Actualités :: Enterrement des restes de Thomas Sankara et ses douze camarades au conseil (...)

Le 23 février 2023, ont eu lieu les obsèques de Thomas Sankara et ses douze autres compagnons d’infortune, sous la présidence du Premier ministre Me Apollinaire Kyelem de Tambèla, contre l’avis d’au moins trois familles qui n’ont pas assisté à ces inhumations sur le lieu des crimes. Pour les besoins de l’enquête judiciaire, les 13 corps qui reposaient au cimetière de Dagnoën avaient été exhumés. Après le procès, la question de donner une sépulture digne aux martyrs de la révolution s’était posée et les familles avaient été invitées à faire des propositions de lieux pour les sépultures.

Cette concertation voulue avec les familles, reconnaissait la propriété, l’appartenance des dépouilles mortelles aux familles. Chose admirable, les treize familles avaient trouvé qu’il ne fallait pas séparer ceux que la haine et la cruauté des assassins avaient réuni. Elles ne voulaient pas de ce lieu-dit de l’entente qui est la scène du crime, là où le bain de sang s’est fait un 15 octobre 1987 pour donner le pouvoir au capitaine Blaise Compaoré. Mais la recherche d’un lieu apaisant, ne réveillant pas les anciennes plaies et douleurs était en cours.

A la dernière minute, faute de trouver le site idéal, la famille Sankara avait proposé de repartir au cimetière de Dagnoën où les corps avaient été exhumés ou au jardin de l’Amitié au bout de l’avenue Thomas Sankara. Mais ces propositions et l’appel en larmes de Blandine Sankara, la sœur cadette du président Thomas Sankara, au président de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré, restera lettres mortes, paroles emportées par le vent. Le sort était jeté depuis longtemps, ceux qui ont décidé de la création du mémorial Thomas Sankara avaient fait une préemption sur les corps des suppliciés pour leur entreprise, ce serait un manque à gagner au fonds de commerce.

La tradition pour justifier le refus

Avec l’arrivée du MPSR1 au pouvoir, une volonté d’aller rapidement à des obsèques se fait jour. Pour des raisons que beaucoup n’ont pas le courage de dire publiquement. Une certaine opinion a vite fait de mettre nos déboires militaires sur le dos de ces « morts rouges » qui ne sont pas enterrés sur les lieux du crime. Et pourtant, les suppliciés du 15 octobre 1987 ne sont pas une exception et les exemples sont nombreux de personnes assassinées qui ont eu une sépulture ailleurs que sur le lieu du crime.

Jusqu’aujourd’hui, l’armée ramène les corps des soldats morts à la guerre à Ouagadougou. Mais il semble qu’après avoir donné sa vie pour le pays, certains demanderaient encore quelque chose aux restes de Thomas Sankara : mettre fin à la guerre contre le terrorisme, en reposant là où il a été assassiné. Et pour cela on convoque la tradition, les règlements de l’armée alors que les exemples foisonnent où la tradition, notre culture et les règles de l’armée ne sont pas respectées.

Lire aussi Burkina : Les restes de Thomas Sankara et ses compagnons d’infortune ré-inhumés à huis clos au Conseil de l’entente

Manque d’empathie

La tournure prise par ces évènements dramatiques montre comment avec cette guerre nous manquons d’empathie même quand nous voulons afficher à la face du monde que nous sommes reconnaissants à des héros, nous montrons le contraire en infligeant par la même occasion douleurs et souffrances aux proches de ses défunts que nous disons aimer.

Est-ce vraiment aimer Thomas Sankara et ses compagnons en allant contre la volonté de leurs enfants, épouses, frères et sœurs ? Le vrai amour serait de l’aimer avec ses parents, ou tout au moins de reconnaître que c’est d’abord grâce à eux que nous avons le héros et que leurs peines et douleurs comptent pour nous, et que nous sommes à leurs côtés dans cette perte immense.

Mais non, on les a rejetés, on ne les a pas écoutés, aucune sympathie, pas un seul geste de reconnaissance envers eux. Qu’est-ce que ces familles n’ont pas enduré toutes ces années ? Elles n’ont rien demandé à l’Etat pour les dommages subis. Et l’Etat, implacable, soutenu par tous ceux qui ont vécu ces dernières années sur le nom, l’image et l’aura du premier des martyrs Thomas Sankara, n’a pas jeté un œil sur la douleur et la souffrance des veuves et des orphelins.

C’est bien la première fois qu’un pays retire à une famille ses droits les plus élémentaires sur les restes de son époux, de son père et de son frère. Partout dans le monde, on n’honore pas une personnalité contre le désir de la famille. La famille, à moins d’une volonté écrite par le défunt, est celle qui décide du lieu de la sépulture et des cérémonies.

On ne comprend pas pourquoi ces politiciens qui étaient à cette cérémonie ne se contentent pas de l’action politique, de l’héritage idéologique et social, de l’aura et du charisme de Thomas Sankara qui subsisteront après tout, mais veulent tout, prennent tout et s’accaparent des restes au prétexte que l’homme par son action dépassait une famille, un pays, un continent.

Mais sans sa famille, serait-il devenu ce qu’il a été ? S’il n’avait pas eu une certaine éducation familiale, un environnement familial donné, aurait-il été le héros qu’il a été ? Ce qui s’est passé est d’une violence inouïe pour les familles. De quel droit prive-t-on des enfants, des conjointes, des frères et sœurs de pouvoir avoir un lieu de recueillement pour leur père, époux et frère ? Pourquoi devraient-ils avoir à vivre le souvenir de la personne aimée que dans le sang et la violence ? Le procès avec son verdict devrait permettre à ces familles de se reconstruire, mais une épée vient de nouveau d’être plantée violemment dans la plaie par ceux qu’elles estimaient être de leur côté.

Quand est-ce que ces familles quitteront-elles les ténèbres du deuil pour la lumière du jour et se reconstruire, si tout un gouvernement et certaines des élites du pays leur retirent avec brutalité les restes et le souvenir de l’être aimé au prétexte qu’il serait trop grand pour elles ?

Le MPSR2 vient de commettre ainsi une faute politique par ce geste. Rien de grand ne se construit sur les larmes et les douleurs des veuves et des orphelins. Si on est convaincu de la justesse de ses idées, il faut prendre le temps de les partager, les expliquer pour convaincre les autres. Aller vite donne l’illusion d’avancer. Si les bases de l’édifice ne sont pas solides, il s’écroulera et on devra recommencer.

Sana Guy
Lefaso.net

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