ActualitésDOSSIERS :: Procès du dernier gouvernement Tiao : Abandonnés par leurs avocats, Luc (...)

Le procès du dernier gouvernement du régime de Blaise Compaoré a repris ce lundi 8 mai 2017. Dès la réouverture, le voltage du ton qui régissait les débats entre les avocats de la défense et la Haute Cour de justice, laissait transparaitre ce qui allait suivre. C’est à dire un troisième renvoi. Dénonçant une violation flagrante du droit de la défense, les avocats se sont déportés. Et en attendant la reprise du procès le lundi 15 mai 2017, les accusés ont un délai de 72h pour se trouver un conseil.

Une fois de plus, le fond du dossier n’a pas été abordé dans ce procès du dernier gouvernement du régime déchu lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Dès l’entame de l’audience, le premier son de cloche a été donné par Clémence Witt, collaboratrice du Bâtonnier Pierre Olivier Sûr, défense de l’ancien Président Blaise Compaoré. Cela bien avant que la Haute Cour de justice ne puisse prêter son oreille aux exceptions d’inconstitutionnalités. Cette dernière a réitéré à nouveau leur demande que la juridiction les autorise à avoir accès au dossier et à représenter leur client en son absence, conforment aux engagements internationaux ratifiés par le Burkina Faso.

La réplique du président de la juridiction n’a pas tardé. Pour lui, cette question a déjà été débattue, donc il n’y a pas lieu à polémiquer là-dessus encore. « Notre droit positif n’autorise pas aux absents d’être représentés, ni d’être assistés », a-t-il lancé à son interlocutrice. Place maintenant aux deux exceptions d’inconstitutionnalités qui ont été soulevées par les avocats de la défense.

Me Mamadou Traore

Parlant au nom de ses pairs avocats dans ce procès, l’ancien Bâtonnier, Me Mamadou Traoré a demandé à la Haute Cour de justice de surseoir à statuer et de saisir le Conseil Constitutionnel de ces exceptions, conformément à l’article 157 de la Constitution du Burkina Faso. La première exception, la Haute Cour de justice applique une loi du 21 mai 2015 pour juger des faits supposés commis en octobre 2014, donc avant l’entrée en vigueur de ladite loi. Cela au mépris du principe fondamental de non-rétroactivité de la loi consacré par l’article 5 de la constitution.

Des exceptions non prises en compte

La seconde exception quant à elle a porté sur la loi création de la Haute Cour de justice qui interdit toute voie de recours. Donc pas de possibilité d’appel, ni de pourvoi en cassation. Les avocats pensent que cette disposition est en violation des articles 4 de la Constitution et 14. 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Dans le même élan, Me Armand Bouyin a purement et simplement réclamé que la juridiction procède à un renvoi du procès pour permettre au Conseil constitutionnel de statuer.

Celte demande des avocats de la défense n’a pas laissé indifférent le Procureur général, qui a dit comprendre leurs requêtes. De son avis la loi incriminée est en parfaite conformité avec la Constitution puisqu’elle est déjà passée devant le Conseil constitutionnel. Donc conformément à la Constitution, une loi organique ne peut passer deux fois devant l’instance constitutionnelle.

Les accusés à la fin de l’audience

A ces affirmations, Me Bouyain revient à la charge en faisant comprendre au Parquet général qu’il n’appartient pas à la Haute Cour de justice de discuter de cette question. Pour lui, le contrôle à priori, ne peut en aucun cas exclure le contrôle à posteriori.

Suite à ces échanges le président de la juridiction décide de suspendre la séance pour 45 mn afin de statuer sur les deux exceptions d’inconstitutionnalité. Une suspension qui a duré plus de trois heures d’horloge finalement.

A la reprise, la juridiction décide que les requêtes des avocats de la défense sont dépourvues d’objet, donc les rejette purement et simplement. Ce qui signifie qu’il n’y aura pas de renvoi pour que le Conseil constitutionnel puisse statuer sur l’inconstitutionnalité ou pas de la loi.

Cette décision s’est révélée comme une gifle magistrale à toute la pléiade d’avocats dans cette salle d’audience. Avec toute l’émotion qui va avec, le Bâtonnier Antoinette Ouedraogo, au nom de ses collègues jette à la figure des juges que les avocats se déportent, afin de ne pas participer à ce qui s’apparente à une parodie de justice. Sur ces paroles, les avocats vident la salle d’audience. C’est dans cette foulée que l’audience a été suspendue pour une heure.

Batonnier Antoinette Ouédraogo

C’est avec désarroi que Me Antoinette Ouedraogo, l’une des avocats de Luc Adolphe Tiao s’est adressée à la presse hors de la salle d’audience. Pour elle, il y a des choses qui ne passent pas dans la gorge d’un avocat, l’injustice. « Nous sommes là et nous étions venus, animés bonne volonté, déterminés à ce que les gens sachent qu’est ce qui s’est passé en 2014. Nous avons demandé des choses qui ne sont pas des facultés pour la Haute Cour de justice, mais des devoirs », a-t-elle lancé. Et de poursuivre en ces termes : « ils feront leur justice comme ils veulent, mais nous, nous ne serons pas là ».

Seuls et sans leurs défenses, les mis en accusation ont assisté à la reprise de l’audience. Nommément, les accusés ont été tous appelés à la barre avec à leur tête Luc Adolphe Tiao. C’est d’ailleurs ce dernier qui répondra à la question du président de la juridiction quant au retrait de leurs avocats. Pour le dernier Premier ministre de Blaise Compaoré, pour la manifestation de la vérité, il leur sera difficile de parler sans avocats. Sur ces paroles, la Haute cour donne 72h aux accusés pour s’attacher les services d’un avocat et a donné rendez-vous pour la reprise du procès le lundi 15 mai 2017 à 9h.

Marcus Kouaman
Lefaso.net

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