ActualitésDOSSIERS :: Joseph Ki-Zerbo conduit à sa dernière demeure

Le professeur Joseph Ki-Zerbo, décédé à l’âge de 84 ans à son domicile à Ouagadougou, le 4 décembre dernier, a été inhumé dans sa ville natale à son domicile de Toma. Une inhumation festive sur fond de parenté à plaisanterie entre Mossé et Samo. 48 heures dans le sillage du cortège funèbre de Ouagadougou à Toma.

Désormais, Joseph Ki Zerbo repose à son domicile familial de Toma après avoir vécu 48 h d’oraison funèbre. De Ouagadougou à Toma en passant par Réo, Didyr, Sapala, Koin, c’est une salve de coups de fusils, d’escales de prière avec en sus, une foule nombreuse sur le long du trajet, qui ont accompagné le professeur Joseph Ki-Zerbo à sa dernière demeure.

Il est 10 h en ce jeudi 7 décembre 2006 lorsque le cortège funèbre, après une messe dite en la cathédrale de l’Immaculée Conception de Ouagadougou, s’ébranle vers Toma. A la vitesse moyenne de 80 km par heure, le cortège, d’une trentaine de véhicules arrive à l’entrée de Koudougou à 12h 20 mn. Des danseurs et tambouriniers l’accueillent à l’entrée par des pas de danse.
Les autorités administratives prendront le relais un peu plus loin.

Le cortège sera accompagné sous escorte policière jusqu’à la sortie de Koudougou, en direction de Réo. Là, l’homme des NAK, koudbi Koala, à la tête d’un groupe de flutistes, tambouriniers et danseurs, esquissent des pas de danse. Une banderole à quelques mètres annonce la couleur de la parenté à plaisanterie : "Samo atypique, affranchis-toi avant de passer cette barrière. Tes chefs".

Des billets de banque "affranchissent le vieux Samo". Le passage est libéré. 13 h 20. Réo. Des milliers d’hommes, de femmes (en majorité), d’enfants amassés aux abords de la voie principale et les autorités administratives rendent hommage à l’illustre disparu. Des danseurs et des flutistes, venus du Sanguié, redoublent d’intensité à la vue du cortège. Une femme tenant une nouvelle calebasse pleine d’eau limpide, verse deux jets devant le corbillard : "c’est l’eau de bienvenue donnée à l’étranger". Sous les cris d’acclamations de la population, le cortège arrive à l’église de Réo. Il est 13 h 30.

Des coups de fusils et de cloche mobilisent les esprits et prédisposent à la prière. Une messe est dite là pour quatre raisons selon l’officiant : "à la demande de la famille Ki-Zerbo, par devoir de reconnaissance et de piété pour le père de Joseph, Alfred Diban Ki-Zerbo qui a fondé avec les missionnaires, l’église de Réo. Aussi, pour la mère du Professeur qui a apporté avec Alfred Diban, le signe de croix, la lumière du baptême et les fleurs de la résurrection. Enfin, selon l’abbé, parce que, en 2012, l’église de Réo fêtera ses 100 ans, les défunts prient afin que cette célébration soit belle. "

Deux crapauds en sacrifice pour les Samo

15h 51 mn. Didyr. Trois coups de fusils brisent le silence qui s’était installé à la vue du cortège. Le tintamarre de la cloche de l’église de Didyr réveille les relents de prière. C’est dans cette église paroissiale que fut baptisé le professeur Joseph Ki- Zerbo, précise le prêtre. Une prière est dite, le cercueil est aspergé d’eau bénite et encensé de cet encens qui embaume la nef de l’église.

Pendant ce temps, à 200 m de là aux abords du marché, des élèves et des jeunes dansent et chantent. Un trompettiste souffle de temps à autre dans une trompette. Sur une pancarte, les élèves rendent hommage : "le CEG de Didyr rend hommage au Pr Ki-Zerbo." Là aussi, la parenté à plaisanterie fait pleuvoir des billets de banque.

De Didyr à Sapala, en passant par Kya, les abords des voies sont pris d’assaut par une foule endiablée, des danseurs rivalisant de prouesse, qui avec de jeunes enfants, qui avec les masques Samo à l’allure forestière tellement ils sont "touffus".

