Actualités :: Antoine Poda, secrétaire général du ministère de la Sécurité : “Les Comités (...)
Antoine Poda

Le secrétaire général du ministère de la Sécurité, président du comité de pilotage de la police de proximité, s’exprime sur les fondements de cette nouvelle approche de gestion de la sécurité des biens et des personnes, les Comités locaux de sécurité (CLS). Il aborde également le rôle des partenaires administratifs, sociopolitiques et des leaders d’opinion dans la mise en œuvre et la réussite de cette nouvelle trouvaille au Burkina Faso.

Sidwaya (S) . : Que recouvre le concept police de proximité ?

Le Commissaire Antoine Poda, Secrétaire général du ministère de la Sécurité (A. P.) : La police de proximité est consacrée par la loi relative à la sécurité intérieure comme moyen d’organisation de la participation des populations à la gestion de la sécurité intérieure par la prévention de l’insécurité et de la criminalité.
La police de proximité est une alternative aux stratégies de gestion de la sécurité des personnes et des biens, jusqu’alors mises en œuvre par les forces de sécurité. Elle consiste en la mise en œuvre de méthodes d’action axées principalement sur une approche proactive. Cette donne implique le développement de l’anticipation, de la prévention de la criminalité, de la délinquance et des incivilités, en faisant appel à la participation des citoyens, dans un cadre de concertation approprié.
La police de proximité n’est pas une nouvelle structure ni un nouveau corps de police créé par le gouvernement.

La mise en œuvre de cette nouvelle stratégie appelle à un rapprochement des forces de sécurité des populations et une amélioration de la qualité de leurs rapports avec les citoyens par leur comportement. Elle est le lit d’une acceptation des forces de sécurité par les citoyens et d’un partenariat entre forces de sécurité et citoyens, pour une participation de ceux-ci à la prévention de l’insécurité en général et de la criminalité en particulier. Le concept de la police de proximité est fondé sur la nécessité d’une implication véritable et continue des différents acteurs dans le développement de la prévention de l’insécurité. La réussite de sa mise en œuvre nécessite une implication véritable des autorités administratives partenaires, des acteurs politiques, des leaders d’opinion, des acteurs de la société civile. Deux décrets d’application de la loi ont été adoptés pour une mise en œuvre effective de la police de proximité.

S. : Q’attendez-vous concrètement des populations ?

A. P. : Nous attendons d’elles deux attitudes. Avant tout l’éveil de leur conscience citoyenne sur les questions de leur propre sécurité. Aussi, leur adhésion active au partenariat avec les forces de sécurité à travers leur collaboration pour la gestion de leur sécurité par la prévention de l’insécurité et la lutte contre la criminalité est souhaitable.

S. : Les Comités locaux de sécurité ne sont-ils pas des supplétifs aux forces de sécurité que sont la police et la gendarmerie ?

A. P. : C’est un cadre de concertation entre les services de police et les populations. Son rôle ? Donner des avis et des informations susceptibles d’orienter les activités des services de sécurité (police et gendarmerie) dans le cadre de l’organisation de la prévention de l’insécurité ; de contribuer à l’éradication de l’insécurité. Il crée un lien de communication et de collaboration entre les services de sécurité et les populations.
Le CLS est placé sous la tutelle administrative du préfet ou du maire. Il est composé de neuf (9) membres dont un conseiller municipal résident qui est le président et huit (8) représentants des couches socioprofessionnelles du secteur ou du village. Le CLS est assisté par un représentant d’un des services de sécurité territorialement compétent (police ou gendarmerie). Ses membres sont désignés par les populations et nommés par arrêté du préfet ou du maire. Le mandat d’un membre de CLS est d’une durée de deux ans, renouvelable une fois. Ce ne sont ni des gendarmes, ni des policiers (…).

S. : Est-il légitime que les CLS opèrent sur le terrain ?

A. P. : Le Comité local de sécurité n’est pas une structure opérationnelle. Il n’est pas un supplétif de police. Il ne se substitue pas aux services réguliers de sécurité et ne saurait être une milice locale.
Les membres des CLS ne sont pas investis d’un mandat opérationnel pour intervenir dans la répression des actes d’insécurité ou de criminalité.
Ils n’ont pas de compétence juridique propre d’arrestation ni de détention. Si les membres des CLS sont amenés à intervenir dans le cadre de dénonciation des auteurs d’infractions ou d’arrestations de personnes, ils ne peuvent outrepasser le devoir de citoyen que la loi prescrit à tout citoyen. En effet, la loi pénale accorde la qualité à toute personne d’appréhender l’auteur d’un crime ou d’un délit flagrant et de le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche.
Aussi est-il important que les autorités administratives s’impliquent effectivement dans la désignation des membres des CLS. A ce titre, il est important qu’elles observent la rigueur qui sied pour prévenir la désignation de personnes dont la moralité et les comportements sont de nature à décrédibiliser les CLS.

