Actualités :: Enseignement secondaire privé au Burkina : L’éducation avant le commerce, (...)

Les SYNTER demande aux fondateurs de réviser leur méthode. Dans les établissements d’enseignement privés burkinabè, les coûts de la formation augmentent sans cessée. Au même moment, les enseignants voient leurs conditions de travail et de vie se détériorer chaque jour.

C’est le constat contrasté dénoncé à travers les colonnes de Sidwaya par le Syndicat national des travailleurs de l’éducation et de la recherche (SYNTER) dans une lettre ouverte adressée aux fondateurs d’établissements d’enseignement privé.

Messieurs les fondateurs d’établissements privés, vous avez décidé de vous engager dans la mission louable de contribuer à l’éducation des enfants de ce pays Ce faisant, vous vous donnez les moyens par des frais de scolarité qui vont, selon nos informations, de 50 000 F CFA (CEG en province) à 500 000 F CFA (pour les établissements à internat). C’est donc plusieurs dizaines de millions que vous encaissez chaque année scolaire.
Par ailleurs, dans le cadre de sa politique d’enseignement privé, le gouvernement de la IVème république vous apporte des appuis massifs.

Cette politique a un passé qu’il faut situer à la fin des années 80 où l’Etat burkinabè en mesures d’accompagnement de la libéralisation intégrale des frais de scolarité, a décidé d’apurer les arriérés de cotisations des fondateurs privés à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale. C’est suite à ce cadeau que les frais de scolarité qui avaient été bloqués sous le CNR à 40 000 et 45 000 F CFA au secondaire ont connu une hausse autorisée par le Front populaire à hauteur de 10%, avant qu’au début des années 1990, la libéralisation intégrale n’intervienne On assista alors à des frais de scolarité atteignant dans certains établissements 160 000 F CFA, pour l’enseignement secondaire général et 300 000 F CFA dans l’enseignement technique, en régime externat.

Dans le même temps, la plupart des établissements qui avaient des professeurs permanents se lancèrent dans des licenciements intempestifs de professeurs qualifiés que le président du SYNEPEL (prédécesseur de l’UNEPEL) d’alors, traitait de “voyous” cherchant à masquer ainsi la chasse aux sorcières, engagée contre les militants syndicaux qui tentaient de faire respecter les droits fondamentaux des personnels de ces établissements. Cela se passa dans l’indifférence, sinon la complicité de l’Etat tant et si bien que les permanents sont devenus une espèce rare dans les établissements privés. Et quand il y en a, ils sont l’objet d’une exploitation féroce avec beaucoup de travail, mais de maigres salaires et une négation totale de la législation du travail.

Dans la même décennie 90, un projet du MESSRS, Projet d’enseignement post-primaire (PEPP) construisit sur financement de la Banque mondiale, des salles de classe pour les établissements privés déjà fonctionnels et des établissements entiers, donnés en location-vente ou en location-gérance à des amis politiques

Aujourd’hui encore, le peuple burkinabè attend le bilan de cette opération ! Et c’est après tous ces cadeaux et bien d’autres facilités que le gouvernement s’est engagé ouvertement à cette rentrée scolaire à prendre de l’argent dans le budget de l’Etat pour soutenir des entreprises commerciales dont les promoteurs que vous êtes affirment chaque année la non rentabilité.

Cependant, on constate que beaucoup d’entre vous passent en l’espace de quelques années d’un simple établissement à un complexe scolaire (comprenant le préscolaire, le primaire, le secondaire et quelque fois, le supérieur en plus). De même, les établissements privés s’ouvrent par dizaine chaque année. Dans la seule ville de Ouagadougou, on dénombre aujourd’hui plus de deux cents (200) établissements privés d’enseignement secondaire contre seulement une vingtaine du public.

Ceux qui se sont spécialisés dans le secteur ont deux ou trois complexes de ce genre. Les autres, c’est-à-dire ceux qui ont d’autres domaines d’activités, transvasent dans ces domaines, les millions récoltés par les sacrifices des parents d’élèves malgré l’état de pauvreté extrême qui les caractérise. On retrouve ainsi des fondateurs dans l’import-export, le transit, les transports, le bâtiment, l’hôtellerie, les pompes funèbres, etc.

Le seul intérêt alors c’est celui du commerce, loin de celui de l’éducation. Et on comprend alors pourquoi les salaires qui constituent le principal poste de dépense, ne sont pas assurés dans beaucoup d’établissements. Confortablement installés dans cette ambiance d’enrichissement rapide, de nombreux fondateurs considèrent les luttes des travailleurs pour de meilleures conditions comme des actes de sabotage de leurs affaires.

