Actualités :: Grève des 17 et 18 décembre 1975 : 32 ans après, les syndicats se (...)

Les 17 et 18 décembre 1975, les centrales syndicales lancèrent un mot d’ordre de grève générale, qui connut un grand succès et contraignit le général Lamizana à renoncer à son projet de création d’un parti unique.

32 ans après, les centrales syndicales du Burkina Faso et les syndicats autonomes s’en souviennent. A travers la déclaration commémorative qui suit, ils appellent leurs militants au renforcement des structures, à la mobilisation dans l’unité d’actions pour engager des luttes fermes.

Camarades militantes et militants, travailleuses et travailleurs du Burkina Faso, Les secrétaires généraux des centrales syndicales et des syndicats autonomes du Burkina Faso vous adressent leur salut militant, à l’occasion du 32e anniversaire de l’historique grève des 17 et 18 décembre 1975 !

Les 17 et 18 décembre 1975, à l’initiative des centrales syndicales d’alors, une grève générale avait paralysé la capitale de notre pays, faisant d’elle une véritable ville morte. Rappelons quelques éléments importants qui ont conduit à ces journées historiques des 17 et 18 décembre 1975.

La Haute-Volta était dans sa deuxième République. Profitant de l’opposition permanente entre le Premier ministre, Gérard Kango Ouédraogo, et le président de l’Assemblée nationale, Joseph Ouédraogo, le général Lamizana organisa un coup d’Etat le 8 février 1974, mettant ainsi fin à la 2e République !

Le 30 mai 1974, le général annonçait la suspension de la Constitution, l’interdiction des partis politiques et la création d’un Conseil consultatif national pour le renouveau (CCNR), composé de 70 (soixante-dix) membres. Ce Conseil était dirigé par un militaire, le lieutenant-colonel de gendarmerie Michel Démé. Il comprenait en son sein huit (8) représentants de centrales syndicales.

Le CCNR était chargé « d’émettre des avis motivés sur le programme du Gouvernement et de sensibiliser les masses populaires". Malgré leur présence dans ce Conseil consultatif, les syndicats appelaient à la vigilance, tout au long de l’année 1974.

A l’occasion du quatorzième (14e) anniversaire de l’Indépendance, le général Lamizana lançait cet avertissement : « Nous ne permettrons pas aux politiciens de se masquer sous le nom de syndicalisme pour semer la confusion et prêcher l’anarchie et la haine. Nous serons fermes et vigilants à l’égard de tout individu ou groupe cherchant à transformer les syndicats en organisations politiques".

Par la suite, et contre toute attente, il annonce le 29 novembre 1975 la formation d’un parti politique, le Mouvement national pour le renouveau (MNR), qui devait constituer le cadre unique de l’activité économique, sociale, culturelle et politique du pays. Tous les Voltaïques étant invités à rejoindre ledit mouvement. Cette annonce de la création d’un parti unique de fait suscita une vive désapprobation de différentes forces organisées dont les syndicats.

C’était conformément à la loi en vigueur

En effet, suite à cette déclaration, les syndicats organisent un meeting à la Bourse du Travail de Ouagadougou, le lendemain 30 novembre 1975. Au cours de ce meeting, les syndicats dénoncent la politique extérieure de la Haute-Volta, dominée par la France. Sur le plan intérieur, ils dénoncent le Mouvement national pour le renouveau (MNR) comme étant un parti unique et "demandent le retour à une vie constitutionnelle et démocratique normale", annoncent le retrait de leurs représentants du Conseil consultatif national pour le renouveau (CCNR), dénoncent les détournements de deniers publics dont ceux à la caisse de prévoyance sociale, et ceux des céréales destinées aux populations touchées par la sécheresse.

Le 2 décembre 1975, les centrales syndicales adressent une lettre tenant lieu de préavis de grève au ministre du Travail et de la Fonction publique dans laquelle ils rappellent les préoccupations suivantes :

"La gratuité effective de l’enseignement ; la révision des éléments composant le panier du SMIG ; la nationalisation effective et non la voltaïsation du service des eaux par le retrait total du capital privé et la gestion effective par les finances de l’Etat ; la révision du Statut général de la Fonction publique ;

le réajustement des salaires de 30% en fonction du coût de la vie ; la révision de la pension de vieillesse pour les travailleurs retraités relevant du régime du code de travail ; l’abaissement des prix et des taxes sur les produits importés ;

la démocratisation de l’enseignement et la liquidation de l’analphabétisme ; la révolution des techniques agricoles et une éducation réelle des paysans ; la vaccination gratuite du bétail ; la séparation des pouvoirs, un pouvoir populaire et démocratique ; l’arrêt du sous-emploi".