S. : De quels moyens d’action disposent ces comités ?

A. P. : Le CLS n’est pas une structure, c’est un organe consultatif, un cadre de concertation dont le fonctionnement n’est pas administratif ni particulièrement astreignant au point de nécessiter des moyens spécifiques.
Toutefois, pour soutenir l’adhésion des citoyens, des mesures d’encouragement sont prévues pour les membres des CLS, notamment une prime de participation aux sessions du comité de mille (1000) FCFA par membre et par session. S’il y a lieu, toute autre initiative dans le sens de soutenir les CLS que viendraient à prendre les autorités du ressort territorial du CLS, serait la bienvenue.

S. : N’y a t-il pas lieu de s’inquiéter des représailles du fait de dénonciations des délinquants ?

A. P. : La dénonciation des infractions dont on a connaissance et de leurs auteurs aux services de sécurité est une obligation légale opposable à tout citoyen. En contrepartie la loi et les règlements d’éthique et de déontologie des forces de sécurité les obligent à protéger la collaboration des populations à la prévention de l’insécurité et à la lutte contre la criminalité. Un élément des forces de sécurité contre lequel il sera établi qu’il a trahi la dénonciation d’un citoyen s’expose à des sanctions disciplinaires, voire pénales.

S. : L’administration générale va-t-elle conserver un rôle dans la mise en œuvre de cette nouvelle approche de gestion des problèmes de sécurité ?

A. P. : L’administration générale et les autres secteurs de l’administration publique sont des partenaires institutionnels dans la mise en œuvre de la police de proximité. Il s’agit notamment des ministères de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (MATD), de la Défense, de la Justice, de la Promotion des Droits humains, de l’Economie et des Finances.
Le MATD est particulièrement sollicité à s’impliquer à travers ses structures déconcentrées et les structures décentralisées placées sous sa tutelle pour la mise en œuvre de la police de proximité.
Les gouverneurs des régions, les hauts-commissaires, les préfets, les maires sont sollicités pour des actions de sensibilisation et pour accompagner la désignation des membres des CLS, leur installation, leur évaluation et s’il y a lieu, les mesures de sanction à prendre à l’encontre de leurs membres indélicats ou défaillants.

S. : Dans quelles régions la police de proximité et les Comités locaux de sécurité ont-ils déjà été installés ?

A. P. : A la date d’aujourd’hui, vingt (20) provinces dans six (6) régions connaissent l’effectivité de la police de proximité. Il s’agit des régions du Centre-Est, de l’Est, du Centre-Sud, des Cascades, des Hauts-Bassins et du Sud-Ouest.

Les lancements opérationnels qui ont été effectués dans ces régions ont consacré la mise en place de quatre mille quatre-vingt-quatorze (4 094) Comités locaux de sécurité sur un total attendu de huit mille huit cent quatre-vingt-quatre (8 884), soit environ 46% de couverture du territoire national.

Ces données connaîtront une variation en hausse au lendemain du lancement pour les régions du Centre et du Plateau central, prévu pour le 10 janvier 2008. 2008 devrait voir l’achèvement de la formalisation de la mise en œuvre de la police de proximité dans les cinq (5) régions restantes : la Boucle du Mouhoun, le Centre-Nord, le Nord et le Sahel.

S. : Pourquoi à peine mis en place certains CLS rencontrent déjà des difficultés ?

A. P. : Les difficultés auxquelles font face les CLS, à notre connaissance, se rapportent à l’insuffisance des forces de sécurité pour assurer l’assistance-conseil nécessaire, à l’insuffisance des moyens d’encadrement, à la barrière linguistique entre les personnels de sécurité et les membres de certains CLS, au climat de méfiance entre les populations autochtones et celles dites allogènes dans la désignation des membres des CLS. L’intention de certaines autorités coutumières, dans certaines localités de s’imposer d’office comme responsables des CLS, la peur des représailles des délinquants en cas de dénonciation entravent les missions des CLS.

S. : Quelle relation y a-t-il entre les CLS et les Comités villageois de développement (CVD) ?

A. P. : Le Comité local de sécurité est un organe consultatif dont le champ d’action est circonscrit aux problématiques de la sécurité.
Il est différent du Comité villageois de développement (CVD) dont la vocation est orientée vers les actions et les initiatives du domaine de développement socio-économique communautaire. Les deux organes devraient œuvrer dans la complémentarité, étant entendu que les questions de sécurité sont transversales et que le développement en général est fortement tributaire de la sécurité. Le concept de police de proximité est fondé sur la nécessité d’une implication véritable et continue des différents acteurs dans le développement de la prévention de l’insécurité.
La réussite de sa mise en œuvre nécessite l’implication des acteurs politiques, des autorités administratives, des leaders d’opinion, des acteurs de la société civile pour une sensibilisation des populations. Son acceptation et son appropriation par tous sont capitales pour une meilleure lutte contre l’insécurité.

Interview réalisée par Ibrahiman SAKANDE
ibra.sak@caramail.com

Sidwaya

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