Actualités :: District sanitaire de Manga : Une affaire de 18 000 000 de F CFA à (...)

Une somme de 18 596 822 de F CFA destinée aux dépenses de fonctionnement du district sanitaire de Manga, exercice 2004, aurait été virée et « cadenassée » dans le compte du District à la trésorerie de Manga. Et pourtant des commandes ont été faites et livrées. Depuis six ans, les fournisseurs marchent, marchent toujours… Et comme si cette grogne des clients depuis Ouagadougou ne suffisait pas, voilà que le personnel-cadre du district s’est rendu coupable, à l’époque, de la rétention intentionnelle des indemnités des chauffeurs.

Suite à l’expression de ses besoins, le District sanitaire de Manga a reçu, au titre de l’exercice 2004, 18 596 822 F CFA. Cette somme devait servir à l’entretien des bâtiments, à l’achat de matériels spécifiques, de l’oxygène médical, des fournitures et mobiliers de bureau…

Ce montant représentait une partie des crédits délégués de l’Etat alloués au District sanitaire de Manga, chef-lieu de la province du Zoundwéogo, situé à quelque 145 km de Ouagadougou. Sur cette base, des commandes sont passées auprès de nombreux fournisseurs dont la plupart sont installés à Ouagadougou.

Jusqu’à la date où nous écrivions cet article (2 mars 2010), les différents clients n’avaient toujours pas vu leurs facture honorées en dépit des diverses fournitures livrées. Jean-Jacques Somé, le régisseur du district sanitaire confirme qu’aucun fournisseur n’a été payé jusqu’à nos jours sur ces lignes de crédits. Pourtant, il reconnaît que toutes les commandes ont été passées selon les procédures officielles d’avis d’appels d’offres publiques soumises à concurrences.

Où est donc passée cette somme ?

Jean-Jacques Somé et le docteur Joanny Koala, alors Médecin chef du district (MCD) ont affirmé « être allés voir » le directeur administratif et financier du ministère de la Santé (Emmanuel Lalsomdé à l’époque) pour comprendre la situation. Ils se sont rendus également à la trésorerie principale du Kadiogo et à la direction générale du trésor et de la comptabilité publique à Ouagadougou. Sans succès. « Les fournisseurs nous assaillaient de toutes parts.

Je me suis fait le devoir donc d’aller m’enquérir des nouvelles sur ces crédits délégués qui nous sont parvenus après l’exercice clos. En son temps, on m’avait donné l’assurance que les choses entreraient dans l’ordre et que ce retard serait tout simplement inhérent à la lourdeur de la procédure », a expliqué Jean-Jacques Somé, l’argentier du district. Par ailleurs, il nous a confirmé que cette somme est « disponible » et vérifiable sur le compte N°01 06 457 0319/04 à la trésorerie régionale du Centre-Sud à Manga.

Nous avions voulu vérifier si cette somme était effectivement disponible en nous rendant le 3 février dernier à Manga. Mais nous nous sommes heurtés à une fin de non recevoir. Selon monsieur Somé, les fournisseurs n’ont pas pu être payés en 2004 parce que les Avis d’octroi de crédit (AOC) seraient parvenus tardivement à son niveau, suspendant toutes opérations de paiement. L’AOC est un feu vert du ministère qui autorise le paiement des fournisseurs après une commande légale matérialisée par bon de commande et bordereau de livraison dûment attestée.

Aussi, l’argentier du district défie quiconque qui viendrait à l’accuser de détournement des 18 596 822 de F CFA de prouver le contraire. En dépit de ses déclarations, de gros soupçons de détournement de fonds pèsent sur la personne de Jean-Jacques Somé et docteur Joanny Koala. A l’époque, la section provinciale du Syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA) à Manga avait déjà rompu le silence en exigeant le relèvement pur et simple du docteur Joanny Koala et du régisseur.

