ActualitésDOSSIERS :: Présidentielle 2020 : Zéphirin Diabré et ses tunnels, on a les candidats qu’on (...)

La campagne électorale comptant pour l’élection présidentielle du 22 novembre 2020 est déjà à mi-chemin et les différents candidats rivalisent toujours de promesses plus alléchantes les unes que les autres.

Quand Abdoulaye Soma promet depuis Banfora la création d’une société minière d’Etat et d’un fonds monétaire burkinabè de 100 milliards de FCFA, Tahirou Barry annonce lors de son meeting à Dori vouloir faire du Sahel une véritable usine de transformation de lait alors qu’au même moment Rock Marc Kaboré s’engage depuis Tenkodogo à gagner le pari de la sécurité et de la stabilité du pays.

Dernière promesse en date, celle de Zéphirin Diabré faite avant-hier lors de son escale à Dédougou et consistant d’une part à construire des « tunnels » afin de relier les fleuves Mouhoun, Sissili et Nakanbé et d’autre part à construire un « tunnel » qui relierait le Burkina Faso à la mer afin d’accroitre les possibilités de développement économiques du pays.

De façon sommaire, on définit un tunnel comme une galerie souterraine construite pour donner passage à une voie de communication piétonne, routière ou ferroviaire tandis qu’un canal est une voie navigable artificielle permettant la circulation dans un réseau fluvial. Ainsi, en promettant la construction de « tunnels », Zéphirin Diabré pensait probablement à la construction de « canaux ». Autrement, la réalisation de son projet apparaitrait d’un point de vue technique extrêmement improbable, sans même évoquer son coût financier dont l’importance décourageait tout investisseur.

Si de toutes les promesses électorales, celle de Zéphirin Diabré est celle qui a pour le moment suscité le plus de réactions, en tout cas sur les réseaux sociaux et souvent de façon très moqueuse, ce n’est probablement pas en raison de l’ambition de son auteur pour son pays qu’elle est supposée exprimer mais bien en raison de son caractère manifestement démagogique. En tant que telle, elle est symptomatique de campagnes électorales qui sont devenues au fil des élections une course aux promesses les plus farfelues, si ce n’est les plus risibles.

Mais au-delà du rire voire du malaise qu’elle a pu susciter, cette promesse de tunnels pose une question inquiétante. Comment un homme politique aussi expérimenté, un intellectuel aussi brillant avec un parcours professionnel aussi respectable que le sien a-t-il pu tomber, sombrer même dans une démagogie aussi grotesque ?

De manière assez surprenante, la réponse à cette question dépasse la personne de Zéphirin Diabré ; elle pourrait même à certains égards l’absoudre. En effet, le problème que cette histoire de tunnels soulève ne se situe pas tant au niveau de l’offre politique, c’est-à-dire au niveau des candidats mais bien au niveau de la demande politique, c’est-à-dire au niveau des électeurs. Au fil des campagnes électorales, il est apparu que ces derniers n’étaient pas pour la plupart en quête d’un débat politique sérieux et rigoureux.

Les idées politiques surtout quand elles sont émancipatrices intéressent de moins en moins les électeurs qui, parce que vivant pour beaucoup dans des conditions difficiles sont davantage préoccupés par le quotidien, l’ici et le maintenant, les t-shirts et les pagnes, les bons d’essence et les paquets de sucre au point que la pauvreté en est venue à excuser toutes les compromissions.

Au regard de cette donne, les acteurs politiques mêmes les plus intéressants comme Zéphirin Diabré qui faut-il se souvenir avait donné un souffle nouveau à la vie politique burkinabè du début des années 2010 ont cru tout naturellement devoir s’aligner au risque de perdre leur crédibilité.

Résultat des courses, le débat politique s’en est trouvé appauvri, les acteurs politiques rivalisant de promesses les improbables et les électeurs en ressortant toujours plus bernés. Dès lors, on aurait tort de rire des tunnels promis par Zéphirin Diabré, bien au contraire, on devrait en pleurer car ils disent tout du niveau de nos attentes politiques, c’est-à-dire zéro.

Après tout, un peuple n’a jamais que les dirigeants qu’il mérite.

Daouda OUEDRAOGO
Docteur en droit

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