Actualités :: Abbé Dominique Yanogo : "A Noël, le chrétien adulte doit se voir comme un (...)

Abbé Dominique Yanogo Demain, c’est Noël. La communauté chrétienne célébrera le 2007e anniversaire de la naissance du divin Enfant, Jesus-Christ. Les tout-petits seront très heureux de faire la fête avec les milliers de cadeaux qui leur seront apportés du Ciel par Papa Noël qui se devra, bien entendu, de ne pas oublier les petits souliers.

Cette fête de la Nativité doit également être une occasion pour le chrétien adulte de "renaître de l’eau et de l’esprit", comme l’a recommandé l’Abbé Dominique Yanogo, ancien directeur de radio Maria, et actuellement vicaire à la cathédrale de Ouagadougou. Dans l’interview qui suit, l’abbé Dominique commence par rappeler l’historique de la célébration de la fête de Noël ; une célébration qui, selon lui, se situe dans le rétroviseur de Pâques, qui est la plus importante fête des chrétiens.

"Le Pays" : Que représente la fête de Noël pour le chrétien ?

Abbé Dominique Yanogo : Ma réponse va peut-être vous surprendre, mais sachez que Noël se comprend seulement dans le rétroviseur de Pâques. Il faut se situer sur le plan historique pour mieux comprendre cela. En effet, c’est lorsque les chrétiens ont commencé à céléber la résurrection du Seigneur Jésus-Christ, ce qui fonde notre foi de chrétien, que tout le reste a commencé à prendre de l’importance par voie de conséquences. Jésus-Christ, mort et ressuscité, voilà notre foi. On s’est donc posé la question de savoir qui est Jésus-Christ. Et à partir de ce moment, on a commencé à s’intéresser à tout ce qu’il a fait par le passé, avec ses disciples. Et alors, comme dit l’apôtre Luc, on s’est mis à faire des enquêtes, à rassembler des éléments pour comprendre comment ça s’est passé il y a 40 ans, 50 ans, parce qu’il n’était plus là. Donc, de récit en récit, on remonte l’histoire pour en venir à parler de sa naissance. Donc, contrairement à ce qu’on peut retenir, Noël n’est pas la plus grande fête des chrétiens, c’est plutôt Pâques qui est la plus grande parce que c’est le fondement ; c’est le coeur de notre foi. Dans d’autres religions vous avez certainement des hommes bénis, de grands prophètes, etc. Mais pour nous, seul Jesus-Christ est au centre de l’histoire, parce que c’est le seul qui, après avoir connu notre condition d’homme, a connu la mort, puis il est ressuscité et est toujours vivant. Sa naissance est donc célébrée afin que nous puissions réaliser ce que cela veut dire en tant qu’il est Dieu.

C’est également important parce que nous célébrons en même temps la rencontre entre l’humanité et la divinité. Quand vous lisez dans Genèse, vous comprendrez que tout est sorti des mains de Dieu. Donc, Dieu créateur est source de tout ce qui existe. Et voilà que malheureusement, le mal traverse l’histoire de l’homme qui commence à chercher à faire non plus ce que Dieu lui a donné comme commandement, mais sa propre volonté. C’est tout le symbole de l’arbre au milieu du jardin. Dieu a dit de ne pas cueillir le fruit, mais l’homme l’a fait parce que c’est bon, c’est beau. A partir de ce moment, il y a rupture entre l’homme et Dieu. Et cette rupture, cette distance est ce que l’on appelle le pêché. Et si Dieu est venu au coeur de notre humanité, ça veut donc dire que la réconciliation est faite à tout jamais. Parce qu’en Jésus-Christ, vous avez à la fois, Dieu et l’homme. On ne peut pas mieux faire que de rassembler l’homme et l’humanité. Et c’est Jesus-Christ qui est à la fois le coeur de l’histoire, le projet de l’histoire, où nous allons, d’où nous venons, etc. Et la naissance, c’est aussi tout cela.

La fête de Noël est vue comme une célébration pour les tout-petits. Qu’en pensez-vous ?

Célébrer la naissance de Jésus-Christ, c’est évoquer son enfance. Je comprends parfaitement donc que ça devienne la fête des enfants, dans la mesure où on fait attention à l’enfant. Et aussi parce que dans l’évangile il est clairement dit que "tout ce que vous ferez à l’un des plus petits de mes frères que voici, c’est à moi que vous l’aurez fait". Jésus-Christ a dit également : "Laissez venir à moi les petits enfants". Cela veut dire que même Jésus-Christ adulte parle de l’importance de l’enfant qu’il nous présente comme modèle. Alors, puisque nous célébrons ensemble l’enfance de Jésus-Christ, c’est normal que nous attirions le regard des uns et des autres sur l’enfant afin que nous y voyions à la fois sa pureté, son innocence, ou bien si vous voulez, la page blanche que représente l’enfant. On peut tout écrire dessus, on peut en faire beaucoup de choses".