Le syndicat les accuse de « mal gouvernance » du district. A l’époque, ils ont manifesté leur désapprobation en écrivant aux autorités de Manga et de Ouagadougou. Du reste, c’est dans ce climat de travail délétère lourd de méfiance réciproque, qu’une mission de l’inspection du ministère de la santé s’est rendue, par deux fois, à Manga pour vérifier les opérations financières et comptables du district.

Alors qu’on croyait l’affaire classée, Jean-Jacques Somé, et Joanny Koala, sont interpellés par Arsène Hien, alors juge d’instruction au tribunal de grande instance de Manga (voir encadré). Une information judiciaire serait en cours. Qui serait à l’origine de cette action en justice ? La réponse à cette question reste pendante. Le régisseur et le médecin chef du district ont affirmé ignorer l’auteur de la plainte les concernant. En effet, nos sources ont indiqué que le dossier de 18 596 822 de F CFA avait été instruit par l’intermédiaire d’Amadé Badini, ancien procureur du tribunal de Manga.

Le 3 février 2010, Abdoul Jabbar Maïga, l’actuel procureur nous a confirmé que l’instruction judiciaire du dossier est en cours. « Nous attendons l’ordonnance de clôture de l’instruction », a-t-il dit, sans commentaire. Jean-Jacques Somé, pour sa part, nous a précisé le 2 février dernier que le juge d’instruction (l’ancien) lui a notifié son inculpation d’un détournement de 18 596 822 de F CFA en complicité avec le docteur Joanny Koala. Il a ajouté que le juge Arsène Hien leur aurait demandé s’ils souhaitaient s’attacher les services d’un avocat. Jean-Jacques Somé estimant n’avoir rien à se reprocher, a refusé les services d’un avocat.

Et les fournisseurs alors ?

Le ministère de la santé contacté le 5 février pour mieux comprendre le « sort » réservé à cet argent toujours « disponible et inconsommé », a donné sa lecture des choses. Toute commande entraîne toujours une opération de paiement qui met fin à un contrat entre deux parties. Si les fournisseurs de 2004 n’ont pas été payés après livraison des commandes constatée, la logique aurait voulu, que les lignes de crédits soient réalimentées l’année suivante. Les dispositions en la matière, explique-t-on, recommandent de donner la priorité aux paiements des anciennes créances. Alors, pourquoi six ans après les clients ne sont toujours pas payés ?

Et pourquoi la justice s’en est-elle saisie si tant est que c’est seulement, une procédure de décaissement et de paiement qui semble avoir causé ce désagrément ? Nous sommes allés à la rencontre de quelques fournisseurs à Ouagadougou. Ainsi, le 6 février, dans les environs de Sankaryaaré, nous avons retrouvé un qui a confirmé avoir été payé aux compte-gouttes suite à une correspondance adressée à l’époque au ministre de la Santé. Nous avons constaté, par la même occasion, que ce fournisseur a été payé tantôt par les fonds propres du district, tantôt sur les lignes du budget de l’Etat.

A la zone industrielle de Goughin Nord, un deuxième client, nous fait observer qu’une commande a bel et bien été passée par le district sanitaire de Manga. (Référence de la commande : BCN°04/0002/MS/DG /DRS/CS/DSMNG avec BL N°054/04 du 26 juillet 2004). Il attend toujours le règlement de ses factures. En tous les cas, six ans après, il y a toujours des impayés auprès d’autres fournisseurs qui disent être « fatigués de poursuivre » sans succès le district sanitaire de Manga.

On retiendra également que Salif Zerbo (actuellement à l’ENAM), gestionnaire du magasin du district de 2005 à 2009, a aussi enfilé entre-temps le manteau de régisseur des recettes dont l’acte de nomination à cette fonction n’a été régularisé que tardivement en mars 2009. Cette situation a eu pour conséquences le retrait de la gestion des crédits délégués de l’Etat et des fonds du Programme d’appui au développement sanitaire (PADS) à Jean-Jacques Somé. Désormais, c’est à Zakardja Héma Ouattara, précédemment en poste à la Direction régionale de la santé, qu’est confiée cette tâche.