A Koin, il est 17 h 10. Trois camions Benne sont affretés pour convoyer les danseurs. Pendant ce temps, les plus petits enfants sont portés sur les épaules de leurs parents pour ne rien rater de ce cortège funèbre.

Il est 18h à 6 km de Toma. Une nappe de poussière indique l’avancée du cortège. Le girophare du corbillard l’indique avec précision alors que la nuit enveloppe le temps. Arrivé à deux kilomètres du domicile du défunt à l’entrée de Toma, les Mossé bloquent la voie. Munis d’arcs et de fléchettes, ils exigent que le " vieux Samo " s’affranchisse d’abord. C’est le tohu-bohu. L’on négocie avec à la clé, des billets de banque. Le leader du groupe demande à voir le corps.

A hauteur du corbillard, il menace de percer les pneus du corbillard si l’on n’ouvre pas le cercueil. Il est amadoué avec des billets de banque. Il retourne vers ses compagnons. A la vue de la situation, un Samo lance " demain, il sera institué une carte de séjour pour les Mossé ". Après plus d’une dizaine de minutes, les mossis acceptent la doléance et proposent de faire le sacrifice nécessaire. Deux crapauds et une calebassée d’eau sont requis.

Dans la nuit, un vieux s’accroupit et incante : "Nous avons perdu un homme et nous le cherchons, il s’appelle Ki-Zerbo. Qu’il prenne cette eau et bénisse le peuple burkinabè au nom du Mogho Naaba ". Sur ces mots, il verse le contenu de la calebasse par terre. Il remet les deux crapauds au cortège qui s’ébranle.

Sur deux kilomètres, le cortège roulera à pas de tortue entrecoupé d’arrêts de groupes à parenté à plaisanterie. Entré à 18 h à Toma, c’est à 20h 30 que le corbillard a pu franchir la porte du domicile du Professeur et ce, de force. Le conducteur fut obligé de presser la foule de Mossé mais aussi de milliers d’hommes et de femmes venus à l’occasion barrer l’accès à l’intérieur de la concession. Ce fut ainsi que débuta à 21h, la veillée funèbre après que des autorités réligieuses eussent signé le livre des condoléances.

Daouda Emile OUEDRAOGO


...le jour de l’inhumation

Le 8 décembre au matin, après une nuit de prière, Toma s’est réveillée sur une note de deuil. Dans les rues, les dolotières sont présentes. Les élèves ont suspendu les cours pour inhumer le professeur. Les autorités administratives, politiques (plusieurs ministres et députés), les anciens comme Gérard Kango, les gouverneurs, les évêques etc sont là.

A 9 h, la cloche de l’église perchée sur la colline, juste à l’entrée de la concession, sonne en même temps que les fusiliers annoncent les couleurs. Après la bénédiction du corps à domicile par l’archevêque Anselme Titianma Sanon, ce dernier est transporté à l’église pour la messe célébrée par l’évêque Zéphirin Toé.

Moment intense de communion et de témoignages, la messe funèbre fut le summum de la cérémonie d’inhumation. Durant plus de quatre heures (de 10h à 14h 30) d’horloge, les populations de Toma ont communié et prié pour " l’ancêtre " Ki- Zerbo. Une pléiade de témoignages livrés entre autres par les professeurs Cheick Amidou Kane du Sénégal, Aly Lankouandé, Ouiminga, Me Benewendé Sankara, Tolé Sagnon de la CGT-B, le porte-parole de la famille Ki-Zerbo, ont rappelé les "hauts faits" de l’illustre disparu. Ses dernières luttes politiques, les souvenirs émouvants de l’obtention de son agrégation en Histoire et le fait que le monde des historiens perd un grand intellectuel.

C’est exactement à 14h 47mn que le cercueil de Joseph Ki-Zerbo a été mis dans le caveau au son de tam-tams, de coups de fusil et des youyou des femmes Samo. Son épouse, Jacqueline Ki-Zerbo suivie de ses enfants et des évêques aspergèrent le cercueil d’eau bénite.

Ainsi, repose dans son domicile de Toma le professeur Ki-Zerbo à côté de la tombe de son papa Alfred Diban Ki-Zerbo.

Le monde en général et le Burkina Faso en particulier, se souviendront de ce Samo intellectuel sous le nom de Joseph Ki-Zerbo.

Daouda Emile OUEDRAOGO

Sidwaya

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