ActualitésDOSSIERS :: De Ben Laden à Iyag Ag Ghali : Conséquences des alliances obscures

Quelques jours après le troisième attentat terroriste en deux ans qui a frappé Ouagadougou le vendredi 2 mars 2018 et revendiqué par le GSIM d’Iyag Ag Ghali, le pays est toujours sous le choc mais demeure courageusement debout. L’indignation est forte et la population reste d’autant plus pantoise, que cette fois-ci, l’attaque double a frappé l’ambassade de France et l’épicentre, le saint des saints de notre organe de direction des armées : l’état-major général de l’armée (EMGA).

Il faut décrypter au plus vite le message lancé par l’ennemi à travers cette attaque, analyser sereinement l’enchainement des évènements, disséquer minutieusement le mode opératoire et en tirer toutes les conséquences.

Les jours suivants l’attaque, il a été donné d’assister dans les medias classiques et les réseaux sociaux à une avalanche d’informations tous azimuts. Fort heureusement, le Conseil Superieur de la Communication (CSC) est vite montée au créneau pour en appeler aux uns (journalistes) le sens de la responsabilité et aux autres (activistes et utilisateurs de tout poil des réseaux sociaux), le sens de la conscience. Il était vraiment temps de siffler la holà dans cette jungle médiatique. Trop d’amalgames, trop de raccourcis, trop d’analyses hâtives, biaisées et partisanes.

Face à ce terrorisme rampant, que de déchirements puérils sous l’étendard de chapelles politiques. Faisons preuve de retenue, de dépassement de soi pour sauver l’essentiel en ces temps troubles et incertains : la survie et l’avenir de notre Nation.

Au-delà de l’indignation et de la réprobation quant à de possibles complicités intérieures que des enquêtes approfondies doivent prouver, il convient de faire preuve de discernement. Dépassons l’émotion, posons-nous les bonnes questions pour trouver les bonnes solutions durables au problème de ce terrorisme mafieux sous son vernis de faux vrai djiahdisme.

Voir le problème sous une lecture clivante « Pouvoir contre Opposition » est bien simpliste et contre-productif. Les gouvernants actuels doivent traiter ce problème sécuritaire en hommes d’Etat en pensant aux générations futures plutôt qu’en pensant à la prochaine élection dans une démarche de politique politicienne. Face à la menace qui mine le Faso la réponse doit être collective. Des doigts accusateurs ont indexé le régime déchu de Blaise Compaoré (qui semble avoir le dos large) comme causes supposées de nos difficultés actuelles. Certains analystes ont vite fait un lien entre l’attentat et le procès des putschistes en cours. Faire ce genre de parallèle est très réducteur.

Oui, l’ex président Blaise COMPAORE a pactisé il y a des années avec le diable (Ag Ghali et compagnie) pour acheter une certaine paix, mais cela ne doit pas expliquer notre vulnérabilité face à ces terroristes sans foi ni loi. Réduire le problème à cela, c’est sous-estimer la complexité de ce phénomène de terrorisme dit islamiste. Dans ce jeu trouble, ce qui est donné à voir par l’opinion publique n’est que l’infime face émergée d’un iceberg dont la partie occulte, immergée profondément, est faite d’alliances contre-nature, d’intérêts qui se croisent, divergent, se percutent sur fond de géopolitique, de géostratégie et de luttes hégémoniques entre puissances étrangères pour le contrôle de zones potentiellement riches en ressources minérales, de guerre sournoise entre services secrets…

Ben Laden, Ag Ghali : quand le monstre s’en prend à ses créateurs

De Ben Laden à Ag Ghali c’est la même mécanique de retournement de situation où le monstre finit par s’en prendre à ses créateurs.

Au cours de la décennie 80, la CIA de l’Amérique liée aux services secrets Saoudiens et Pakistanais ont quasiment « fabriqué » Oussama Ben Laden et sa légion étrangère de moudjahidin arabes dans la guerre de l’Afghanistan contre l’envahisseur soviétique. Ben Laden était bien utile et commode à cette époque pour les américains dans leur combat contre l’adversaire de guerre froide : l’URSS. En 1989, Au bout d’une longue guerre, exsangue, à bout de souffle, l’armée rouge va se retirer piteusement de l’Afghanistan, ouvrant la brèche à la dislocation et à la chute de l’URSS. Son objectif atteint, l’Amérique va se désintéresser de ces alliés de circonstances dans cette croisade.

