Actualités :: Burkina : De plain-pied dans les pratiques politiques, sans politiciens, et (…)

Avec la suspension le 30 septembre 2022 des activités politiques, l’on croyait au moins à une certaine volonté de moralisation de la vie publique. Hélas ! Environ deux ans après, cette mesure n’a de mérite que d’avoir simplement changé d’acteurs ou contribué à la reconversion de certains individus partisans politiques. Les pratiques, elles, restent les mêmes. Malheureusement, avec un pas supplémentaire vers le gouffre, en ce sens que ce qui, hier, heurtait la morale est devenu simplement un effet de mode et a pignon sur rue. Et demain ne semble pas non plus être la fin de cette descente, tant une certaine dynamique en vigueur consiste à casser le thermomètre que de faire baisser la fièvre.

Les Burkinabè se résignent et/ou s’accommodent de plus en plus des propos de violences, de haine, de divisions, etc. Ce qu’on a reproché aux organisations politiques pour justifier toute la campagne en soutien de leur exclusion de l’animation de la vie publique se vit malheureusement, en pire. Les propos d’hommes politiques qui ont, à l’époque, valu leur audition par les institutions de la République, une réprobation de l’opinion publique puis leur mea-culpa, ne représentent quasiment plus une dérive.

L’espace public apparaît aujourd’hui comme l’apanage des seuls "soutiens", pour ne pas dire laudateurs, du pouvoir en place. En clair, la vie publique burkinabè est aujourd’hui loin d’être débarrassée de ce dont elle était accusée, quand les politiques étaient en activité. Tout porte à croire qu’on a accusé les partis et formations politiques pour confortablement se mettre à leur place et poursuivre la marche.

Hier, les Burkinabè ont assisté avec les organisations politiques, à ces velléités de mobilisation “recto-verso”, aux moyens de pratiques décriées. Aujourd’hui, rien de tout cela n’a changé. Seuls les noms des organisations et concepts ont changé. D’ailleurs, derrière ces activités et manifestations, se tiennent parfois des briscards politiques, qui ont le nez creux (opportunisme). Et dans le jeu, tout est mis en œuvre pour s’acheter une virginité politique.

Mais au-delà de ces pratiques, visiblement devenues une tradition dans la gouvernance au Burkina, on constate qu’un pallier est franchit avec l’avènement du MPSR I, poussé sous le MPSR II. C’est cette traite de discours de violences, de menaces, de haine, de rancœurs et de divisions.

Jusque-là, tout ce qui était en rapport avec ces éléments anti-sociaux étaient plus ou moins un tabou, une sorte de seuil infranchissable dans la parole publique. On se souvient, au passage, que le 10 juin 2015 (sous la Transition), Yamba Malick Sawadogo, un des cadres et membres-fondateurs du Mouvement pour le peuple et le progrès (MPP) a, à la Maison du peuple, tenu des propos à l’occasion d’une rencontre de la coordination des marchés et “yaars” du parti dans le Kadiogo. 48 heures après, précisément le 12 juin 2015, et sur la base des comptes-rendus, la gendarmerie nationale a convoqué l’auteur pour l’entendre sur ses propos jugés ‘’extrêmes’’.

« Joint ce 13 juin au téléphone par Burkina24, l’intéressé confie que cette situation est en fin de compte positive car il lui permet de s’inscrire dans une ‘’démarche pédagogique’’ afin que cela ‘’ne se répète plus’’ car selon lui, ce sont des propos qui auraient ‘’pu enflammer le pays” », pouvait-on lire des regrets de l’intéressé avec le confrère de Burkina 24.

Dans la même période, le président de Le Faso autrement, Ablassé Ouédraogo, a été également auditionné, le 13 juin 2015, par la gendarmerie nationale pour un élément diffusé par un magazine international, sur des propos jugés en lien avec la religion et l’ethnie.

Le Burkina était alors dans un contexte d’effervescence, avec la perspective des élections couplées présidentielle et législatives de fin de Transition. Mais, la vie publique n’a pour autant pas cédé de ses valeurs. Le souci de préservation de cohésion sociale, de l’unité nationale, des valeurs qui fondent la société burkinabè..., bref, d’un seuil infranchissable, a été ressenti dans la mémoire collective des Burkinabè, à commencer par les institutions.

Toutes ces deux figures politiques ont fait amende honorable par rapport à leurs propos.

Tout Burkinabè épris de paix, de justice, d’unité nationale et de l’avenir du pays n’en demandait d’ailleurs pas mieux comme réflexe de la part des institutions et personnes compétentes en la matière. Chaque entité s’est donc assumée, les acteurs ont été interpellés et leçon a été tirée pour toute la société.

Malheureusement, aujourd’hui, on ne peut que citer cela comme un bon exemple, tant l’espace public, virtuel comme physique, est frappé par le vent de violence, de haine, de menaces, de rancœurs, de divisions et sans que les auteurs n’en soient interpellés. Les activités de mobilisations et autres manifestations de soutien à la Transition n’ont quasiment de messages à convaincre que de contraindre par des menaces, des injures, invectives et autres propos haineux... Le seul style en vogue, c’est celui qui véhicule les germes d’un enlisement de la société. Le souci de la décence et du bon sens a foutu le camp chez bon nombre qui s’érigent en soutiens de la Transition.

Le comble, c’est lorsqu’on se retrouve dans cette ambiance de violences verbales émanant de personnes qui, au nom de certaines entités considérées comme garant de valeurs communes nationales, prennent publiquement la parole pour ‘’légitimer’’ ces dérives. On est allé jusqu’à banaliser la vie humaine, par tous les moyens, et sous les yeux des enfants et des plus jeunes, qu’on accusera demain dans d’autres circonstances de ne pas avoir d’égards pour les valeurs sociales. Ce qui heurtait hier les sensibilités tend à ne plus l’être ; au contraire, ça fait “patriote” et ça implique tout ce que cela comporte comme avantages.

Mais, va-t-on continuer dans cette lancée ? Et jusqu’à quand et pour quel résultat ? Une chose est sûre, la tendance n’est pas du tout bonne, et tout Burkinabè soucieux du devenir du pays se doit de ne pas rester indifférent face aux risques que cela présente pour tout le monde.

Insultés et haïs qu’ils sont et puissent être, tous ceux qui aiment ce pays et éprouvent un pincement au cœur de le voir souffrir, doivent toujours attirer l’attention sur les dérives.

On ne le dira jamais assez donc, il y a impératif à déconstruire et décourager les discours de violence, de haine, de menaces, de rancœurs et de divisions. Il faut travailler diligemment à désarmer les cœurs, limiter la propagation des risques inutiles, miser sur ce qui unit et non tirer sur les ficelles de divisions. Et la balle est dans le camp de l’autorité, maître du thermomètre national. C’est à elle de donner le ton, de montrer la volonté et la voie à suivre, par des actes à même d’éliminer ou de minimiser les germes de désagrégation continue de la société. Sans orgueil, mais aussi, sans laxisme !

Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net

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