Actualités :: Burkina : ‘’Les reformes doivent être faites pour l’Etat, consolider la (...)

Le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) a, vendredi, 6 octobre 2023 à Ouagadougou, organisé un dialogue démocratique multi-acteurs autour du rapport de l’Assemblée législative de transition (ALT) issu des « journées d’échanges avec les forces-vives des régions sur les réformes politiques, institutionnelles et administratives de la transition » et, subséquemment, de faire un parallélisme avec les résultats d’une démarche citoyenne menée par le CGD, dans le cadre de son programme FasoVeil, auprès des forces-vives des régions sur le même objet relatif aux réformes.

Pour introduire les échanges, deux communications ont été livrées ; par l’ancien directeur général des libertés publiques et des affaires politiques, expert sur les questions électorales et constitutionnelles, Dr Aristide Béré, qui a porté son appréciation sur les réformes contenues dans le rapport de l’ALT, et par l’ancien président de la Commission des affaires sociales au Conseil national de la transition, chargé de programme au CGD, Asseghna Anselme Somda, qui a présenté les résultats de consultations citoyennes menées auprès des forces-vives des régions sur les reformes.

Ainsi, Dr Béré a d’abord examiné l’environnement de ces réformes avant de jauger leur contenu. « Sur le point concernant l’environnement de ces réformes, quatre considérations, de notre point de vue, peuvent être envisagées. Premièrement, la démarche ; nous nous posons la question de savoir, au regard de la démarche qui a été faite, s’il ne s’agit pas, en définitive, de reformes octroyées.

Selon des participants, même les débats de 2014 sur l’article 37 n’ont pas divisé autant les Burkinabè en patriotes et apatrides...

Certes, l’idée de consulter les populations au plus près est en soi une bonne démarche démocratique, parce que cela réalise l’inclusion du peuple dans la conduite des affaires publiques, mais nous avons l’impression d’une série de réformes octroyées (parce qu’un important travail de conceptualisation d’un ensemble de reformes a été fait, synthétisé et envoyé aux hauts-commissaires de provinces et aux gouverneurs de régions, afin que ceux-ci puissent expliquer aux forces-vives et recueillir leurs avis). (…). On peut donc dire que du point de vue de la démarche, les reformes communiquées ne sont pas fondamentalement endogènes aux forces-vives, mais plutôt exogènes, du moins, en partie », a situé Aristide Béré.
La deuxième considération de l’environnement des réformes concerne, dit-il, « le dimensionnement même de ces réformes ». De l’avis du spécialiste, il y a eu un problème de « calibrage » et d’« arbitrage » (le nombre de réformes proposées étant impressionnant).

« A l’examen des réformes envisagées, un niveau d’ingénierie et de technicité était quand même exigé, pour fournir des explications correctes aux forces-vives. Et pour avoir suivi quelques consultations régionales, ou provinciales, je puis dire que certaines thématiques qui ont été envisagées souffraient d’un défaut d’explication, d’un point de vue technique. Si fait que ceux-là mêmes qui étaient chargés d’expliquer avaient souvent du mal à introduire et à expliquer ces réformes. La conséquence a été que, très souvent, on a proposé des reformes décalées, du point de vue de leur pertinence », a, en troisième considération, poursuivi Aristide Béré.

"...Il faut que les dirigeants travaillent dans leurs discours à rassembler les Burkinabè, il n’est pas difficile de rassembler les Burkinabè".

Quant à la quatrième considération sur l’environnement des réformes, elle a porté sur la cohérence d’ensemble, en rapport ici avec les attributions de l’ALT et celles du gouvernement, précisément du ministère de l’Administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité (MATDS). « Nous pouvons affirmer qu’il y a eu peut-être un problème de coordination entre l’exécutif et le législatif ; parce qu’au même moment que le MATDS envoyait des projets de loi aux partis politiques, au même moment, ces questions étaient soumises aux forces-vives, qui étaient d’ailleurs déjà actées dans le document de l’ALT », décèle-t-il.

‘’Il faut sérier les réformes par ordre de priorité…’’

Cependant, le communicant note que les reformes contenues dans le rapport sont, les unes aussi pertinentes que les autres. Ce qui le conduit à l’autre étape de sa démarche, à savoir le contenu des réformes. Il retient quelques-unes, dont celles concernant les élections sur lesquelles, le document de l’ALT propose le plafonnement des dépenses des campagnes électorales, l’organisation des élections par le MATDS en lieu et place de la CENI, la Carte nationale d’identité burkinabè (CNIB) comme document de vote, la refonte du fichier électoral, etc. Pour Aristide Béré, si la première proposition peut être pratique, la CNIB comme document de vote cache beaucoup d’insuffisances, au regard de la situation actuelle de l’état civil et de bien d’autres implications organisationnelles.

Aussi pense-t-il que plusieurs raisons militent au maintien de la CENI (Commission électorale nationale indépendante, fruit d’un consensus national) qu’au retour à l’administration publique (MADTS) pour organiser les élections. Le communicant indique en outre qu’il faut, au regard du contexte, opter pour une révision du fichier électoral plutôt qu’à une refonte de celui-ci.