Et les responsables syndicaux concluaient ainsi leur analyse : "En cette fin d’année, nous constatons que rien de tout cela n’a fait l’objet d’un acte positif gouvernemental. Mais au contraire, depuis le mois d’août, les taxes augmentent et, pire, la Constitution restant suspendue, le Gouvernement du renouveau national, sans lever l’interdiction des activités politiques, déclare solennellement la création d’un parti politique qui doit servir de cadre à toutes les activités nationales.

Considérant que nos légitimes revendications n’ont pas été satisfaites et qu’on n’en parle même pas, nous avons l’honneur de porter à votre connaissance que l’ensemble des travailleurs se mettront en grève de 48 heures sur tout le territoire national dans 15 jours à partir de la date de ce jour, 2 décembre 1975. Conformément au règlement en vigueur, la présente lettre constitue un préavis de grève".

En droite ligne dans leur prise de position commune, les centrales syndicales, CNTV, CSV, OVSL, USTV, ont lancé le mot d’ordre de grève générale pour les 17 et 18 décembre 1975. La participation des travailleurs à cette grève fut extraordinaire : l’ensemble des travailleurs (syndiqués comme non syndiqués), ont répondu comme un seul homme au mot d’ordre des syndicats.

Jamais dans l’histoire du syndicalisme burkinabè, voire africain, on n’a connu un aussi grand succès de grève. Tous les marchés de la capitale, y compris le marché central (actuel Rood Woko), furent fermés. Ouagadougou était vraiment ce jour une ville morte. La participation exceptionnelle des travailleurs contraignit le général Lamizana à renoncer à son projet de création d’un parti unique.

Aujourd’hui, comme en 1975

Tout comme en 1975, la situation nationale actuelle interpelle le mouvement syndical sur le double plan de l’exigence d’un véritable Etat de droit et de la défense des intérêts économiques et sociaux des travailleurs.

En effet, sur le plan politique, la nette suprématie du Parti au pouvoir, le CDP (73 députés sur 111 à l’Assemblée nationale), renforcée par les partis de la mouvance présidentielle, les atteintes aux libertés démocratiques, les questions pendantes telles les candidatures indépendantes et l’impunité constituent des limites au plein exercice de la démocratie.

Par ailleurs, les préoccupations essentielles du monde du travail, contenues dans 1a plate-forme minimale des organisations syndicales, n’ont pas reçu de réponses satisfaisantes du gouvernement suite aux dernières négociations Gouvernement/ Syndicats des 15 et 16 novembre 2007.

Faut-il le rappeler, ces préoccupations sont relatives notamment : au relèvement du pouvoir d’achat des travailleurs de toutes les catégories et de tous les secteurs d’activités, par une augmentation des salaires et une diminution des impôts et taxes, en l’occurrence ceux des produits de grande consommation comme les hydrocarbures ; aux atteintes à la liberté syndicale marquées notamment par des sanctions arbitraires prises contre des responsables et militants syndicaux ; à l’impunité des crimes de sang et des crimes économiques ; à la prise en charge de la santé et de l’éducation du peuple.

Comme l’ont indiqué les conclusions de l’assemblée générale des responsables et délégués syndicaux et du personnel organisée à la Bourse du Travail de Ouagadougou le 20 novembre 2007 autour des résultats des négociations Gouvernement/Syndicats, la prise en compte des préoccupations des travailleurs ne peut s’obtenir sans une mobilisation conséquente de ceux-ci.

C’est pourquoi, à l’occasion de la célébration du 32e anniversaire des journées des 17 et 18 décembre 1975, les secrétaires généraux des centrales syndicales et des syndicats autonomes appellent leurs militants et l’ensemble des travailleurs du Burkina Faso à renforcer leurs structures syndicales, à se mobiliser pour que, dans l’unité d’actions, nous puissions engager des luttes fermes pour la défense des libertés démocratiques et syndicales, pour une gestion saine des biens publics, contre la vie chère, contre la privatisation de l’école et de la santé et contre l’impunité.

En cette fin d’année 2007, malgré la situation difficile du monde du travail, nous exhortons tous les travailleurs à aborder ces fêtes de fin d’année avec dignité et à s’engager dans l’année nouvelle avec encore plus de détermination et d’engagement dans les luttes pour imposer à la IVe République la prise en compte de nos légitimes revendications. Vive les 17 et 18 décembre 1975 ! Vive l’unité de lutte des travailleurs !

Ouagadougou, le 18 décembre 2007

Ont signé :

Pour les Centrales syndicales

CGT-B

Tolé Sagnon

Secrétaire général

CNTB

Laurent Ouédraogo

Secrétaire général

CSB

Jean Mathias Liliou

Secrétaire général

FO/UNSL

Joseph Tiendrébéogo

Secrétaire général

ONSL

Paul Kaboré

Secrétaire général

USTB

El hadj Mamadou Nama

Secrétaire général

Pour les Syndicats autonomes :

Le président du mois

Victor S. Hien,
Secrétaire général du SYNTAS

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