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Humeur : Quand des soldats paient des mercenaires pour se faire garder

20 septembre 2021, 13:17, par Sidpawalemde Sebgo

Grand frère Sayouba Traoré, je vais essayer de vous répondre alors...

L’idée générale, c’est qu’un militaire doit s’occuper de combattre l’ennemi au front, et non s’occuper "d’intendance", et que la sécurité des autorités, des institutions, des ambassades et même des casernes militaires relève de cette intendance.

Cette doctrine a été développée à partir de 1989 par Dick Cheney, alors secrétaire à la défense du président Georges H W Bush. Historiquement, les armées étaient conçues comme des entités indépendantes, faisant tout elles-même, à la fois pour des raisons pratiques (on ne peut pas toujours retourner à la base pendant une guerre) mais aussi de sécurité. Beaucoup de nos armées sont ainsi des états dans l’état, certaines ayant même leurs boutiques et usines.

Dick Cheney a commencé à externaliser des tâches logistiques comme la blanchisserie ou la construction. Avec le temps, l’entrainement, la sécurité des bases militaires ou des personnalités sont passés aux "contractors", ces sous-traitants venus de sociétés de sécurité privées. Ces dernières ont connu alors un développement exponentiel à travers le monde, tous les pays occidentaux adoptant la même démarche.

Aujourd’hui, la sécurité de la quasi totalité des bases militaires françaises sont assurées par des sociétés de sécurité privées, et c’est aussi le cas des américains ou des britanniques. Ils estiment que les militaires ont mieux à faire que de contrôler des voitures et des identités à la porte du camp. Ils doivent aller au combat, point barre. C’est aussi le cas des ambassades de la plupart des pays occidentaux à travers le monde, chacun essayant bien sûr dans la mesure du possible de favoriser une société de sa nationalité.

Si la société américaine "Blackwater" a défrayé la chronique avec ses exactions sur des civils en Irak et en Afghanistan, c’est l’arbre qui cache la forêt. En effet, les britanniques "AEGIS" et "Saladin", la canadienne "GardiaWorld", les françaises "GEOS ADIT Group" , "Amarante" et "Sentinel" se partageaient les marchés de la sécurité des bases militaires occidentales et des ambassades dans ces deux pays, ainsi que la sécurité des personnalités et la formation des armées locales. L’ambassade de France à Kaboul a été gardée par Amarante, avant que GEOS ne lui souffle le contrat.

Et ces contrats sont loin de se signer toujours dans la transparence. En 2020, une enquête administrative et une autre judiciaire ont été ouvertes contre la société française de sécurité privée "SZELEST sécurité", pour comprendre comment elle a pu être attributaire de trois contrats de sécurité des bases navales et terrestres françaises à la Réunion alors qu’elle ne disposait d’aucun agrément !

Le goût prononcé des gouvernements et armées pour cette pratique a aussi d’autres raisons. L’une d’elle est de pouvoir envoyer ces mercenaires faire le sale boulot sans impliquer officiellement le pays. Une autre est d’assurer un point de chute confortable aux anciens militaires, le gros de leur troupes. "Amarante" a été crée par un ancien de la DGSE, les services secrets français. Le fondateur de "Blackwater" est un ancien Navy Seal ; GEOS est dirigé par un ancien général de l’armée française. Plusieurs de ces sociétés comptent dans leur direction des anciens hauts gradés et même ministres, avec des salaires stratosphériques.

Pour dire simplement que l’idée que des militaires se fassent garder par des "mercenaires", si elle peut ressembler à une "bamboulade" de nègres, fait partie du concept moderne des armées dans le monde entier.

Les exemples donnés plus haut montrent bien que la France elle-même est familière de la pratique, chez elle et à l’étranger. On peut donc en conclure que ce n’est pas le recours à une telle société au Mali qui la dérange mais sa nationalité. Ce en quoi elle ne peut avoir raison.

La France se retire progressivement du Mali, comment pourrait-elle reprocher au pays de chercher à combler ce vide en "libérant" des soldats des tâches de sécurité pour les redéployer ? Car c’est ça l’idée : Confier à "Wagner" les taches de sécuriser les institutions, personnalités et bases et la formation, pour ainsi utiliser les militaires maliens qui s’en occupent actuellement à autre chose, le temps de recruter et former de nouveaux fama.

Peut-on répudier sa femme et lui interdire de refaire sa vie ?

Cordialement