Actualités :: Professeur André Ouezzin Coulibaly, chirurgien cardiologue : “La Médipole de (...)
Pr André Ouezzin Coulibaly

Depuis 1993, le Professeur André Ouezzin Coulibaly, célèbre chirurgien cardiologue et fils de feu Daniel Ouezzin Coulibaly, a élaboré le projet du Centre international de soins de Sya (CISSYA), baptisé plus tard “ Médipole de Sya ” avec une vocation sous régionale.

En 2007, la concrétisation de la Médipole de Sya se fait toujours attendre alors qu’il devait être un pôle sanitaire de haut niveau et de premier ordre dans la sous-région Ouest africaine. Sidwaya a rencontré le Pr Ouezzin le 6 juin au Centre médical Macoucou-Traoré (CEMMATRA) sur l’avenue Guimbi-Ouattara au secteur n°4 (Koko) de Bobo-Dioulasso où il se trouve confiné pour le moment. Entretien.

Sidwaya (S.) : Professeur, qu’est-ce que la Médipole de Sya ?

André Ouezzin Coulibaly (A.O.C.) : La Médipole de Sya, c’est une idée qui est née il y a déjà bien longtemps. Elle est née en 1993 de la volonté d’avoir une structure médicale de haut niveau, avec un équipement tout à fait moderne et un personnel techniquement au point. Sous-tendant cette idée, nous pensions que la Médipole de Sya, compte tenu de la position de Bobo-Dioulasso que nous avons choisie pour le site, était idéal.

En effet, nous voulions en faire une structure privée sous régionale.

S. : Que devient ce projet ?

A.O.C. : Ce projet a connu pas mal de problèmes qui ne sont pas de ma faute. J’ai dû refaire le dossier à plusieurs reprises.

Figurez-vous que la demande d’ouverture de la Médipole de Sya a été déposée en 1993 et ce n’est qu’en 2004 que l’autorisation m’a été accordée alors que le dossier était complet. Figurez-vous également que pendant toute cette période, j’ai eu même à faire déplacer des financiers canadiens qui sont venus sur le terrain, mais qui ont fini par être découragés parce que nous n’avions pas obtenu l’autorisation.

S. : A l’heure actuelle, où en êtes-vous ? C’est le point mort ou quoi ?

A.O.C. : Vous savez, un projet est vivant lorsqu’il prend forme. Or ce projet qui a été imaginé depuis 1993, s’il n’est pas encore réalisé en 2007, comprenez que les gens se sont découragés... Tout simplement parce que la technologie, les techniques ont avancé, les coûts ont été multipliés. Actuellement, je n’ai plus les financiers qui étaient favorables au projet dans les années 2000.

S. : Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous êtes confronté dans la mise en œuvre de ce projet ?

A.O.C. : La première difficulté, c’est que lorsqu’on dépose un dossier, il faut attendre une autorisation. Si le projet est intéressant, les autorités en tiennent compte en vous accordant l’autorisation. Dans ce cas, vous recherchez les financiers. Si elles (les autorités) trouvent que le dossier n’est pas intéressant, on le supprime. Or croyez-moi, j’ai reçu beaucoup de lettres d’encouragement à tous les niveaux qui me disaient que le dossier était intéressant et que c’était une très bonne idée, mais l’autorisation ne m’a pas été accordée à cette époque.

S. : Est-ce que vous croyez que la Médipole de Sya intéresse réellement les autorités sanitaires du Burkina ?

A.O.C. : La question est à poser au ministre de la Santé en lui demandant s’il y a une place pour la médecine privée. Le projet de la Médipole de Sya, c’est un projet de médecine de haute qualité et privée. La question est de savoir si un tel projet intéresse les autorités ministérielles ou locales parce qu’à mon avis tout le monde est concerné.

S. : A ce que l’on dit, le projet aurait été égaré à maintes reprises au ministère de la Santé. Vous avez dû le reprendre chaque fois pour le remettre en route. Est-ce par négligence ou par volonté délibérée de le maintenir au stade de projet ?

A.O.C. : Mon dossier est un dossier parmi tant d’autres. Il n’est pas le seul à s’égarer dans les dédales de l’administration. Nous avons dû reprendre des dossiers pour plusieurs raisons. Est-ce que cela a été fait volontairement ou bien c’est le fait de l’administration telle qu’on la connaît ? Je ne saurais vous répondre. Mais toujours est-il que j’ai rempli les charges qu’on m’avait fixées. On m’a donné une liste de documents à fournir et je les ai tous fournis.

