ActualitésDOSSIERS :: Lutte contre le terrorisme : « Ce n’est pas simplement tuer des gens avec une (...)

Du 24 au 26 mars 2017, la communauté islamique Ahmadiyya du Burkina a tenu sa 26ème conférence annuelle (Jalsa Salana) autour du thème évocateur : « Pour une nécessaire solidarité entre les religions afin de contrer l’expansion du terrorisme ». Parmi les spécialistes invités pour discuter des sous-thèmes, Asif Arif, avocat au barreau de Paris, spécialiste de l’Islam et de la laïcité. Auteur de « L’Ahmadiyya : un islam interdit » et « Histoire et persécutions d’une minorité au Pakistan », l’avocat est aussi très actif dans les questions de défense des droits humains. Dans cet entretien à bâtons rompus, Asif Arif porte un regard sur le sujet du terrorisme.

Lefaso.net : Quelle a été votre contribution à la 26ème Jalsa Salana de la communauté islamique Ahmadiyya du Burkina ?

Asif Arif : Je suis avant tout honoré par les responsables de la communauté islamique Ahmadiyya qui m’ont invité pour parler de terrorisme, parce qu’ils ont constaté que j’ai publié un deuxième livre sur le terrorisme en Europe. Aujourd’hui, on ne peut plus concevoir le terrorisme dans une vision européenne ; c’est nécessaire de regarder le terrorisme dans une vision internationale. J’ai donc trouvé intéressant de venir ici débattre du sujet.

J’ai participé à cette conférence annuelle à travers essentiellement deux thèmes. D’abord, sur le terrorisme, l’islamisme et l’obscurantisme et le deuxième thème qui est celui de l’islam et la laïcité. L’obscurantisme, c’est quand tu t’opposes à la diffusion de la culture, de l’instruction, etc. L’islam accompagne la diffusion de l’instruction. Donc, on ne peut pas dire aujourd’hui que l’islam est une religion obscure ou qui promeut l’obscurantisme et, encore moins, que l’islam est la religion qui légitime le terrorisme. Ça, c’est franchement une insulte faite à l’islam.

La laïcité, c’est une incompétence de l’Etat en matière de religions. Donc, un régime laïc ne distingue pas entre les religions. Moi, ce que je demande, c’est que le Burkina ne fasse pas comme la France, qui a rigidifié la laïcité ; elle a adopté des mesures qui stigmatisent la religion. Alors que le Burkina-Faso a une coexistence pacifique entre les religions qu’il faut impérativement maintenir. C’était vraiment la quintessence de mes propos ici.

Lefaso.net : Aujourd’hui, le combat, c’est de cultiver le distinguo entre « terrorisme » et « Islam ». Mais, c’est quand même un fait que les auteurs des attaques terroristes se réclament, après chaque forfait, de l’islam. Comment expliquez-vous cela ?

Asif Arif : La chose, c’est que tu ne peux pas dire d’une personne qu’elle est islamique ! Tu ne peux la juger sur son islamité supposée que par rapport à son comportement. Moi, si je respecte les cinq prières, si je fais du bien autour de moi, si je lis le Coran, si j’applique les 600 commandements inscrits dans le Coran, en ce moment-là, je suis dans l’islam. Mais si une personne se lève un beau matin, dit qu’elle veut égorger des gens et qu’elle le fait au nom de l’islam, est-ce dire pour autant qu’elle est musulmane ? Ou encore, est-ce pour autant dire que l’islam doit être coupable de ses gestes ? Non. L’islam est une religion qui contient 600 commandements ; ce n’est pas un acte qui va tuer des gens au nom de l’islam. C’est le comportement qui détermine l’islam et c’est pour cela qu’il ne faut pas allier l’islam aux comportements de quelques personnes.

Lefaso.net : Quels sont, à votre avis, les facteurs sociaux de cette flambée d’actes terroristes ?

Asif Arif : Je pense que c’est similaire à tous les pays en matière de terrorisme. Le problème vient souvent d’un désœuvrement, d’un déclassement de la population, de crises économiques répétées ces derniers temps et, peut-être aussi, côté africain, d’un manque de développement. Donc, il y a une nécessité pour nos gouvernants aussi de remettre le développement en marche et de faire en sorte de voir se développer en toute indépendance, de donner à la jeunesse une nouvelle raison d’être. C’est en cela aussi que la communauté Ahmadiyya est un exemple ; parce qu’à travers ses actions, ses œuvres, elle a permis de donner un nouvel horizon aux jeunes, elle a permis aux jeunes de comprendre qu’ils ne sont pas simplement des personnes que la société va accuser, que ce sont eux qui vont créer la société de demain.

