Actualités :: Crise universitaire : Ils auraient tort de négliger la fronde

Depuis des semaines, les amphithéâtres de l’Université de Ouagadougou (U.O.) sont désespérément déserts. Et pour cause, les étudiants, dans leur majorité emmenés par l’Association nationale des étudiants du Burkina (ANEB), observent un mot d’ordre de grève pour obtenir la satisfaction de leur plate-forme revendicative subdivisée en trois points.

- académiques et pédagogiques : la bonne dispense des cours, la publication annuelle d’un calendrier de l’année universitaire et son respect par toutes les UFR, le sérieux et la rigueur dans les enseignements et les évaluations, la construction d’autres amphithéâtres, le maintien des frais d’inscription aux anciens tarifs, la participation effective des étudiants aux instances de décision, etc. ;

- volet social : l’augmentation du nombre de bourses, de l’aide à 200 000 FCFA par an et l’élargissement de sa base aux étudiants du second cycle, l’arrêt du contingentement des plats au restaurant universitaire (moins de 8 000 repas servis pour 30 000 étudiants à l’U.O. selon l’ANEB) ;

- et enfin l’abrogation du décret portant création, attributions, organisation et fonctionnement d’un service de sécurité des universités, et la justice dans l’affaire Dabo Boukary, étudiant en 7e année de médecine assassiné en mai 1990.

Ces questions, qui font l’objet d’un bras de fer entre l’ANEB et les autorités universitaires, datent de trois ans à en croire le secrétaire général du comité exécutif de l’ANEB, Adama Traoré. Des revendications légitimes dont la satisfaction, ne serait-ce que quelques points, pourrait améliorer un tant soit peu les conditions de vie et d’études des "grands élèves".

Il faut le reconnaître, c’est dur d’être étudiant de nos jours. Finie cette belle époque où l’étudiant était presque systématiquement boursier et pouvait s’acheter une L2 et suivre ses cours dans un cadre agréable. Aujourd’hui, ils sont nombreux à s’inscrire à l’université. Malheureusement, le développement des infrastructures n’a pas suivi cette augmentation du nombre des étudiants.

En plus de cette équation à double inconnue, ils sont confrontés à des questions de survie, car bon nombre d’entre eux sont issus de famille modeste qui ne peut supporter les charges des études. Face à une telle situation, seule la lutte semble être ce qui paie rubis sur l’ongle.

Aussi, l’ANEB, qui a toujours été le porte-flambeau du combat pour l’amélioration des conditions de vie et d’études, a de la matière pour mobiliser les étudiants, dont la plupart répondent au mot d’ordre de boycott des cours et aux marches, meetings et sit-in comme ceux du jeudi 10 mai 2007.

En face des "marcheurs", les autorités universitaires, depuis des années, observent la même stratégie : laisser le temps faire son œuvre, espérant qu’ils finiront par se lasser. A défaut, on sort la carte bien connue : les briseurs de grève à travers les syndicats d’étudiants fantoches créés de toutes pièces et financés en conséquence par le pouvoir.

C’est de bonne guerre, car dans une lutte, chacun se défend à sa manière avec, naturellement, les armes dont il dispose. Autant les responsables du campus manipulent certains groupes d’étudiants contre l’ANEB, autant les actions de ce syndicat sont téléguidées par des forces extérieures, notamment des partis politiques et des mouvements syndicaux.

N’est-ce pas Halidou Ouédraogo, le président du "Pays réel", au plus fort de la crise Norbert Zongo, qui avait affirmé que l’ANEB est le bras droit du "Collectif" ! De part et d’autre, les forces en présence sont donc l’objet de manipulation. Cependant, il y a lieu de dénoncer certaines pratiques de l’association que dirige Adama Traoré.

Si tous les moyens sont bons pour atteindre ses objectifs, il faut reconnaître à chacun et à tous la liberté ou le droit de grève. Quand bien même l’ANEB serait majoritaire, elle doit permettre à la minorité de décider librement de suivre ses mots d’ordre. Mais que constatons-nous ?

Des piquets de grève sont installés dans toutes les UFR avec des éléments prêts à violenter tous ceux qui oseraient pointer le nez pour un quelconque cours, à tel point que certains professeurs sont obligés de surseoir à leur repos dominical afin de pouvoir terminer un module avec leurs étudiants.

Sans peut-être le savoir, ces éléments zélés du Syndicat, en utilisant la violence pour contraindre leurs camarades à suivre le mouvement, desservent cette lutte légitime de l’ANEB et portent atteinte à son image.

De son côté, le pouvoir aurait tort de négliger la fronde en usant du dilatoire et de la langue de bois. C’est connu, ce sont les petites étincelles qui engendrent les grands incendies. Ce que les étudiants demandent, ce n’est pas la mer à boire.

Avec les événements de décembre 2006, on a vu la célérité avec laquelle les revendications des militaires ont été prises en compte. C’est vrai, les militaires parlent avec les armes, prêts à dégainer. Mais les étudiants, tout comme les ouvriers, n’ont que leurs propos acides, et à la limite, des gourdins pour faire mouche.

Ce qui n’est pas comparable. Heureusement que le tout dernier Conseil des ministres en sa séance du 16 mai a satisfait quelques points de leur plate-forme revendicative notamment l’augmentation de l’aide et du prêt (lire à ce propos p.....). Reste à savoir quelle sera la réaction de l’ANEB face à ces mesures nouvelles. Les cours reprendront-ils ? Les jours à venir nous situeront.

Adama Ouédraogo Damiss

L’Observateur Paalga

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