S. : Combien de fois avez-vous dû reprendre le dossier ?

A.O.C. : Au moins une dizaine de fois. J’ai eu affaire à quatre ministres de la Santé.

S. : Est-ce vrai qu’on conditionne le financement de la Médipole de Sya à son implantation à Ouagadougou ?

A.O.C. : Moi, je suis un Burkinabè. Je choisis de venir travailler à Bobo-Dioulasso parce que je pense que c’est une bonne idée. Et Bobo-Dioulasso est un carrefour. Maintenant, que l’on veuille faire une médipole à Ouagadougou, c’est faisable. Il y a des médecins qui sont tout à fait capables de faire la même chose. L’administration peut faire la même chose. Dans certains milieux, j’ai pu entendre des propos du genre : “ Si tu avais fait ça à Ouaga, ce serait bien... ” et puis c’est tout. Mais je ne peux pas dire qu’une personnalité est venue me dire : “ Fais ça à Ouaga sinon ça ne marche pas, basta ! ”

S. : Pourquoi tenez-vous tant à ce que cette médipole soit à Bobo-Dioulasso ?

A.O.C. : Le projet est avant tout sous régional, ce qui signifie qu’il doit intéresser un certain nombre de pays. Si vous regardez la carte de l’Afrique de l’Ouest, Bobo-Dioulasso est quand même au centre de la sous-région. Dans le préambule, dans les exposés des motifs, j’ai bien spécifié que j’ai implanté le projet à Bobo-Dioulasso parce que c’est un carrefour. Et là, personne ne peut dire le contraire. Ma conviction est claire et définitivement posée. C’est à Bobo-Dioulasso que je veux le faire.

S. : Aujourd’hui, qui s’intéresse réellement à l’aboutissement de votre projet ?

A.O.C. : Moi seul ! (silence et soupir). J’ai été tout seul du début jusqu’à maintenant parce que si j’étais soutenu par les autorités, qu’elles soient municipales, politiques, administratives, le projet aurait pris forme. Je vous conseille d’aller visiter l’hôpital de Bobo-Dioulasso pour voir si c’est propre, si les gens sont bien reçus, s’il y a du matériel adéquat. L’ambition de la Médipole, c’est d’accompagner la médecine publique en sachant que cette médecine publique marque le pas, pour des raisons diverses (économiques, politiques, sociales,...).

L’hôpital de Bobo-Dioulasso n’a pas changé depuis longtemps. Comme il n’a pas changé, qu’est-ce qu’on peut faire ? Je suis un enfant du pays. Que ma clinique soit installée à Bobo-Dioulasso, à Ouagadougou ou ailleurs, cela n’a pas d’importance ! Je suis Burkinabè ! Si je viens pour aider quelque chose à avancer, où est le problème ?

S. : Que peut apporter un tel projet à la ville de Sya s’il voyait le jour ?

A.O.C. : Je crois qu’on n’a pas bien saisi l’importance de la Médipole de Sya. L’idée de départ, c’est que c’est un projet sous régional, ce qui implique une certaine qualité. Je veux un personnel qualifié pour y travailler. La Médipole implique beaucoup de personnel et vous savez que ceux qui vont y travailler ont derrière eux des familles entières. Quand on crée une structure pareille, il y a ce qu’on appelle les effets directs, c’est-à-dire le personnel de haute qualité qui va être employé. Ce seront des professeurs, des médecins, des sages-femmes ... Il y a ensuite les effets indirects notamment l’entretien des locaux (gardiens, chauffeurs, techniciens, électriciens ...).

La clinique n’est pas située en plein centre de Bobo-Dioulasso, mais hors de la ville, ce qui signifie que le transport va y gagner. Et comme les gens viendront de toute la sous-région, les hôtels auront leur part du gâteau. Le tourisme, l’artisanat de la ville vont également y gagner de même que les banques, les assurances et autres. C’est tout cela que la Medipole de Sya va apporter à Bobo-Dioulasso, à travers des effets directs, indirects et induits. Au-delà d’une structure de santé, la Médipole de Sya est une structure socio-économique.

S. : Croyez-vous que ce projet pourrait voir le jour d’ici là.

A.O.C. : Cela ne dépend pas de moi. Mon projet est là. Il date de 1993, ce qui veut dire qu’il doit être remanié parce que la technologie a évolué. Au moment où j’imaginais ce projet, l’informatique n’était pas encore opérationnelle. Moi, j’avais prévu à cette époque de faire de la télémédecine. C’était donc un projet bien élaboré, dans le futur même si maintenant cette télémédecine fait partie du présent.

