:: Les populations de la commune rurale de Zitenga face aux changements (...)

1. Introduction
L’éveil de conscience sur les risques associés au changement climatique s’est manifesté dans les années 80, une décennie dans laquelle plusieurs résultats scientifiques ont attiré l’attention sur les impacts potentiels d’une perturbation anthropologique sur l’atmosphère et les paramètres climatiques. Aujourd’hui, il est quasi impossible d’éviter les conséquences des changements climatiques qui risquent d’accentuer la vulnérabilité des populations de la rurale, en particulier celles des pays Sahéliens. En effet, du fait de la fragilité des écosystèmes, d’une pluviométrie déficitaire depuis plus de quatre décennies, d’une désertification chronique et des manifestations climatiques imprévisibles, cet espace est affecté de manière très significative. Cependant, la survie des communautés sahéliennes dépend l’essentiellement de l’exploitation des ressources naturelles notamment à travers l’agriculture et l’élevage, qui subissent fortement les variations climatiques.

L’agriculture est la première source de revenu des populations de la commune rurale de Zitenga. D’une part, cette agriculture qui est quasi pluviale est tributaire des aléas climatiques. D’autre part le secteur agricole est dominé par les exploitations familiales et les spéculations produites sont en majorité les céréales. Dans ce contexte de changement climatique, l’agriculture est mise en rude épreuve si bien que son développement est une priorité politique.

2. Changements ressentis par les paysans

Le tableau ci-dessous, établi à partir des focus groupes faites dans nos différents sites d’études illustres bien la complexité et la diversité des changements perçus par les producteurs selon les zones. Il est manifeste que le changement climatique se traduit d’abord par un accroissement de l’incertitude qui pose des problèmes complexes aux agriculteurs, notamment aux plus vulnérables.

Tableau : Perception des changements climatiques par les paysans

Les paysans attestent qu’il fait de plus en plus chaud sur toutes les périodes de l’année, avec une augmentation du nombre de jours ensoleillés ces vingt dernières années. Même en saison pluvieuse, avec un léger soleil, la chaleur est insupportable. Le manque de pluie occasionne l’assèchement des terres et la hausse de température qui entrainent la perte de la végétation et par conséquent les cultures sont exposées aux vents violents, tous ces aléas influencent négativement sur les cultures. Les paysans de Ramiougou affirment que le vent entraine sur leurs passages les éléments nutritifs des sols impropres à toutes activités agricoles.

3. Impact des changements climatiques sur les agricultures familiales

Les phénomènes et mécanismes évoqués ci-dessus ont plusieurs catégories de conséquences, directes et indirectes sur les exploitations dans la commune de Zitenga. Nous énumérons ici les principales

a. Conséquences directes des aléas climatiques

 les pertes partielles ou totales de récolte du fait de phénomènes naturels (sécheresses, inondations…). Ces accidents peuvent advenir à n’importe quel moment du cycle cultural, mais les plus dommageables sont les plus tardifs. Quand une culture est détruite en début de cycle des suites de sécheresses ou d’inondations, le paysan a généralement le temps de ressemer la même culture ou une autre de cycle plus court. Comme affirme un paysan dans le village de Komnongo « Il fut des années où le manque d’eau a compromis les récoltes. Le maïs que nous avons semé n’est pas arrivé à maturation et nous n’avons pas récolté du fait de cette situation. D’autres années par contre, la pluviométrie a été excédentaire au point que les épis de maïs et de mil ont germé. Mais c’est comme je l’ai affirmé tantôt, si vous semé du maïs a cycle court, il est évident qu’en cas de pluviométrie excédentaire, les épis vont germés. Et on dira que la pluviométrie est excédentaire or c’est parce que nous avons changé ce types de semence ».

 une baisse des rendements moyens des cultures est signalée presque partout dans nos sites d’études par les producteurs, mais peu d’enregistrements permettent de chiffrer précisément cette évolution. Les facteurs qui expliquent les faibles rendements varient selon les sites et les années ; ils sont souvent en lien direct avec la pluviométrie et plus précisément :

-  le retard dans l’arrivée des pluies, entraînant un décalage voire un échec des semis, et l’obligation de ressemer ; le décalage du cycle cultural qui s’ensuit a des conséquences négatives en chaîne.
-  un déficit hydrique en cours de cycle, notamment à des périodes critiques telles que la floraison du maïs. Ce déficit est parfois associé à des températures anormalement élevées qui ont elles aussi des conséquences négatives sur certaines espèces cultivées.
-  un arrêt précoce des pluies qui compromet le remplissage des grains.
Tandis que ces différents évènements peuvent souvent se cumuler.

b. Evolution des autres conditions de production et leurs impacts, en interaction ou non avec le climat

Les paysans soulignent très souvent l’accumulation des conditions défavorables auxquelles ils doivent faire face. Ils font parfois explicitement un lien entre elles, considérant par exemple que la perte du couvert végétal est à l’origine de la sécheresse et ce ressenti est confirmé par de plusieurs paysans des sites d’études. Plusieurs évolutions se combinent au changement du climat pour perturber les conditions de production :

 Perte du couvert forestier et de la biodiversité

Presque dans toutes les localités, une évolution marquante citée par les paysans comme source de difficultés est la déforestation. Qu’ils y aient participé ou pas, les paysans considèrent parfois cette déforestation comme l’origine de tous les maux, y compris de la dégradation du climat.

La destruction de la forêt peut être volontaire : les paysans défrichent pour accéder à de nouveaux espaces afin d13e développer des productions nouvelles ou simplement en vue d’accroître les surfaces cultivées pour compenser la croissance démographique et/ou la baisse des rendements. Même quand ils sont allumés par les hommes, les feux dégénèrent dans beaucoup de cas en incendies incontrôlés, et mettent à nu des surfaces qui vont bien au-delà de ce qui était visé. La dégradation du couvert végétal peut être également le résultat d’activités génératrices de revenus plus ou moins légales : exploitation forestière, fabrication de charbon de bois.

Il semble que la prise de conscience du lien entre la déforestation et la baisse de la pluviométrie soit susceptible de susciter des comportements plus volontaristes chez les paysans concernés « ce que l’homme a détruit, nous pouvons le reconstruire », c’est ce qui semble se faire dans la commune Zitenga.

 Dégradation de la fertilité

Un autre phénomène soulevé par les paysans est une perte de fertilité des sols. Cette baisse de fertilité est d’autant plus sensible que l’emploi des engrais chimiques. L’érosion liée à la perte du couvert végétal joue un grand rôle dans la perte de fertilité.
De plus la terre emportée vient dans certains cas ensabler les zones basses, traditionnellement des zones de culture privilégiées, qui voient également leur fertilité compromise par des apports de texture grossière. Cette perte de fertilité est encore plus marquée dans certains milieux où, faute de séquences de pluies assez longues, les alternances de périodes humides et d’évaporation intense entraînent une salinisation des sols.

4. Conclusions

La présente étude a permis d’identifier la perception des populations rurales sur les changements climatiques et son impact sur les revenus agricoles. Elle a montré que l’agriculture est très sensible au changement de la pluviométrie et celui de la température. Les entretiens avec les paysans montrent que la diminution de la pluviométrie et la hausse des températures dans les années à venir seront très dommageables à l’agriculture car les conditions climatiques sont déjà difficiles.

Dr Touré Halimatou A.
Attachée de recherche CNRST/INSS

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