Les 4 questions du SYNTER aux fondateurs

Messieurs les fondateurs, au lieu de traiter avec autant d’ingratitude des enseignants qui triment dans les classes à effectifs démentiels (plus de 100 élèves dans certains cas) et avec des revenus déshonorants de 2000 F pour trois heures de travail (une heure en classe et deux à la maison) , vous feriez mieux de répondre à ces questions
- Combien avez-vous de professeurs permanents ?
Car l’article 69 du cahier des charges stipule :
- le fondateur est soumis aux obligations suivantes :
- recruter des professeurs en nombre suffisant dont au moins 30% de professeurs permanents dès la première année d’ouverture de l’établissement, 40% à la troisième année, 50 % pour compter de la quatrième année
- Recruter les personnels enseignants, administratifs. d’appui et de soutien selon les règles en la matière.
2 - Sur le plan administratif et pédagogique, combien d’entre vous respectent - ils les obligations mentionnées à l’article 70 qui précise
 le fondateur doit en outre, respecter les programmes d’enseignement, les volumes horaires et les calendriers officiels, les durées de formation et les niveaux de recrutement des élèves,
- s’acquitter des impôts, des taxes et de toute cotisation prévue par les textes,
- garantir la sécurité des élèves et des personnels dans l’enceinte de l’établissement
- respecter les effectifs officiels par classe.
- se soumettre au contrôle des services techniques compétents de I’Etat, notamment ceux du ministère de tutelle,
- mettre à la disposition du personnel enseignant du matériel pédagogique, des livres conformes et en quantité suffisante

3 - Quel fondateur, qui tout en réclamant haut et fort son statut d’entrepreneur, respecte-t-il les dispositions de l’article 74 notamment en ce qui concerne la mise en place du délégué du personnel sous l’égide de l’inspection du travail ?

Articles 74 : les personnels jouissent de leurs libertés de travailleurs dans le cadre des lois et règlements en vigueur, etc Quelles mesures concrètes l’UNEPEL, votre organisation qui courtise continuellement l’Etat pour des appuis et qui pour cela se montre aujourd’hui si prompte à accompagner le gouvernement dans la mise en oeuvre de la mesure injustifiable de 10% sur le taux des heures de vacation, a-t-elle prises pour amener les fondateurs membres de sa structure à respecter ces obligations ? Les fondateurs dont beaucoup sont de simples commerçants sont au contraire laissés à eux-mêmes, libres de décider cc qui les arrange et de rejeter ce qui leur cause des désagréments.

On assiste ainsi dans les établissements privés à
- des licenciements abusifs et à l’absence quasi totale de personnel permanent Un vacataire peut oeuvrer pendant des années dans un établissement et se retrouver du jour au lendemain sans emploi parce qu’il a été remercié selon l’humeur du fondateur ;
- des fermetures intempestives d’établissements sans respect des droits minimaux des travailleurs et mettant ainsi les élèves en difficulté de terminer convenablement leur année scolaire comme ce fut encore le cas à l’ex- Plateau de Alfred Kaboré il y a juste un an de cela ; - au non respect des programmes, des volumes horaires, des calendriers officiels.

Le calendrier scolaire officiel fixe en général la fin de l’année scolaire en mi-juillet. Mais dans de nombreux cas, les cours sont arrêtés autour du 10 mai dans les établissements privés. Outre cela, ce sont des semaines culturelles commandées qui privent les élèves de cours pendant des semaines entières.

Des fondateurs se tapent ainsi des mois d’économie au détriment de l’intérêt de l’éducation. Ce sont les parents d’élèves, les élèves et les enseignants qui en pâtissent. Et après cela, on s’étonne de la baisse du niveau des élèves et partant, de la non performance interne et externe de l’éducation ; - non respect du niveau de recrutement des élèves. On met ainsi des élèves dans des classes sans qu’ils n’aient les pré-requis nécessaires à leur réussite.

On crée alors les conditions d’échecs scolaires et un terrain propice aux fraudes ;
- l’absence de contrat de travail ;
- l’absence de droit de congés pour les vacataires dont de nombreux n’évoluent que dans l’enseignement privé ;
- l’irrégularité des salaires ; - etc.
Les travailleurs du privé, pour une grande partie d’entre eux, sont en réalité des « travailleurs au noir », ils ne sont reconnus ni par le ministère du Travail et de l’Emploi, ni par celui de l’Enseignement secondaire, supérieur et la Recherche scientifique, ni par les institutions bancaires, ni par la CNSS Cela les place dans une situation de précarité, d’exploitation à outrance, d’insécurité et de la peur du lendemain. Sur l’ensemble du territoire national, ce sont des centaines, voire des milliers de personnes de niveau cadres supérieurs qui œuvrent dans la vacation pure, Cette vacation s’effectue en général au moins une année, sinon des années.

Pendant donc des années, ces cadres travaillent sans bulletin de paie, sans être déclarés à la Caisse de sécurité, sans possibilité de contracter un prêt dans une institution bancaire, sans protection sociale, etc. Cette extrême précarité des enseignants compromet gravement la bonne croissance psychologique et spirituelle des enfants que vous avez la vocation d’éduquer.

Messieurs les fondateurs,

En vous donnant pour vocation la mission d’éduquer les enfants de la nation, votre rôle d’éducation devient fortement suspect si votre enrichissement rapide va à l’encontre des bonnes conditions de vie et de travail de ceux qui font le travail mais qui sont payés en monnaie de singe.
Le SYNTER estime que vous pouvez faire, sans que cela ne ruine, l’option de respecter vos différentes obligations ci-dessus rappelées, et de rechercher des solutions sages avec les travailleurs et leurs organisations.
Notre syndicat exprime sa disponibilité dans ce sens ; par contre, il déconseille vivement la voie aventuriste de la répression et des représailles empruntée par certains fondateurs comme celui du Lycée Privé Académie, qui vient de licencier des travailleurs pour fait de grève.

Pour le Bureau National
Le Secrétaire général
Mamadou BARRO

Sidwaya

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