Actualités :: Moustapha Laabli Thiombiano : Un génie, des œuvres concrètes et de beaux (...)

Le rallye des mobylettes de Ouagadougou (RAMO), la course des pirogues, Ouaga Plage, la soirée hindou, l’arrivée de Jimmy Cliff à Ouaga … vous vous souvenez ? Derrière ces œuvres, Moustapha Laabli Thiombiano, le fondateur des chaînes des radios Horizon FM et de la télévision TVZ. Celui qu’on avait fini par surnommer ‘’Monsieur aux milles idées’’, ‘’Monsieur fou’’, aura sans nul doute marqué son temps. L’homme a tiré sa révérence ce 6 avril 2020, dans une clinique de la place.

A Fada, où Laabli (du gulmatchéma : mouvant, en constante circulation, qui bouge) a vu le jour un 16 octobre 1946, d’aucuns diront que ses parents ont eu recours à la géomancie pour lui attribuer ce nom. Ils ont vu juste. En tout cas, son parcours et la multitude de ses œuvres en disent long. Ce nom lui convenait parfaitement.

Après des études primaires dans sa ville natale, le jeune Moustapha se retrouvera à Accra au Ghana chez un parent, pour poursuivre son cycle secondaire. Il écourte entre temps ses études et rejoint son pays, avant de s’envoler pour les Etats -Unis dans les années 60. Au pays de l’oncle Sam, il va y séjourner vingt-un an. Pendant une bonne dizaine d’années, il est collaborateur du célèbre Stevie Wonder.

A la recherche de nouvelles expériences et « mouvant » comme son nom l’indique, Laabli décide de revenir au bercail, mais avant, il déposera d’abord ses valises en Côte d’Ivoire. Au bord de la lagune Ebrié, il travaille à la RTI et collabore avec des artistes comme Aicha Koné et Alpha Bondy avant de rejoindre son pays.

Ces œuvres à jamais gravées dans la mémoire des Burkinabè

Revenu au pays natal en 1986, Moustapha Laabli Thiombiano va créer « contre vents et marrées » confiait-il, la toute première radio privée en Afrique francophone, en Fréquence de modulation (FM) : Horizon FM fréquence 104.4. Cette initiative, qui a bouleversé l’univers médiatique en Afrique de l’Ouest, deviendra à la fin des années 1990, un groupe de presse avec la création de 11 autres radios privées commerciales et communautaires disséminées sur l’ensemble du territoire.

Le patron de la chaîne des radios Horizon FM ira plus loin. Il met en place en 2009, la troisième chaîne télévisuelle commerciale privée burkinabè : TVZ -Africa. L’homme ne s’est pas seulement limité au monde des médias. « Il aimait une expression : just do it (fais le simplement). Quand tu as une idée dans la tête, agis et progressivement, tu pourras l’améliorer. Il n’aimait pas quelqu’un qui avait une idée en tête et qui ne l’expérimente pas » témoigne un de ses journalistes, Blaise Kientéga.

En 1987, alors que Ouagadougou ne disposait pas d’espace culturel en dehors de la Maison du peuple, il trouva l’ingénieuse idée de transformer un dépotoir d’ordures en un centre culturel, le ‘’Wassa club’’.

Il sera également à l’origine de la rue marchande du FESPACO. « L’élément déclencheur a été ce gros avion que j’ai fait trainer de l’aéroport à l’avenue de l’Indépendance où se tenait la rue marchande du FESPACO et fait venir 50 chameaux de Dori. Cela a permis d’ailleurs à plusieurs burkinabè de voir ce matériel volant de plus près et mieux, d’y entrer. L’Etat américain à l’époque m’a adressé de vives félicitations », racontait-il.

Bouillonnant d’idées, ‘’le plus américain des burkinabè’’ ne se donne aucune limite. En 1993, l’homme s’intéressera à l’élection des plus belles filles du Burkina à travers la création de Miss Burkina. Cette cérémonie qui magnifie la beauté de la femme burkinabè traverse le temps. Moustapha, c’est aussi le concepteur du rallye des Mobylettes de Ouagadougou, lancée en 1997. Suspendu plusieurs années après, pour raisons de sécurité, ce rendez-vous des cascadeurs qui drainait du monde, aura marqué la jeune génération burkinabè.

Et que dire de la Course des pirogues, le championnat d’aviron ? Dans un pays sahélien, il fallait être ‘’fou’’ pour le faire. En 2001, « Monsieur aux milles idées », lance pour la première fois, des activités nautiques au barrage n°3 de Tanghin : la course des pirogues et le championnat d’aviron. La réussite est au rendez-vous. Des dizaines de milliers de Ouagalais se bousculaient chaque année pour suivre ce sport nouveau dans le paysage sportif au Burkina.

Moustapha, c’est aussi le créateur de « Ouaga plage », cet endroit dangereux disait-il, qu’il a sollicité à la mairie pour en faire un paradis. L’homme au micro s’était également donné une mission, celle de la recherche de la paix en Afrique et dans le monde à travers sa structure Safari international du Gulmu de la Fondation Horizon Africa International.

L’homme a également porté la casquette d’artiste musicien à travers quelques titres comme « Lola », « Je m’en fous » et « I love Abidjan », ce, après plusieurs collaborations avec des artistes de renommée mondiale.

Le boss et le père

Alain Gnèzo Traoré dit « Alain Alain » (pseudonyme d’ailleurs trouvé par Moustapha Thiombiano), se souvient de sa première rencontre avec celui qui lui a donné les ‘’clés de sa vie’’. « Je l’ai rencontré pour la première fois en 1998, dans les locaux de la radio à Kaya. J’ai commencé à travailler à Horizon FM sans connaître Moustapha. Il est venu me trouver au studio un jour. Il m’a dit, tu animes très bien, il faut que tu viennes à Ouaga ».