La Noël au Burkina et ailleurs, c’est aussi les crèches, les cadeaux de Papa Noël aux enfants, c’est de l’ambiance pour les enfants à travers les arbres de Noël, etc. Quel regard portez-vous sur cette façon de célébrer la fête de la nativité sous nos cieux ? Est-ce une recommandation de l’Eglise catholique ?

Je pense que, pour ce qui est du Burkina, nous avons la fête de Noël que nous méritons. Si effectivement nous sommes passés à une société mercantile ou tout se monnaye, c’est normal que l’on ne puisse plus célébrer une fête sans espèces sonnantes. Cependant, si la joie renvoie au bien manger et au bien boire, alors, il ne reste plus qu’à aller dans les buvettes, dans les maquis et boire la bière ! Et si la joie, c’est être ensemble, c’est prendre conscience que l’on n’a pas le droit de manger un gros morceau de viande quand on peut se contenter d’une bouchée afin que tout le monde puisse avoir une bouchée, ça change tout ! Et dans ce cas, on va chercher à faire la joie de son voisin ; on va rassembler des gens de sa famille qui se trouvent peut-être en campagne ; on peut trouver bien d’autres formules ! Mais disons que chacun a la Noël qu’il mérite. A mon avis Noël devrait être l’assiette de la révolte aujourd’hui. Parce qu’il me semble que oser dire que Dieu est avec nous dans une société où par exemple la prostitution devient un sport national, où on déstabilise toute sorte de structure à même de donner un équilibre de vie aux plus pauvres, pour moi, c’est rare. Pour les chrétiens, je dis chapeau si Dieu est avec nous signifie une interpellation. Dire que nous refusons de continuer à dire que Dieu est avec nous alors qu’il y a des boiteux qui ne marchent pas, des aveugles qui ne voient pas, et des sourds qui n’entendent pas, c’est se définir un programme, et c’est se mettre en route. Pour moi, Noël, ça devrait être une prise de conscience, un point de départ.

Il y en a parmi les tout-petits, qui croient en l’existence de Papa Noël, tandis que d’autres n’y croient pas. Qu’est-ce qui se cache derrière ce personnage mythique ?

Vous savez, on parle de Saint Nicolas dans certaines régions. Et Papa Noël dans d’autres régions ; ce sont bien sûr des éléments culturels. C’est lié au froid, au cadeau, au rêve, à une certaine vision du bon père qui aime les enfants, etc. Tout cela finalement, c’est l’image de Dieu, un Dieu qui est très bon. Mais je crois que si tout ce qu’il y a comme mythe peut apporter un peu de joie, un peu de rêve. Pourquoi empêcher les gens de rêver ? Donnons l’occasion aux gens de rêver, c’est important".

On comprendra donc que Noël, c’est une fête qui fait la part belle aux enfants. Alors, que doit faire l’adulte chrétien à l’occasion de cette fête de la Nativité ?

A Noêl, l’adulte chrétien doit d’abord se voir comme un enfant. Il faut d’abord se poser soi-même des questions pertinentes : En quoi suis-je un enfant ? Qu’est-ce que c’est que cet enfant né aujourd’hui par rapport à moi ? etc. Il ne s’agit pas de rentrer dans le ventre de sa mère pour ressortir, mais plutôt de renaître de l’eau et de l’esprit. L’enfance n’est pas une question d’âge. Je crois que l’innocence, la renaissance sont de bons appels pour toute personne adulte à Noël.

Quels types de prières sont plus recommandées aux chrétiens à Noël ? Action de grâce ? louange ? adoration ?...

Noël, c’est d’abord une communauté. La naissance de Jesus-Christ nous rappelle que nous sommes de nouveau en lien avec Dieu, donc en lien avec les autres. La fête de Noël doit se manifester spirituellement d’abord en communauté. Toute solennité dans l’Eglise catholique, c’est d’abord un appel à célébrer l’Eglise, à célébrer en Eglise. Pour une fois, aller à la prière ensemble, revenir fêter ensemble, c’est déjà un bon message pour un peuple ou pour une culture dans laquelle chacun se cherche au lieu de chercher avec et pour les autres.

