Actualités :: Côte d’Ivoire : En attendant le pire

C’est fini pour la médiation sus-africaine dans la crise ivoirienne. C’est ce qui ressort d’un point de presse tenu le 30 août dernier à Pretoria par Aziz Pahad, vice-ministre des Affaires étrangères de l’Afrique du Sud. Selon M. Pahad, "la médiation a terminé son travail" et c’est au conseil de sécurité de l’ONU de prendre à présent le relais.

Cette déclaration du vice-ministre sud-africain des affaires étrangères intervient en effet, à la veille de la présentation devant l’instance onusienne, d’un rapport sur ladite médiation. Il devait être présenté hier 31 août 2005 par Mossuioa Lekota, ministre de la Défense du pays de Nelson Mandela.

Malgré les propos ultérieurs du porte-parole de l’institution diplomatique de l’Afrique du Sud visant à atténuer les effets de la sortie du vice-ministre, le vin est tiré et il faut maintenant le boire. Mieux, cette divergence de vues traduit toutes les limites, voire l’essouflement de la médiation sud-africaine dans le bourbier ivoirien.

Il faut reconnaître que, depuis un certain temps, la mission de Thabo Mbeki était compromise. Désigné par l’Union africaine pour rapprocher les points de vues entre Laurent Gbagbo et ses adversaires, le président Sud-africain a joué le jeu jusqu’à un certain point.
Mais il s’est peu à peu éloigné de sa position de médiateur pour se rapprocher de celle du Front populaire ivoirien (FPI), donc du camp du président Laurent Koudou Gbagbo.

En jouant ainsi la carte de la légitimité favorable au pouvoir d’Abidjan, Thabo Mbeki avait fini par éveiller la méfiance et le doute de la France sur la médiation sud-africaine. C’est le président Jacques Chirac, lui-même, qui l’exprima lorsqu’il déclara que le médiateur de l’Afrique australe ne connaissait pas l’âme d’un Africain de l’Ouest.

A la suite de Chirac, ce fut le tour des Forces Nouvelles (FN) d’émettre des réserves vis-à-vis de la médiation de Thabo Mbeki, après que celui-ci ait qualifié de conformes aux accords de Pretoria II, les lois promulguées par le président ivoirien. Ils l’accusent aussi d’avoir vendu des armes aux Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI).

Les principaux partis de l’opposition, à savoir le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et le Rassemblement des républicains (RDR) viennent de rejoindre la position des FN et réclament, comme elles, une phase transitoire devant conduire aux élections et excluant le président actuel, Laurent Gbagbo. Ce dernier serait, selon eux, le principal obstacle à la mise en oeuvre des accords de Pretoria. Ils avancent entre autres, comme raison à leur requête, l’impossibilité de tenir dans de bonnes conditions le scrutin dans un délai de moins de deux mois.

Dans ce contexte de quasi-unanimité entre les partis en conflit sur les causes du blocage du processus de paix qui seraient imputables essentiellement au camp présidentiel, quelle crédibilité conférer aux motifs invoqués par le vice-ministre sud-africain des Affaires étrangères pour justifier la décision du médiateur de mettre fin à sa mission ?

A en croire Aziz Pahad, ce sont les Forces nouvelles, le RDR et le PDCI qui font obstacle à la mise en oeuvre des accords, et non la partie présidentielle qui aurait, selon lui, tenu ses engagements. A suivre sa logique, c’est au conseil de sécurité de prendre des sanctions à leur encontre. Des sanctions qui avaient été gelées à la demande du médiateur.

Maintenant que les fautifs sont désignés, il ne reste que les sanctions. Or, une telle hypothèse, si elle se confirme par une décision de l’organisme onusien allant dans le sens de M. Pahad, n’est pas sans danger. En effet, elle risque de raidir les positions des acteurs politiques ivoiriens incriminés. Ce qui ne serait pas favorable à un esprit de réconciliation, indispensable dans tout processus de paix. L’autre problème, c’est qu’une telle option de l’instance de l’ONU court le danger de déboucher sur un affrontement entre les parties en conflit pouvant embraser toute la sous-région ouest-africaine.

En ce sens que les belligérants ont certainement profité du retard dans la mise en application des accords pour s’armer et qu’aujourd’hui la tension est vive dans le pays, aggravée par les menaces de l’ancien chef d’état-major, Mathias Doué, de renverser par tous les moyens le chef de l’Etat ivoirien si la communauté internationale n’entreprenait rien dans cette optique.
C’est pourquoi les membres du conseil de sécurité doivent observer de la prudence vis-à-vis des conclusions du rapport de la médiation sud-africaine, s’ils ne veulent surtout pas jeter de l’huile sur le feu. Ils doivent rester lucides dans l’adoption des décisions qui vont en découler.

Dans cette perspective, l’organisation onusienne, à défaut de confier le dossier à un autre médiateur, Thabo Mbeki étant soupçonné de saper l’esprit de sa mission au profit des intérêts économiques de son pays en Côte d’Ivoire, ne doit pas écarter une phase transitoire menant aux élections et écartant, au besoin, le président Gbagbo. Une catharsis est vraiment indispensable pour restaurer le paix dans le pays de Félix Houphouet Boigny. Depuis 2003, l’on ne vole que d’accord en accord, sans que l’on ne parvienne à des applications concrètes.

Après Marcoussis et Accra, tous les espoirs étaient focalisés sur Pretoria.
A l’arrivée, c’est le même résultat : il y a ni désarmement ni réunification du pays. D’où la nécessité d’envisager autre chose, une mise sous tutelle onusienne de l’Etat, même si elle semble défavorable au pouvoir d’Abidjan. Ce qui importe, visiblement, c’est le bonheur de l’ensemble des Ivoiriens, la paix. C’est ce qu’avait, peut-être, perçu très tôt Ibrahim Coulibaly alias "IB" lorsqu’il avait demandé, sans être écouté, la mise de la Côte d’Ivoire sous administration de l’ONU parce qu’il ne voyait aucune issue aux médiations, en raison de la mauvaise foi des acteurs politiques ivoiriens.

En tout état de cause, la balle est maintenant dans le camp de l’ONU. C’est à elle de faire preuve de discernement et de responsabilité dans l’intérêt bien compris de la paix en Côte d’Ivoire et dans la sous -région. Il s’agit de tout faire pour éviter le pire qui se profile déjà à l’horizon, dans la perceptive d’une réconciliation nationale juste et durable.

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