S. : A votre âge (ndlr : 70 ans depuis mars 2007), le combat pour l’aboutissement de ce projet vaut-il toujours la chandelle ?

A.O.C. : Ma conviction est que les bonnes idées ne meurent jamais. J’ai été content l’autre jour lorsque j’ai entendu dire que le nouveau centre hospitalier universitaire prévu à Ouagadougou a une vocation sous régionale. Qu’est-ce que j’avais dit en 1993 ? Exactement la même chose. J’ai voulu, sur la base de mon expérience, créer ce projet. S’il est repris par d’autres qui ont plus de moyens que moi, où est le problème ?

S. : Vous n’avez donc pas peur qu’on récupère vos idées ?

A.O.C. : Vous savez, dès que vous avez une idée, elle est récupérée immédiatement. Certains refusent de donner leur dossier à des banques, des institutions parce qu’on le refile au cousin, à l’oncle, au beau-frère. Pendant ce temps, on met le coude sur votre dossier. C’est donc dire que depuis 1993, mon dossier a été recopié, 1000 fois ! Seulement, l’exécution du dossier c’est autre chose. Je suis content d’avoir eu cette idée même si elle est reprise par d’autres, des Africains, des Européens.

S. : Qu’espérez-vous ?

A.O.C. : Je sais que si on veut, on peut ... parce que je suis convaincu qu’il y a même des Burkinabè qui peuvent financer ce projet, quitte à ce qu’il y ait un appoint de l’extérieur.

S. : Etes-vous personnellement prêt à mettre de l’argent dans ce projet, si vous en avez ?

A.O.C. : La Médipole de Sya est une structure qui va s’étendre sur 10 hectares, comprendre de multiples services avec du matériel moderne et du personnel qualifié. Tout cela va revenir cher alors que je ne suis pas milliardaire. Si j’avais l’argent pour réaliser tout seul ce projet, il serait en route depuis bien longtemps. Je me serais passé de tout le monde. Du reste, j’ai beaucoup investi en frais de dossier, de voyages, d’hôtels...

S. : Estimez-vous que quelqu’un a eu intérêt à bloquer volontairement votre projet ?

A.O.C. : Voilà un projet qui se tient, que j’ai déposé depuis 14 ans. Voilà un projet pour lequel on a mis 11 ans à me donner l’autorisation. Quand on réfléchit bien, on peut se dire qu’il y avait quelqu’un qui avait intérêt à bloquer ce projet parce qu’on a voulu le récupérer. Pourquoi avoir attendu 11 ans pour délivrer l’autorisation ? Le temps pour que tous les partenaires intéressés par ce projet s’en aillent, las d’attendre parce que, quoi qu’on dise, ce ne sont pas des philanthropes. Ce sont des hommes d’affaires et quand on met en place une affaire, ou ça marche ou ça ne marche pas ! Si ça marche, tout le monde en tire un bénéfice. Si c’est une affaire qui s’enlise comme c’est mon cas, les éventuels partenaires s’en vont parce qu’ils ont d’autres chats à fouetter.

Ce qui m’est arrivé est donc normal et je n’en suis pas étonné. En 11 ans, beaucoup de choses ont changé, il y a eu une inflation. Tous ces partenaires en ont eu marre d’attendre le bon vouloir d’une signature qui tardait alors que ces gens ne s’engagent que lorsqu’il y a un document dûment signé. J’ai eu le document en 2004 mais pour ces partenaires, il n’est pas évident que ce soit toujours intéressant pour eux, surtout qu’il y a des cliniques un peu partout dans la sous-région.
Si je dis reprendre le projet, je dois le réévaluer dans ce contexte local et sous régional. Je reste tout de même convaincu que la Médipole de Sya reste un projet valable. Malheureusement, je suis seul !

S. : Quelque chose de particulier à ajouter ?

A.O.C. : C’est dommage que ce projet ne prenne pas corps dans l’esprit de ceux qui devraient être les premiers intéressés, c’est-à-dire les Bobolais. Je ne serai pas le seul à travailler et à tirer profit de la Médipole de Sya. Quand on se dira que ça peut être intéressant pour la ville de Bobo-Dioulasso, on aura fait un pas en avant. Il peut arranger beaucoup de choses. Il faut une volonté locale, administrative, politique, de santé. Moi, j’en ai, mais en face, il n’y a pas jusqu’à présent de répondant.

Interview réalisée par Urbain KABORE

Sidwaya

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