Autre problème non moins important, toujours au district sanitaire de Manga où trois acteurs tiennent les rôles-clés. Le premier, Georges Roamba, alors chargé de l’approvisionnement du Dépôt répartiteur du district (DRD) de Manga en médicaments essentiels génériques (MEG) est un Préparateur d’état en pharmacie. Il était en service à Manga du 4 janvier 1999 au 15 novembre 2006.

Il travaille actuellement au CMA du secteur 30 de Ouagadougou. Le deuxième est Jean-Jacques Somé, régisseur d’avance du district, toujours en poste à Manga. Il y a enfin, le docteur Joanny Koala, Médecin chef du district (MCD) de 2004 à 2008. Le Docteur Koala travaille actuellement au comité ministériel de lutte contre le VIH/Sida du ministère de la Santé à Ouagadougou.

L’argent des chauffeurs introuvable !

En 2006, le PADS a dégagé une enveloppe de 70 176 795 F CFA pour les activités du district. Mais ce fonds est viré semestriellement dans le compte du district qui, en fin d’année, fait l’état d’exécution des dépenses avec les pièces justificatives. Dans la même année, Joanny Koala, Georges Roamba et Jean-Jacques Somé « ont bouffé » 900 000 F CFA représentant une partie de la somme allouée au district par le PADS.

Cette somme représentait les frais de missions des chauffeurs ayant effectué une année durant, des sorties de terrain avec leurs « patrons ». Munis des ordres de missions, docteur Joanny Koala, Georges Roamba et Jean-Jacques Somé ont mené dans un premier temps des activités de terrain avec deux chauffeurs du district. Par la suite ils se sont passés des services de leurs chauffeurs et ont effectué le reste des activités de terrain avec des moyens de locomotion autres que les véhicules de service. Même des motos ont été utilisées.

En fin d’année 2006, Georges Roamba a établi un état de paiement sur lequel figurent Arouna Roamba, Boureima Camara et Yamba Ouédraogo. Arouna Roamba et Boureima Camara font partie du personnel des chauffeurs du district. Par contre, Yamba Ouédraogo est un chauffeur « fantôme » porté sur la fiche de paie par Georges Roamba pour gonfler le nombre. Georges Roamba (à ne pas confondre avec Arouna Roamba, chauffeur) a imité les signatures et les références des pièces d’identité des trois chauffeurs. Il en a dressé un état de paiement qu’il a présenté au docteur Joanny Koala pour obtenir sa signature en tant que médecin chef du district.

Cet état est déposé ensuite auprès du régisseur, monsieur Somé qui le cosigne. La boucle est ainsi bouclée. Georges Roamba, Joanny Koala et Jean-Jacques Somé entrent « proprement » en possession des 900 000 F CFA. La fiche de paie est classée et la vie a poursuivi son cours comme si de rien n’était. Le MCD Koala s’est envolé quelques temps après, pour le Sénégal où il dit avoir été mis en position de stage.

Les deux chauffeurs réels ont soutenu avoir « couru » en vain après le paiement des frais de missions pour lesquelles leurs noms ont été utilisés. « Chaque fois, on nous disait qu’il n y a pas de frais de missions pour les chauffeurs. Nous n’y pouvions rien car c’était nos patrons », a expliqué le chauffeur Boureima Camara. Grâce à un contrôle interne du PADS en fin d’année, les chauffeurs sont entrés en possession de leurs dus. La non-conformité des signatures des chauffeurs a fait tiquer le contrôleur dont les vérifications se font une fois par an sur le terrain.

Les chauffeurs ont été invités à confirmer ou à infirmer cette « découverte ». Ils ont tous avoué n’avoir jamais perçu de frais de missions y afférents. Pire, ils ont confirmé ne pas reconnaître leurs signatures et les références de leurs pièces d’identité reproduites sur le document de paie. Le chauffeur Arouna Roamba a même dit se rappeler que Georges Roamba l’a sommé d’avouer être l’auteur de ce « faux et usage de faux en écriture ».