Vous, en tant que vicaire, en tant que prêtre, comment comptez-vous vivre Noël, en dehors des célébrations que vous allez diriger ou auxquelles vous allez tout simplement assister ? Vous avez certainement un programme personnel pour les 24 et 25 décembre...

Vous savez, le programme d’un prêtre est plus simple que vous ne l’imaginez ! Nous aurons d’abord les célébrations la veille comme vous le savez. Tout ça se prépare, puis, il faut les animer. Après donc les célébrations, on va essayer de récupérer très rapidement, parce que le lendemain matin, dans les premières heures de la journée, on est reparti pour d’autres célébrations. Ce sera donc finalement au milieu de la journée que l’on pourra souffler un tout petit peu. Après ça, on essaye de voir si on a juste un peu de temps pour aller dire bonjour à quelqu’un, ou recevoir des gens qui se seraient déplacés. Vous allez peut-être vous étonner, mais c’est paradoxalement les jours de fête que je suis le plus tranquille. Certainement parce que tout le monde me croit très occupé ailleurs, et c’est le seul moment où je profite pour être tout seul, et puis me reposer.

Les différentes paroisses ont pris l’habitude, dans la foulée des grandes fêtes chrétiennes, de s’organiser et d’aller à la rencontre des malades, des personnes âgées, ou des populations démunies, pour échanger avec eux, leur donner la Bonne Nouvelle de Dieu, ou en tout cas, partager avec eux, quelques moments de bonne humeur. Cette tradition sera certainement respectée cette année...

L’apport des prêtres se situe avant même les fêtes. Nous avons un long programme de confessions. Quand on parle de confession, ceux qui ne pratiquent pas ce sacrement peuvent être un peu étonnés. Mais c’est un lieu où les personnes viennent vraiment se confier, parler de leurs propres problèmes et ils ont besoin de conseils et d’accompagnements. Et cela nous prend énormément de temps, mais permet de comprendre les uns et les autres, d’aller avec eux, et de les accompagner. Ensuite, nous avons plusieurs rendez-vous dans les quartiers où nous rencontrons des personnes âgées, des personnes malades qui sont seules, parfois complètement abandonnées. Nous allons donc vers ces gens-là, causer avec eux, leur donner la confession, la communion. Cette année, j’ai rencontré des gens qui sont tout seuls. Certains parmi eux nous causent beaucoup d’émotions. J’ai par exemple rencontré quelqu’un que je ne nommerai pas, mais qui fut le tailleur de beaucoup de personnes célèbres dans ce pays et qui, actuellement vit tout seul chez lui depuis 35 ans. Il n’a pas de femme, il n’a personne et ne vit que de ce que les voisins lui apportent à manger. Je vous assure que sa situation m’a profondément touché. Mais c’est ça aussi le prêtre : rencontrer et faire la joie de personnes qui sont isolées. Voilà donc notre façon de faire vivre Noël à ces personnes-là. On n’a pas grandchose, parce que nous ne sommes pas de grands argentiers comme les gens peuvent le penser. On n’est pas en mesure de sortir les chèques à gauche et à droite, mais voilà : un peu d’attention pour certaines personnes.

Vous avez certainement des voeux à formuler à l’endroit de certaines personnes à l’occasion de la Noël et du nouvel an ?

Noël, cette année pour moi, est une occasion exceptionnelle. Vous savez, en 1997, j’ai créé une association qui s’occupe des filles en difficultés et qui pousse à une plus grande solidarité entre élèves et entre étudiantes. Cela fait quand même 10 ans d’existence officielle pour cette association. Et depuis mon retour de France, je pense un peu à ce que sont devenus tous ceux qui nous ont aidés dans cette action, et je voudrais souhaiter à ces personnes, une bonne fête de Noël, et un joyeux anniversaire. Je voudrais également traduire tous mes voeux d’une solidarité vécue au quotidien, à tous ceux qui connaissent la solitude et qui veulent vraiment croire en l’avenir. Qu’en dépit de leurs épreuves et de leurs difficultés, toutes ces personnes seules et en particulier dans les milieux scolaires et universitaires, qui ne croient plus qu’elles peuvent encore avancer, puissent avoir la foi en un avenir certain. Je souhaite ainsi bonnes fêtes à mes amis, et partenaires de l’Association solidarité Marthe et Marie. Joyeux Noël à toutes et à tous !


ENCADRE

A Ouagadougou, les messes de Noël seront dites dans toutes les paroisses les 24 et 25 décembre, respectivement à 22 h et à 9 h.

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