Actualités :: Crise ivoiro-ivoirienne : Gbagbo persiste dans l’erreur

Alors que vendredi prochain, s’ouvre en principe à Abuja, un sommet ouest-africain sur la crise ivoirienne, la dernière sortie du président Gbagbo prouve définitivement qu’il est le principal obstacle au retour de la paix dans son pays.

Diatribes violentes à l’encontre des « Rebelles » et ses voisins traités « d’ennemis » de la Côte d’Ivoire et de « profiteurs » (sic) qui s’enrichissent de la crise, hommage à Thabo Mbeki et à la médiation sud-africaine, c’est un camouflet et un outrage que Laurent Koudou Gbagbo vient d’infliger au président en exercice de l’Union africaine, Olusegun Obasanjo et à tous ses pairs ouest-africains.

Si jusqu’à présent le président ivoirien était resté vague dans ses accusations (quoique l’allusion aux « voisins du Nord » soit on ne peut plus clair) il a cette fois-ci franchi le Rubicon de l’irresponsabilité, en voyant en ceux-là mêmes qui ne cessent de se démener pour éteindre le feu qui brûle son pays depuis trois ans, des pyromanes et des saprophytes qui lui en veulent, lui Gbagbo et son pays la Côte d’Ivoire.

Obasanjo, président en exercice de l’UA et qui agit, faut-il le rappeler, en cette qualité d’abord et en voisin qui subit les effets collatéraux de la crise comme les autres (la communauté nigérianne est l’une des plus importantes en RCI) est donc prié d’aller se « rehabiller ». « Nous avons fait notre part du travail », a réaffirmé Gbagbo qui a par ailleurs indiqué qu’il existait une kyrielle d’accords qui n’ont jusque-là pas été appliqués.

La faute certainement aux faucons de son camp qui ont voué aux gémonies les accords de Linas-Marcoussis qui, faut-il le dire réglaient dans le fond comme dans la forme, le problème ivoirien. Du fond justement de la crise, parlons-en pour dire qu’en « bon » socialiste qu’il était, Gbagbo aurait dû favoriser les minorités et les défavorisés par le biais d’une politique sociale et économique moins nombriliste. Surtout que son pouvoir n’avait pas toute la légitimité voulue, lui qui était parvenu au fauteuil présidentiel à la suite d’artifices politiques qui avaient écarté le PDCI/RDA et le RDR de la course. « J’ai été élu dans des conditions calamiteuses » a-t-il du reste déclaré après les massacres des 24 et 25 octobre 2000.

Au lieu d’opter donc pour la voie médiane, Gbagbo a choisi le raidissement politique, mettant la Côte d’Ivoire en ébullition permanente. Derrière les mutins du 19 septembre 2002, il faut voir non pas une « cinquième colonne » soutenue de l’extérieur, mais des conscrits que Guéi avait voulu démobiliser pour « délit de faciès » et appartenance ethnique « dangereuse ».

Et, comme Gbagbo a confirmé la tendance en accentuant les ravages de l’ivoirité, la politique ne pouvait que se transformer en guerre.

La fermeté, seul « mot d’ordre »

Une guerre que l’on veut mettre sur le dos des autres, parce que les « Rebelles » seraient partis de chez les voisins du Nord, qui les auraient lourdement armés pour accomplir leur forfait. Nonobstant le fait que cela prouve que Gbagbo a la mémoire courte et n’a pas la reconnaissance du ventre, lui qui a bénéficié du gîte, du couvert et de commodités diverses de la part de l’actuel pouvoir burkinabè, force est de reconnaître que l’analyse pêche par légèreté. Il y a d’abord que les « Rebelles », comme souligné plus haut, étaient des experts en maniement des armes qui n’avaient pas besoin d’un grand soutien pour s’emparer de la ville de Bouaké au regard, de la pusillanimité des forces de défense et de sécurité ivoiriennes de l’époque et des multiples soutiens dont ils pouvaient disposer dans la ville. Après s’être emparés de Bouaké, ils avaient du coup à leur disposition tout l’arsenal militaire qu’Houphouë-Boigny avait fait délocaliser dans cette ville par crainte d’éventuels putschs et ce, malgré la présence des forces françaises en Abidjan. Enfin, le contexte politique et militaire de la sous-région à l’époque était propice à la prolifération et au commerce d’armes dans l’Ouest ivoirien sous contrôle du MPIGO. Faut-il le rappeler des anciens de Sierra-Léone et du Libéria comme Sam Bockarie alias Mosquito, Johnny Paul Korouma et bien d’autres y pilulaient, vendant leur « expertise » au plus offrant. Si donc au départ, les « Rebelles » n’avaient pas une grande force de frappe, ils ont par la suite pu asseoir leur puissance militaire et leur leadership politique sur leur zone. Malgré ses efforts et les signaux qu’il n’arrête pas d’émettre pour faire preuve de sa bonne foi, le Burkina Faso continue donc de faire face à un mur de méfiance et de suspicion apparemment entretenu par des considérations politiciennes.

Si fait que depuis le 19 septembre 2002 et bien avant, si ce ne sont pas des expulsions et autres spoliations subies par des citoyens burkinabè, ce sont des accusations en cascades de manœuvres déstabilisatrices qui tombent sur le pays des Hommes intègres. Après la rencontre ici à Ouagadougou entre un envoyé du président Gbagbo et le ministre d’Etat Salif Diallo, on pensait enfin que l’occasion de convoler en secondes noces était venue.

Au contraire, c’est le ciel qui s’abat encore sur le Burkina Faso avec les même accusations d’ingérence de pays étrangers qui ont tous les traits des « voisins du Nord ». Du reste le Courrier d’Abidjan et Abidjan.net avaient préparé le terrain en qualifiant le Burkina Faso « d’agresseur », faisant avorter du même coup, la visite de bons offices que Salif Diallo devait effectuer à Yamoussoukro, lundi dernier. C’est le retour donc à la case départ, avec les menaces qui peuvent peser sur les ressortissants burkinabè en Côte d’Ivoire et la situation inconfortable du gouvernement, qui doit tenir compte de la souveraineté d’un pays et de la défense des intérêts de ses citoyens à l’extérieur. Si le pays a jusqu’ici fait preuve de sagesse, de prudence et de hauteur de vue c’est que la marge de manœuvre était fort étroite et surtout parce qu’il ne fallait pas exposer nos compatriotes à la vindicte populaire.

Le Burkina Faso s’est donc démarqué des déclarations intempestives et des démonstrations de muscles qui pourraient jeter de l’huile sur le feu, privilégiant le travail de l’ombre avec fermeté.

Mais, toute patience a des limites et comme l’a dit Michelle Alliot Marie, il faudra « s’impliquer davantage » dans la résolution de la crise ivoirienne.

Tout le monde sait que la solution passe par la résorption de ce climat de suspicion et de préjugés ethniques savamment entretenu par Laurent Gbagbo. Il ne suffit pas d’indexer tel ou tel voisin pour arriver à occulter les véritables questions d’ordre national auxquelles il faudra tôt ou tard faire face. Gbagbo ayant prouvé qu’il ne pouvait imprimer un nouveau cours à l’histoire de la Côte d’Ivoire, la nécessité de créer un environnement porteur passe par sa mise à l’écart, lui et ceux qui ne cessent d’anathémiser et de vouer aux gémonies les voisins. La CEDEAO sera donc au pied du mur à Abuja.

Boubakar SY

Sidwaya

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