ActualitésDOSSIERS :: Lutte contre le terrorisme :« Il n’y a pas de spécialistes en la matière. (...)

« Garantir la paix et la sécurité pour un développement économique et social du Burkina Faso : la nécessité d’une réforme du secteur de la sécurité ». C’est autour de ce thème qu’est annoncé, pour octobre prochain, un Forum national sur la sécurité. Ce rendez-vous qui se présente quelques semaines après le Colloque international de Ouagadougou sur la sécurité et la défense organisé par le Centre d’études stratégiques en défense et sécurité (CESDS) est certainement inspiré par une seule préoccupation : quelle potion pour minimiser ces attaques auxquelles fait face, d’une part le Burkina ces dernières années et, d’autre part l’espace sous-régional ? A quelques jours de ces assises nationales sus-évoquées, nous avons rencontré Sanoussa Gansonré, expert et Consultant en Organisation de Réseaux associatifs et en Police de proximité. Dans cette interview, M. Gansonré jette un regard d’ensemble sur le contexte national.

Lefaso.net : En tantque spécialiste, quelle analyse globale faites-vous de la situation sécuritaire au Burkina ?

Sanoussa Gansonré : Merci pour l’intérêt que votre organe accorde à la problématique sécuritaire. Je constate comme bon nombre de Burkinabè que la situation sécuritaire est préoccupante et interpelle plus que jamais tous les acteurs sociaux au niveau individuel et collectif. Si les vols de biens, notamment en milieu rural, ont connu une baisse significative, les attaques de nature terroriste ont connu une augmentation. On constate également une sorte de mobilisation au niveau institutionnel (organisations de la société civile, institutions de l’Etat comme le Conseil économique et social…) pour donner de la voix et suggérer des pistes de solution. C’est le signe qu’il y a de l’espoir d’inversion de la tendance les périodes à venir.

Lefaso.net : A la faveur d’une interview que vous nous avez accordée en novembre 2016, vous suggériez au gouvernement d’accélérer le processus de mise en œuvre de la « Police de proximité », dont vous êtes également un des spécialistes, que vous jugez « indispensable » pour tous. A quel niveau en êtes-vous ?

Sanoussa Gansonré : La situation sur le terrain est le statu quo, à ma connaissance. La reprise de l’opérationnalisation de la police de proximité ne demande pas grand-chose. Le terrain était clairement balisé par le deuxième plan quinquennal et les nombreuses initiatives engagées par la Direction de la Police de proximité de 2011 à 2014.

Trois grands ateliers nationaux d’orientation ont été organisés et les conclusions sont d’actualité. Il faut tout simplement mettre en place un mécanisme d’accompagnement des structures communautaires de sécurité (notamment les Initiatives locales de sécurité) par la formation sur la prévention de l’insécurité et la collaboration avec les forces républicaines de sécurité. Du reste, toutes les localités du Burkina ont été préparées à ça, depuis 2012 et 2013. Malheureusement, on a l’art de vouloir réinventer la roue alors qu’elle existe déjà et bien faite.

J’ajoute que des organisations de la société civile, bien avisées de la police de proximité, ont proposé leur appui dans ce sens au Ministère de la sécurité, mais sans suite satisfaisante. On parle et on ne travaille pas. Les mécanismes sont lourds et compromettants pour des actions fortes et porteuses de résultats durables et efficaces.

Je constate qu’on est au stade d’explications sur le nouveau décret sur l’organisation de la participation communautaire, alors qu’on a passé des années à faire des séminaires sur l’organisation de cette participation communautaire, à travers le deuxième plan quinquennal de la police de proximité. On ne peut même pas vous dire aujourd’hui combien de structures communautaires sont officiellement reconnues depuis qu’on parle de leur encadrement.

Le risque est de tomber dans les mêmes erreurs qu’avec le premier plan quinquennal en voulant décréter la mise en place de coordinations, sans une approche fortement participative. Même le nouveau décret souffre énormément de lacunes qui bloquent sa mise en œuvre. Celui qu’on avait produit en 2011 lors d’un atelier à Koudougou est de mon point de vue le plus indiqué.

Lefaso.net : Le paysconnaît des actes terroristes répétés depuis un moment, les uns aussi graves que les autres avec le dernier en date au café Aziz Istanbul le 13 août dernier. Quel sentiment cette situation, n-ième attaque, vous laisse ?

Sanoussa Gansonré : On est tous attristés par cette nième attaque. L’enseignement qu’on peut tirer est que la lutte contre le terrorisme ne se résume pas à des déclarations ou des manifestations de condamnation, mais des actes concrets dans l’ombre, sans tapages médiatiques, et avec une participation communautaire bien organisée. C’est une lutte longue qui implique tous les acteurs, chacun selon ses domaines de compétence. Il n’y a pas de spécialistes en la matière. C’est la synergie d’action qui en est le spécialiste.