Pour Alain Alain, Moustapha Thiombiano était un père , un formateur

Employé aujourd’hui dans une autre radio privée de la place, il nous confiera avoir perdu « un ancien patron, un papa, un éducateur, un formateur ». « Ce que je suis aujourd’hui, je le dois à cet homme que le monde a perdu. Avant qu’il ne s’en aille, j’ai tenu à ce qu’il sache qu’il occupait une grande place dans ma vie » a-t-il témoigné, soulignant qu’il a même donné le nom de son ancien boss à l’un de ses fils, Lewis Moustapha Traoré. Certes, reconnait-il, il y avait des moments où tout n’était pas rose. « Tout de suite, il me dit, Alain, tu es viré. Demain, il me rappelle, imbécile, qu’est ce que tu fais, tu ne viens pas à la radio ? On causait de tout et de rien. C’était comme ça, une relation de père à fils…Je l’appelais le vieux loup », conte Alain Alain.

Pour celui qui dit avoir gardé de bonnes relations avec son « père », ce dernier était « un seigneur, le détenteur des clés du savoir ». Et de conclure : « Travailler avec Moustapha, ce n’est pas chercher de l’argent. Travailler avec lui, c’est s’ouvrir les portes d’une richesse. Il te permet d’avoir ton salaire sans passer par lui ».

Moustapha Thiombiano, c’était aussi le « père » du directeur général du groupe Horizon Fm Ouaga, Salifou Guigma. Attristé par la nouvelle, celui qui a collaboré avec le PDG du groupe durant 14 ans, avoue que ce dernier laisse un grand vide. « Ce fut une décennie bien remplie, avec son corollaire de faits. Il y a eu des bisbilles par moment, mais avec le vieux, le boss, papa comme je l’appelais par moment, il y avait des relations de complicité ».

Le directeur général du Groupe Horizon FM Ouaga, Salifou Guigma

D’ailleurs, ces plusieurs années auprès de cet homme de conviction lui auront permis de se forger. Fort de cela, Salifou Guigma ne craint pas pour l’avenir du groupe Horizon Fm. « Je n’ai pas trop peur parce que Moustapha nous a préparés. Il nous a ouvert des portes, j’ai su profiter de son carnet d’adresses. Sur le plan relationnel, on est outillés, je peux même vous dire que je connais le répertoire de son téléphone par cœur et ça, c’est un plus dans la gestion. Il nous appartiendra de consolider les acquis et de nous pencher sur les perspectives. L’après Moustapha n’est pas très inquiétant… » rassure-t-il.
Par ailleurs poursuit le directeur général du Groupe Horizon Fm Ouaga, le mot « impossible » n’était pas dans le vocabulaire du désormais défunt patron.

Nicole Ouédraogo
Lefaso.net

Quelques anecdotes

Salifou Guigma, directeur général du Groupe Horizon FM -Ouaga

- J’étais dans une société de distribution d’eau qui a été sollicitée par Moustapha pour parrainer la course des pirogues. Comme j’étais un passionné de sport, je me suis intéressé à son dossier et notre société a bien voulu parrainer la cérémonie. La première fois que je l’ai vu, c’était le jour où je lui ai apporté notre contribution et j’ai été invité à faire un tour au studio pour répondre aux questions de la journaliste.

A la fin de l’émission, lorsque je suis allé pour le remercier, il m’a demandé si je n’étais pas intéressé par la radio parce que j’avais une voix radiophonique. Dès le lendemain, il m’a appelé, me demandant de venir pour une émission. C’est parti ainsi, jusqu’à ce que je fasse des reportages et qu’on m’envoie à Lomé pour la CAN. C’est en 2012 qu’il m’a proposé d’occuper la direction générale.

- Un jour, il m’a appelé en me disant : il faut te préparer parce que tu dois aller pour une mission. Mon passeport était expiré mais je vous assure, c’est ce jour, j’ai réalisé la puissance du Monsieur. Il a fait établir le passeport le même jour, le vol était prévu pour 23 heures et le passeport m’a été remis deux heures avant. Je n’ai pas eu le temps de passer à la maison pour faire mes bagages, j’ai demandé à mon frère de me les apporter à l’aéroport et c’est ainsi que j’ai bougé pour le Canada. Avec Moustapha, il n’y avait pas de protocole. C’est le Monsieur qui croit en ses convictions et qui les réussit.

Alain Alain

- En 2007, alors que je travaillais à la radio Salamkoto, il m’a appelé un jour me disant : Alain, revient à la maison. Je suis donc revenu et c’est quelques jours après, quand j’ai commencé à travailler, il m’a dit, à partir d’aujourd’hui, tu t’appelles ‘’Alain Alain’’. C’est parti ainsi et ce jusqu’en 2015.

-Blaise Kientéga, journaliste, ancien directeur général de la télévision TVZ

J’ai fait sa connaissance en 2016. Il m’a demandé de reprendre une émission « Sondage démocratique » qui était animée par Alpha Barry (actuellement ministre des affaires étrangères). Il pouvait te renvoyer et te réintégrér le même jour. Un jour, nous avions eu un différend sur la présentation d’une émission. Il m’a renvoyé le matin aux environs de 10 heures, je suis donc rentré à la maison et quelques minutes plus tard, il m’a rappelé me demandant ma position : je lui ai donc dit qu’il venait de me renvoyer mais il m’a dit de revenir parce qu’il avait un souci avec son téléphone, je venais donc d’être intégré de nouveau (rires).

N. O
Lefaso.net

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