C’est ce qui est important de démontrer ; parce que l’avenir de la société, ce ne sont pas les vieux d’aujourd’hui. Demain, c’est votre jeunesse, le dynamisme qu’elle incarne. Et personnellement, j’ai été heureux de constater qu’il y a beaucoup de gens qui sont engagés dans les universités et dans différents secteurs qui veulent participer à l’enrichissement culturel, économique et social du Burkina. Il faut donc véhiculer une vision de paix de l’islam et éviter de faire l’amalgame entre terrorisme et islam.

Lefaso.net : Peut-on espérer le bout du tunnel dans la lutte contre ce phénomène ?

Asif Arif : Oui, parce que les jeunes vont aider à combattre le phénomène du terrorisme, ils ne vont pas se fatiguer pour ça. Nous, ce qu’on a à dire avec force et vigueur, c’est de ne jamais se fatiguer de faire le jihad de l’amour. Il faut se lever tous les matins, combattre toutes les injustices, vivre dans une société paisible, appeler les dirigeants à vivre dans une société paisible, développer nos pays. C’est cela qu’on apprend à nos jeunesses, ce n’est pas allé vagabonder de gauche à droite, ne rien avoir à faire, venir pour les cinq prières, etc.

Non ! Ce qu’on enseigne, c’est vraiment la cohésion dans la communauté et je suis confiant quand je vois qu’il y a plusieurs ministres, le vice-président de l’Assemblée nationale qui viennent à nos évènements (ouverture des travaux de la Jalsa Salana), ça veut dire que nos voix comptent. Il était temps qu’elles comptent et je suis ravi d’appartenir à une communauté qui est écoutée, c’est cela aussi la fierté et l’objet de notre travail. Notre combat, c’est promouvoir les vrais enseignements, les valeurs de l’islam.

Lefaso.net : Et ces valeurs enseignées et prônées sont entre autres ?

Asif Arif : La fraternité. Appeler vers le bien. Le bien, c’est aider le pauvre, c’est aider l’orphelin. Le bien, c’est faire en sorte d’alléger la souffrance des gens, d’appeler au développement de son pays, créer des cliniques, des hôpitaux, des écoles, travailler pour que les gens aient accès aux soins. C’est cela la finalité de la communauté Ahmadiyya.

Lefaso.net : Une certaine opinion voit derrière la poussée des groupes terroristes la main de grandes puissances. Est-ce votre analyse, surtout lorsqu’on se réfère à leurs moyens de destruction ?

Asif Arif : Non ! On ne peut pas faire ce parallélisme pour plusieurs raisons. La théorie du complot, ce n’est pas mon truc. Ce que je vais vous dire, c’est que l’histoire nous dira, peut-être, de l’implication de telle ou telle autre. L’histoire nous le dira sûrement et très rapidement. Mais pour l’instant, on n’a aucune preuve. Et nous, on ne parle pas contre elles (les puissances). Mais il y a effectivement un problème de deux choses : il y a un problème de financement et un problème d’armement. Donc, à vous (en tant que journalistes) de faire le travail et à eux (en tant qu’hommes politiques) de dire la réalité sur ceci ou cela.

Lefaso.net : Quelle serait la bonne action pour venir à bout du phénomène ? L’action militaire ? L’action diplomatique ? Ou les deux à la fois ?

Asif Arif : Il faut allier tout. Pas seulement miliaire et diplomatique, il faut adjoindre le pouvoir religieux, utiliser la religion pour cet autre discours. Cela est très important. Ce n’est pas simplement tuer des gens avec une mitraillette qui va faire disparaître le terrorisme. Venir à bout du terrorisme, c’est une question de fond, ce n’est pas une question de forme. Assassiner quatre, cinq… personnes membres d’un groupe terroriste, oui d’accord, mais il y aura les fils, les petits-fils, etc., qui vont venir après. On ne va jamais en finir donc. Le problème, c’est donc celui de la pédagogie, de l’éducation ; il faut absolument éduquer les masses. C’est cela le plus important. Il faut se servir donc des communautés, à l’image de la Jama’at Islamique Ahmadiyya, pour apporter cet autre discours.

Propos recueillis par Oumar L. OUEDRAOGO
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