En abandonnant avec armes et bagages tous ces groupes d’extrémistes musulmans, surentrainés dans les montagnes afghanes, l’Amérique était loin d’imaginer la boite de pandores qu’elle était en train d’ouvrir. Dans cet engrenage, Ben Laden se sentant trahi à cause des développements de la politique étrangère des USA très envahissante dans la région, va se retourner de façon implacable contre ses anciens partenaires. Il va transformer ses combattants endoctrinés en Al Qaïda, une sorte d’internationale terroriste islamiste pour s’attaquer désormais aux intérêts américains. Les attentats vont se succéder jusqu’à atteindre leur paroxysme avec l’attaque historique du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles. La suite est connue…Comme un cancer, ce terrorisme islamique va se métastaser dans le monde et se répandre au sahara et au sahel par le biais d’AQMI et autres nébuleuses…

Iyag AG GHALI , quant à lui, est un chef de guerre touareg malien qui a fait ses premières armes avec les troupes du colonel Kadhafi dans les année 70 avant de guerroyer contre l’Etat Malien (90-96) en créant une rébellion touareg. Par la suite, en alternant ralliements à l’Etat malien et rebellions, il va se rendre indispensable et aidera dans la libération d’otages occidentaux contre de lucratives rançons. C’est pendant cette période clair-obscur qu’il avait ses entrées à Ouagadougou chez le médiateur attitré de la sous-région, l’ancien président Blaise Compaoré. Toutes ces tractations se tissaient vraisemblablement avec la bénédiction tacite des occidentaux. En contrepartie sans doute, notre pays était épargné comme un oasis de paix dans une sous-région sahélienne tourmentée.

A partir de 2012, guerre du Mali infesté par les fondamentalistes islamistes, Ag Ghali s’est converti à cette idéologie en créant Ansar Dine. Il devient moins fréquentable. C’est après l’intervention française au Mali, suivie de la chute de Blaise COMPAORE, l’installation à Ouagadougou du Commandement des Operations Spéciales (COS) de Barkhane et de la mise en route du G5 sahel pour traquer et neutraliser les terroristes que le gentlemen’s agreement va voler en éclats. AG GHALI fédère les factions islamistes diverses en Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM) en 2017 et n’hésite plus à s’attaquer frontalement aux intérêts français et au Burkina Faso. Pour les services spéciaux français AG GHALI est désormais une cible de haute valeur (CHV).

Maintenant que faire ?

Maintenant que faire ? Il n’y a pas de solution miracle dans cette guerre non- conventionnelle. Dans ce combat de l’ombre, la clé opérationnelle de la lutte, c’est le renseignement. Chaque Burkinabé doit être un collaborateur de l’Agence nationale de renseignement (ANR). Être en état d’alerte maximum en tout temps et en tout lieu (sans toutefois sombrer dans la paranoïa) doit être le comportement de tout un chacun. D’un autre côté, il faut prémunir les jeunes cerveaux contre le venin de la foi servile à cet islam moyenâgeux venu de loin pour asservir les esprits faibles dans un fanatisme destructeur. Pour cela, la sensibilisation ; et il ne serait pas superflu d’instaurer l’enseignement de la philosophie dès le collège pour développer très tôt l’esprit critique de la jeunesse face aux fables et autres chimères religieuses qui lavent les cerveaux peu avertis. Tout cela ne va porter des fruits que si l’Etat combat la pauvreté et l’ignorance - en réinvestissant la zone Nord - qui sont le terreau fertile au recrutement des laissés pour compte et autres marginaux qui forment le bataillon des djihadistes.

Pour le volet purement militaire, le G5 porté à bout de bras par la France et dont le financement (400 millions d’euros par an) peine à être mobilisé ne doit pas être une panacée. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder l’expérience de l’Afghanistan. De 2001 à 2015, la coalition alliée a bombardé sans répit les talibans dans ce pays. Résultat des courses : 3000 milliards de dollars engloutis, 5000 soldats morts et 25000 terroristes tués en 15 ans. Malgré les moyens colossaux déployés le bilan est mitigé car l’Afghanistan n’est pas plus sûr qu’avant cette intervention ; 80% de son territoire est toujours minés par les talibans et le pouvoir central de Kaboul est plus que fragilisé. Un autre bémol sur cette force anti-terroriste : pourquoi l’Algérie qui a une longue frontière commune avec le Mali, le Niger et la Mauritanie n’en fait pas partie ? Pour qui connait l’efficacité Algérienne dans la lutte contre les terroristes dans la sous-région et son parrainage des négociations de paix inter-maliennes, il y a de quoi rester dubitatif. Bref…

La mutualisation des forces armées africaines est souhaitable mais attention de recevoir les forces étrangères occidentales à tout vent sur nos sols, c’est un couteau à double tranchant.
Cette guerre asymétrique est un combat de longue haleine qui demande l’implication de tous et cela ne doit pas être dans le seul giron des militaires ; comme le disait CLEMENCEAU : « la guerre est une chose trop sérieuse pour être confié aux militaires »

Unissons nos forces, ensemble pour le grand combat patriotique contre l’hydre du terrorisme pour l’avenir radieux du Burkina Faso !

TRAORE Karim de Labola (karimdelabola@yahoo.fr)

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