Le régisseur Jean-Jacques Somé, le pharmacien Georges Roamba (docteur Koala étant absent du pays) et les deux chauffeurs sont conduits par le contrôleur interne du PADS devant Boureima Ouédraogo, l’ancien directeur régional de la santé pour qu’ils s’expliquent.

En présence du contrôleur du PADS, ils ont reconnu les faits. La hiérarchie les a alors sommés de rembourser les sommes indûment perçues. Les trois “compères” ont accepté. D’ailleurs, la restitution intégrale de cet argent dans les plus brefs délais était la condition exigée par le contrôleur. En l’espace de quelques jours seulement, la totalité des 900 000 F CFA a été réunie. « J’avoue sincèrement que je n’en suis pas fier.

Mais je me suis senti entraîné dans une situation qui est allée vite et qui a aussi tourné court avec des regrets. C’est une tâche en effet que je traîne sur ma conscience », a avoué, Jean-Jacques Somé. Pour le processus de remboursement, l’argent a été remis à Modeste Nikiéma, l’actuel contrôleur régional et le financier Zakardja Héma Ouattara qui ont refait un nouvel état de paiement pour les deux chauffeurs reconnus officiellement au district.

Au siège du PADS à Ouagadougou le 4 février dernier, il nous a été bel et bien confirmé le faux et l’usage de faux sur la fiche de paie des chauffeurs en 2006. « Nous étions à l’époque plutôt préoccupés par la sécurisation de nos fonds. Car il n’était pas bien indiqué que les bailleurs de fonds arrêtent le financement de nos activités », a confié Zacharie Balima, coordonnateur du PADS.

Idrissa NOGO (idrissanogo@yahoo.fr)


Affaire de chèques parallèles à Saponé : Les arrestations continuent

Dans Sidwaya N°6598 du 27 janvier 2010 nous avons relaté le problème des 30 000 000 de F CFA dissipés au district sanitaire de Saponé. A présent, les choses ont évolué. Mamadou Kam, régisseur d’avance du district sanitaire de Saponé, principal auteur reconnu du « faux et usage de faux en écriture publique », arrêté le 13 janvier dernier, a été écroué à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO).

Jean-Baptiste Ouédraogo, agent à la perception, interpellé par la police de Kombissiri depuis lors, y a été conduit également. Amos Sawadogo, chef de service de la perception de Saponé, troisième personne incriminée, vient d’être déféré, lui aussi. Son mandat d’amener lui a été notifié le 1er février dernier par la police aux environs de 19h. Une source policière nous a confirmés cette information. Quant à la présence de Kam à la MACO, elle nous a été confirmée par le parquet le 15 février 2010.

Un autre gestionnaire de recettes du district de Saponé, et récemment affecté au district sanitaire de Kombissiri (province du Bazèga), pourrait être interpellé dans les jours qui viennent. Des irrégularités ont été constatées quand il a passé service le 21 janvier dernier. Il est par ailleurs probable que le filet de la police se referme sur d’autres « poissons » dans l’affaire d’émission de « chèques parallèles » dont s’est rendu coupable Mamadou Kam.

En attendant, les activités classiques de la perception de Saponé tournaient au ralenti à la date du 5 février dernier. Sur les trois agents précédemment en service à la perception, il n’en restait plus qu’une seule personne pour effectuer les opérations comptables.

Ainsi, le district sanitaire de Saponé a été confronté aux difficultés de décaissement de fonds de ses partenaires logés à la perception. Une autre source a indiqué qu’Amos Sawadogo et Jean-Baptiste Ouédraogo, accompagnés de leur hiérarchie, ont fait régulièrement la navette entre la MACO et la perception de Saponé avant de passer la main à des nouveaux percepteurs.

I.N.

Sidwaya

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