Nous y sommes allés et au bout d’une dizaine de minutes, une conversation s’engagea autour du barrage.

Du jeune homme, nous apprendrons que mis à part le lendemain du sinistre où les autorités communales et politiques sont venues constater les dégâts, personne n’est encore revenu. ‘‘Le barrage était tout ce que nous possédons pour travailler et subvenir à nos besoins. Aujourd’hui, c’est l’oisiveté au quotidien’’, nous dira notre jeune compagnon. Et quand nous lui demandons s’il a bon espoir que le barrage soit réhabilité, son jugement est sans appel : ‘‘Je ne crois plus à rien ici. Il y a un autre barrage dans le village qui est sinistré depuis 2004 mais malgré les promesses, jusque là, rien ! On avait même amené des Caterpillar pendant les élections municipales de 2006. Après les élections, les machines ont disparu. C’est le même sort qui attend ce barrage’’.

Un ressentiment général

A un jet de pierres du cabaret, se trouve le domicile du chef, le Sam-naaba. Très connu parce qu’il reçoit et soigne des blessures telles les fractures, les luxations et les déboîtements, il est, en quelque sorte, un rebouteur traditionnel réputé. Pour lui, les autorités ne mesurent pas l’étendue du désastre que le sinistre a causé. Il avait espéré qu’une réaction diligente allait se faire en vue de la réhabilitation du barrage dans les meilleurs délais. Mais aujourd’hui, il est saisi par le doute. Les jeunes sont désœuvrés et plus personne ne sait de quoi demain sera fait, nous a-t-on confié. ‘‘Au lieu de se demander comment nous faisons pour vivre dans ce village sans le barrage, ils viennent nous demander d’aller nous inscrire sur la liste électorale.

Si ça ne tient qu’à moi, personne, ne m’y verrait, mais si l’on me force, je n’ai pas d’arme contre ça. On a forcé mon grand-père et mon père pour qu’ils aillent voter, pourquoi pas moi ?’’. A quelques semaines de l’installation effective de la saison des pluies, les populations surtout riveraines du barrage qui ravitaillaient la capitale en produits frais ne savent plus à quel saint se vouer. Pour Michel Ouédraogo rien que de penser ‘‘que demain est sans issue me fait peur. Nous étions des milliers à tirer nos revenus du barrage. On nous dit qu’il n’y a pas de travail et qu’on ne peut rien faire pour les jeunes ruraux ; on s’installe à notre propre compte et là aussi, c’est problématique’’. Il demande aux autorités de s’exécuter pour réhabiliter le barrage afin de redonner espoir aux jeunes et aux familles qui y tiraient leurs pitances.

Le regard de l’Administration

Le sinistre du barrage affecte toute la commune et c’est au marché de Saaba que cela est très visible. Le poisson autrefois en abondance est devenu rare et même très rare chez les commerçantes. Elles sont nombreuses, celles qui n’allument plus leurs foyers pour la friture du poisson qu’elles vendaient aux clients. Il faut aller loin où trouver un livreur potentiel qui lui-même vient de lui, et évidemment le prix de vente se répercute sur la clientèle. Il n’y a plus de crevettes d’eau douce et de silures ; seules quelques carpes sont sur les étals.

Pour rallier les villages environnants, les populations sont obligées de passer par le lit du barrage

Du côté de l’administration, nous avons trouvé le préfet, Abdou Tarama, qui n’a pas hésité à nous recevoir. Sa promptitude et sa disponibilité nous ont permis de savoir que dans l’administration, il y a toujours des hommes et des femmes qui respectent le travail de la Presse et qui sont prêts, à leur tour, à la guider. Il nous a affirmé que l’administration est très consciente de la situation. Une étude aurait été menée et la réhabilitation du barrage va coûter très cher et cela se chiffrerait autour de 1 milliard et demi. Il faut selon lui, mobiliser les fonds d’abord avant de lancer les travaux. Pour le préfet, c’est trop tôt de parler d’un quelconque abandon du barrage parce que ça ne fait que seulement 6 mois que le sinistre s’est opéré.

Sans nier le rôle économique que jouait le barrage, il nous a affirmé ne pas pouvoir nous en dire plus parce que ce n’est plus dans ses prérogatives puisqu’on a tout cédé ou presque aux autorités communales. En l’absence d’un interlocuteur, nous n’avons pas pu avoir de plus amples informations. Mais du côté de Conseil Régional du Centre, on nous a affirmé que pour nous répondre de façon claire et nette, il fallait attendre en fin d’année. En attendant, ce sont les populations qui vont trinquer deux années d’affilée. En 2003, une grande quantité d’eau serait venue de ce barrage pour aider à éteindre l’incendie du grand marché Rood-Woko. C’est dire à quel point ce barrage, dont nous avons souligné le rôle économique et social, pourrait en jouer un autre de premier plan en cas de catastrophe.

Melissa Diallo

San Finna

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