Selon la coordonnatrice du programme FasoVeil du CGD, Béatrice Sawadogo (à gauche), ces échanges seront suivis d’un forum à l’issue duquel, sera établi un cahier de propositions de réformes aux fins de plaidoyer auprès des autorités compétentes.

En tout état de cause, conclut-il, « je pense qu’après le recueil populaire de ces propositions, il faut approcher les questions de manière technique pour dégager les aspects qui valent la peine d’être effectivement abordés (les forces-vives ont fait des propositions, il faut que techniquement, certaines reformes puissent être sondées). Il faut en outre sérier ces réformes par ordre de priorité, et en lien avec les missions et objectifs de la transition ».

Après avoir présenté les résultats des ateliers régionaux sur les réformes politiques et institutionnelles initiées par le CGD, Asseghna Anselme Somda a fait une lecture croisée avec ceux de l’ALT. De son exposé, on retient, et entre autres, que les forces-vives souhaitent une réorganisation de la vie politique par l’instauration de règles d’éthique (moralisation de la vie politique et publique), une limitation des partis politiques par le durcissement des conditions de création et d’existence, le respect du principe des 30% (quota genre) sur les listes électorales, la mise en place d’un cadre de dialogue politique et social inclusif, la relecture du code électoral pour prendre en compte le parrainage citoyen (en plus des parrainages des députés et des maires), la suppression de la Haute Cour de justice et de la justice militaire.

Sur le plan administratif, les forces-vives prônent la dépolitisation de l’administration, la suppression des départements et le renforcement de la décentralisation. Elles appellent également à la promotion de la méritocratie au sein de l’administration publique, à la mise en place d’un plan de carrière type par ministère, au redécoupage administratif du territoire sur des critères objectifs, etc.
Au niveau socio-économique, les forces-vives demandent la reconnaissance de la dot, des mariages religieux et coutumiers ; la mise en place d’une assurance maladie universelle pour tous ; le plafonnement des coûts des parcelles en fonction des zones, etc.

« Dans nos tournées, il n’est ressorti nulle part, de supprimer la CENI ; bien au contraire, les gens ont demandé son renforcement », compare M. Somda. De même, dévoile-t-il, il a été souhaité un renforcement du CES (Conseil économique et social), en rendant sa consultation obligatoire sur certaines questions, plutôt que sa suppression, comme il en ressort dans le rapport de l’ALT. Aussi apprend-il que les forces-vives ont, à la faveur de ces ateliers régionaux, proposé la limitation des mandats des députés à trois tandis que le rapport de l’ALT indique que les participants aux échanges ont proposé que le mandat pour ces élus soit plafonné à deux.

De g. vers la d. : Asseghna Anselme Somda, Pr Serges Théophile Balima (modérateur) et Dr Aristide Béré.

‘‘Les conditions de révision de la Constitution (article 165) ne sont pas toutes réunies ’’

« Également, dans nos consultations, les gens ont estimé que des réformes constitutionnelles peuvent être bienvenues, mais au regard du contexte, les priorités doivent être plutôt ailleurs. Quand on regarde effectivement du point de vue technique, lorsqu’on parcourt l’article 165 de la Constitution (c’est la disposition intangible de notre Constitution, insusceptible de révision), les conditions de révision ne sont pas toutes réunies à l’étape actuelle de la situation socio-politique et sécuritaire de notre pays. Notamment, du fait que l’Etat ne contrôle pas l’entièreté de son territoire, alors que dans cette disposition, il est clairement dit qu’aucune proposition de révision n’est recevable lorsque la révision est opérée dans un contexte qui porte atteinte à l’intégrité du territoire. Or nous sommes bel et bien dans un contexte d’atteinte à l’intégrité du territoire », partage en substance M. Somda, insistant par ailleurs que les reformes doivent être faites pour l’Etat, consolider la démocratie, et non pour un régime.

Cet avis est également partagé par les participants au dialogue, qui pensent de ce fait que les réformes doivent requérir un consensus confortable, pour éviter leur remise en cause par les pouvoirs à venir.

Participant aux échanges, le directeur de publication de Kaceto.net, Joachim Vokouma, se félicite d’un cadre qui a réuni des participants de divers horizons. « C’est à l’exécutif, destinataire, d’en faire une synthèse plus scientifique, plus élaborée, pour en tirer la substance. (…). Ce que je note aussi, c’est la volonté de voir disparaître le débat manichéen, qui oppose, de façon fictive, les patriotes et les apatrides. Il n’y a pas d’apatrides dans ce pays, tout le monde aime ce pays, chacun a une appréciation différente de la situation et une solution qui est différente de l’autre. Mais, nous sommes tous des patriotes et je suis très content d’avoir entendu des gens demander qu’on mette fin à ce débat manichéen qui ne fait pas avancer le pays », résume M. Vokouma.

"On a assez parlé de réformes au Burkina Faso. Même la nouvelle Constitution est dans le tiroir. Les reformes sont dans le placard. Il faut juste capitaliser les propositions antérieures"

Aussi souligne-t-il que le sujet sur la fin de la transition ne doit pas non plus être un tabou. « Il faut en parler ; puisqu’il y a la Charte de la transition qui a défini clairement le délai qui est de juillet 2024. Ce débat-là doit se poser sans tabou et sans passion », a-t-il apprécié à l’issue des échanges qui ont duré environ trois heures.

Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net

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