Actualités :: Délestages SONABEL : Pierre Meyer suggère d’ester en justice

Le programme de délestage massif de la SONABEL appelle de ma part un certain nombre d’observations que je voudrais partager avec les lecteurs. Ces observations portent sur les causes de cette situation, ses conséquences et, enfin, sur les réactions que cette situation engendre.

“Courant 2009, la ville de Ouagadougou avait déjà subi un délestage massif. Cependant, la SONABEL, par la voix de son Directeur général, nous avait expliqué que cette situation était certes difficile mais passagère. En effet, la SONABEL était en train de réaliser des investissements considérables d’interconnexion avec la Côte d’Ivoire. Bref, un choix d’investissement avait été effectué et l’investissement, une fois réalisé, devait mettre fin à la situation préjudiciable.

Aujourd’hui, que constate-t-on ? Sans être aucunement un connaisseur de la production et de la distribution d’énergie électrique, je constate, comme tous les habitants de Ouagadougou, que l’investissement en question n’a pas permis, loin s’en faut, d’atteindre ses objectifs. Les délestages sont, me semble-t-il, même plus massifs que ceux subis en 2009.

C’est donc nécessairement que le choix d’investissement était inapproprié puisqu’il n’a pas permis de remédier à la situation à laquelle il était censé mettre fin. Dans n’importe quelle société commerciale, lorsqu’un choix erroné a été effectué, on en tire, bien évidemment, les conséquences. Rien de tel au niveau de la SONABEL.

L’impunité n’a pas qu’une dimension pénale

Les délestages occasionnent des préjudices aux abonnés. Ces préjudices sont de divers ordres : préjudices d’agrément (ou de confort) pour les particuliers, préjudices économiques (pertes de production) pour les entreprises. Si l’Etat de droit est autre chose qu’un slogan manié par les acteurs du monde politique et associatif, il doit nécessairement avoir des conséquences sur le plan de la responsabilité lorsqu’un dommage est causé. L’impunité n’a pas qu’une dimension pénale ; elle implique également, que l’on assume les conséquences civiles des actes dommageables.

Il est donc judicieux, pour les abonnés, d’utiliser les voies de droit appropriées –le recours aux actions judiciaires- pour obtenir réparation des dommages causés par les délestages. Si l’évaluation quantitative des préjudices de confort est peut-être délicate, il n’en est pas de même pour les préjudices économiques qui peuvent être relativement et aisément évalués. Ceci nous permettrait, par ailleurs, d’avoir une idée sur l’ampleur des préjudices et des pertes économiques engendrés par les délestages pratiqués par la SONABEL.

Les avocats joueraient pleinement leur rôle d’agents de développement du droit dans la société s’ils décidaient de constituer un pool d’avocats qui assisteraient les abonnés désireux d’entreprendre des actions judiciaires civiles contre le distributeur défaillant. Si un tel pool était constitué, j’informe les avocats le composant que je pourais, s’ils le souhaitent, les assister afin d’effectuer les recherches jurisprudentielles de droit comparé utiles à leurs actions.

Allez sur leur site internet

Les réactions engendrées par cette déficience de la SONABEL ne cessent de surprendre. La première surprise vient d’abord de l’absence de réactions. Sous d’autres cieux (pas nécessairement lointains, on pense, par exemple au Sénégal), une telle situation a engendré des réactions massives d’indignation de la part des abonnés qui ont même organisé des marches de protestation.

Dans certains pays, les employés des secteurs public et privé disposent d’une sorte de « droit de retrait » lorsque les conditions de travail sont devenues trop inconfortables ou insécurisées. Il va de soi que l’absence régulière et prolongée de l’électricité rend les conditions de travail sinon peu sécurisées, au moins inconfortables.

En outre, dans beaucoup de situations, l’absence d’électricité rend tout simplement le travail impossible. Il est encore plus étonnant d’observer l’absence totale de réaction de la part de la SONABEL. Pour en convaincre chacun, j’invite les lecteurs à aller sur le site Internet de la SONABEL. Ils constateront, que même dans la rubrique « Actualités », aucune mention n’est consacrée à la situation présente. La dernière information publiée porte sur la présentation des vœux au sein de la société au début de l’année 2010.

Ne s’est-il rien passé depuis janvier 2010 qui ait pu intéresser les clients de la SONABEL ? Le site contient une rubrique « contact » qui permet de contacter la SONABEL. Si, devant l’absence d’informations sur le site, vous contactez la SONABEL pour lui demander des informations, personne ne vous répondra.

Faut-il se comparer au dernier de la classe ?

La SONABEL semble avoir une conception très particulière de la communication. Parmi les rares réactions enregistrées, il en est une qui laisse véritablement sans voix. Elle consiste à inviter chacun d’entre nous à comparer les déficiences dans la distribution d’énergie électrique au Burkina avec la situation qui prévaut dans certains pays et qui est pire pour conclure que, finalement, la situation au Burkina n’est pas si grave que cela car elle pourrait être pire.

Il est exact que dans certains pays (je ne citerai pas de nom de pays de peur de froisser des susceptibilités), la situation est encore plus catastrophique. Une telle réaction me paraît totalement irresponsable si, du moins, on souhaite progresser dans la voie du développement. Que dirait-on de parents qui, en vue d’assurer l’éducation scolaire de leurs enfants, les inciteraient à se comparer au dernier de la classe ? Trouverait-on cette méthode d’éducation responsable et apte à assurer les progrès scolaires de l’enfant ? Je crois que la question contient déjà la réponse.

Je voudrais terminer ces propos en rassurant les dirigeants de la SONABEL que je ne suis animé d’aucune animosité particulière envers eux. Je ne les connais pas personnellement et ils ne me connaissent pas. Mon seul objectif est de faire comprendre aux abonnés que nous sommes, dans le cadre du contrat d’abonnement qui nous lie chacun à la SONABEL, titulaires de droits et que notre cocontractant ne respecte pas intégralement ses obligations.

En conséquence, il est nécessaire de réagir. A cet effet, j’invite chaque abonné à exercer l’exception d’inexécution dans le cadre du contrat qui le lie à la SONABEL. Concrètement, cela implique que chaque client refuse, jusqu’à rétablissement d’une situation d’exécution normale de ses obligations par la SONABEL, d’honorer les factures de consommation d’électricité.

Si nous sommes peu nombreux à agir en ce sens, une telle action ne peut prospérer. Si nous sommes des milliers à adhérer à une telle proposition, une telle action pourra, peut-être, faire prendre conscience à la SONABEL que, dans la société contemporaine où chacun devrait être conscient de ses droits, qu’on ne viole pas impunément ses obligations contractuelles.

Pierre Meyer Professeur UFR/ Sc. Juridiques et politiques Université de Ouaga II

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