Lefaso.net : Comment peut-on expliquer aujourd’hui la flambée de cette forme d’insécurité au Burkina ?

Sanoussa Gansonré : Les terroristes peuvent dire pourquoi ils agissent. Je dirai que des facteurs favorisant leur action, on peut retenir l’inattention dont nous faisons montre dans notre vie quotidienne, sans reflexe d’alerte, et la faiblesse des dispositifs de surveillance, par vidéo par exemple dans nos espaces publics. Je préfère me limiter à ces deux éléments pour le moment.

Lefaso.net : Une certaine opinion fait un lien entre les actes terroristes et le chômage ; est-ce votre avis également ?

Sanoussa Gansonré : Des études ont démontré que si le chômage est un facteur explicatif de l’insécurité dont le terrorisme, il n’en est pas le principal facteur explicatif. Il y a une bonne brochette de raisons dont l’exclusion sociale, le manque de justice, l’injustice, l’intolérance religieuse et même des raisons d’ordre purement politique.

Lefaso.net : Dans quelques jours, le pays tiendra des Assises nationales sur la sécurité. Quelle appréciation faites-vous d’une telle initiative ?

Sanoussa Gansonré : Cette initiative est salutaire, même si elle s’est imposée avec l’action décriée par certaines Initiatives locales de sécurité qui a créé une situation de malaise au niveau du pays. Il faut ajouter que l’idée n’est pas nouvelle. Elle a été retenue dans le cadre de la mise en œuvre du deuxième plan quinquennal de la police de proximité. D’ailleurs, aux premières heures de la confrontation évitée entre Koglwéogo et Forces de sécurité à Saponé, une organisation de la société civile (disposant d’une expertise en matière de participation communautaire à la prévention de l’insécurité) a proposé (avec des termes de référence) au ministère de la sécurité, l’organisation d’une table-ronde regroupant tous les acteurs sociaux visant à créer, établir un dialogue et produire des pistes d’orientation pour des actions de prévention participative de l’insécurité. C’était en avril 2016.

Pour revenir au projet de forum actuel, ce qui est prévu comme contenu paraît pertinent et peut produire des orientations pour des actions efficaces contre l’insécurité. Les conditions majeures en la matière sont la qualité de l’organisation et des réflexions et la mise en œuvre des recommandations qui en sortiront.

Lefaso.net : Etes-vous, personnellement ou via votre organisation, associé aux réflexions préparatoires de ce forum national ?

Sanoussa Gansonré : Oui, je suis un de ceux qui doivent produire des documents préparatoires devant servir aux réflexions en ateliers. Je profite pour dire merci à ceux qui m’ont fait confiance en la matière.

Lefaso.net : Peut-on réellement discuter de « sécurité » à travers un tel cadre de rencontre (Forum national) ?

Sanoussa Gansonré : Oui, je crois. Il ne s’agira pas d’étaler certains aspects sensibles du sujet, mais de penser orientation. De toute façon, les organisateurs en sont conscients.

Lefaso.net : Le pays est également caractérisé par des actes d’incivisme et d’intolérance, quel peut être le remède contre tous ces maux ?

Sanoussa Gansonré : Ce sont des aspects de l’insécurité. Ils seront traités au même titre que les autres sujets comme la délinquance. Du reste, il y a des recommandations en la matière, issues d’assises nationales et d’autres cadres de réflexions. Il faut les mettre en œuvre.

Lefaso.net : A ce jour, si vous devriez faire des suggestions aux décideurs dans ce combat..., elles seraient lesquelles ?

Sanoussa Gansonré : Il s’agira de revisiter tout ce qui a été fait antérieurement, de voir la faisabilité des recommandations et autres actions déjà formulées. On doit par exemple faire l’état des lieux de la mise en œuvre de la stratégie nationale de sécurité intérieure avant d’envisager sa relecture. Sinon, ce sera la tour de Babel, avec d’éternels recommencements, alors qu’on n’a pas assez de ressources financières face au tout prioritaire dans notre pays.

Lefaso.net : Quels conseils auriez-vous pour les populations qui vivent de plus en plus dans la peur ?

Sanoussa Gansonré : Je conseille aux populations de s’inscrire dans le cadre républicain, en mettant en place des structures communautaires de sécurité qui vont organiser leurs activités de prévention de l’insécurité, de développer des initiatives visant à surveiller leurs espaces de vie et à collaborer franchement avec les services de sécurité. Notre sécurité dépend de nous d’abord et de la confiance que nous placerons en nos services de sécurité. Chacun doit se demander qu’est-ce qu’il apporte et comment faciliter l’action ou l’apport de l’autre. On est tous responsable et comptable de notre sécurité.

Interview réalisée par
Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net

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